Un modernisme source d'effroi à Vohémar


Lors de la première guerre franco-malgache, (1883-1885), Vohémar est assiégé comme Mahajanga, Antsiranana et autres ports du Nord de la Grande île. A propos de la prise de Vohémar, la tradition locale raconte ce qui suit: « Alors que les troupes françaises débarquèrent et attaquèrent à partir de la mer, les Antankarana se soulevèrent en attaquant par le dos les soldats merina qui, pris entre deux feux, battirent en retraite après avoir opposé une résistance farouche à l'endroit dit Andriamparany où succomba le commandant de la troupe d'Amboanio. » En souvenir de cette prise de Vohémar, une stèle pyramidale en béton armé d'un mètre environ, s'élève au sommet d'un coteau situé vers le fond sud de la baie à environ 3km de la ville, sur la route d'Antsiranana. L'année « 1883 » est gravée à mi-hauteur de ce monument. Le port de Vohémar est restitué au gouvernement malgache en 1885, après que ce dernier a accepté de payer l'indemnité demandée par la France et de lui céder le port de Diego-Suarez. Pendant la deuxième guerre franco-hova en 1895 qui se termine par la chute d'Antananarivo le 30 septembre, la garnison merina de Vohémar n'a pas à faire la guerre. Selon toujours la tradition locale, le dernier commandant du poste militaire d'Amboanio appelé Rafaralahy, informé de la reddition de la capitale, la rejoint pour ne plus revenir. La colonisation s'installe alors. Érigé en chef-lieu de province, Vohémar a à sa tête l'administrateur Faucon. Dans un de ses rapports on peut lire: « La Résidence de Vohémar comprend du nord au sud les quatre provinces de Loky, d'Amboanio (Vohémar), de Soavinandriana (Sambava) et d'Antalaha ou Anosibe, du nom d'une rivière peu importante au nord de Ngotsy. » Parlant des races principales qui peuplent la Résidence, il cite les Hova « race conquérante et très peu nombreuse, répandue un peu partout »; les Sakalava « répartis surtout entre les rivières Rodo et Bemanevika »; les Betsimisaraka « répandus dans tout le Sud à partir de la rivière Bemanevika ». Les équipements modernes commencent à être vulgarisés dans la province. En 1926, un commerçant malgache, Rainizafin­drahety (ou Razafindrahety) introduit la première bicyclette à Vohémar. « Cet engin intrigua les habitants par le fait que celui qui le monta, put garder son équilibre sans tomber. » Une chanson populaire rappelle d'ailleurs cette bécane: « En route Razafindrahety- Monté sur sa bicyclette- Coiffé d'une casquette- A la coupe de cheveux coquette » (traduction donnée par Clovis Ralaivola).Un an plus tard, apparaît la première motocyclette montée par un fonctionnaire des Travaux publics, M. Serrin. La même année, le 14 septembre, l'exploitant. Cartier fait tourner la machine semi-diesel dans la forêt d'Ifonty. « Un millier de personnes accoururent pour assister à ce premier essai de mise en marche d'un moteur. La fumée s'échappant du moteur accompagné d'un bruit assourdissant a semé la panique parmi les curieux qui se dispersèrent dans un sauve-qui-peut général: les plus courageux s'arrêtèrent à 100m de la machine. »Vers la fin 1927, le négociant Raymond Dubosc introduit la première voiture, de marque Renault, débarquée d'un bateau. Durant sa première course pour traverser la ville, les habitants s'écrient: « Sambo an-tanety!» (bateau terrestre). « A son passage, les piétons s'assirent par terre ou s'agrippèrent au poteau ou au tronc d'arbre le plus proche par crainte d'être renversés ou entraînés par le vent que ce véhicule créa dans son sillage; appréhension inspirée à la vue des nuages de poussière qu'il soulève à son passage. » C'est en septembre 1934 enfin qu'un avion atterrit pour la première fois sur le terrain vague d'Antsorolava, au sud de la ville. Au moment du décollage le même jour, « les curieux qui se trouvaient à l'autre bout de la piste s'enfuirent dans une débandade désordonnée et beaucoup furent blessés soit en se cognant entre eux, soit en donnant de la tête contre un obstacle, ou même en tombant dans un trou, tellement leurs yeux étaient fixés sur l'engin volant qu'ils voyaient courir vers eux. Ils s'attendaient en effet à un décollage vertical de l'avion ».
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