Maurice Beranto, Président du Fizazima - « Faire de la politique au service de la nation »


Maurice Beranto, président de l’Association Fizazima, la présente comme une force de propositions constructives, et non une opposition radicale de l’actuel régime en place. D’où est venue l’idée de fonder ou de créer le Fizazima ? Il existe de par le monde, dit-on, plusieurs centaines d’associations créées par des Malgaches pour apporter une assistance à des écoles, des associations, des villages, des maisons de retraite, etc. de notre pays. Cela a commencé il y a plusieurs dizaines d’années. Même si comparaison ne sera jamais raison, je dirais qu’il s’agit de comprimés de paracétamol donnés à une personne qui a le cancer. Cela lui enlève sa migraine à chaque prise, mais, hélas, cela ne soignera jamais son cancer. Face à la situation catastrophique dans laquelle se débat notre pays, les Malgaches doivent apporter des solutions au mal extrême qui est la cause de cette situation, qui est la mal gouvernance. Une des conséquences les plus graves de cette malgouvernance est donnée par « leo politika ny Malagasy » ou, devrait-on dire « leon’ny politika ny Malagasy » ? Le désintérêt pour la politique laisse le champ libre à ceux qui font tout pour que cette situation ne puisse pas changer. Et pourtant la politique est incontournable pour la bonne gestion d’un pays. Qu’on le veuille ou non, tout est politique. Quand on laisse la politique à des personnes dont les intérêts priment sur ceux du pays et de toute la population, on se retrouve dans la situation de la population malgache d’aujourd’hui. J’ai fait partie d’une équipe qui a essayé d’apporter le changement. Après la tentative du Leader Fanilo qui avait ambitionné d’installer l’éthique dans la pratique politique nationale, nous avons estimé qu’il fallait continuer la démarche car les résultats obtenus étaient insuffisants. Nous avons réussi, en 2004 si ma mémoire est bonne, à réunir une trentaine de partis politiques dont les débats ont abouti à un texte appelé « Dina poli tique » suivi, quelques mois après par un deuxième texte, « Satan’ny Antoko politika ». Le but était d’inciter nos compatriotes à s’investir un peu plus dans la politique, car, comme la nature, la politique a horreur du vide. Il est indispensable que les Malgaches, pour qui les intérêts supérieurs de la nation sont une exigence fondamentale, s’y investissent pour faire barrage aux prédateurs et à ceux qui veulent perpétuer ce qui se passe dans notre pays depuis des dizaines d’années. Beaucoup de nos compatriotes se plaignent à juste titre, à longueur d’années, de la situation exécrable du pays. La création de Fizazima entend leur donner la possibilité de rencontrer des Malgaches et des amis de Madagascar pour débattre des problèmes du pays et trouver ensemble les solutions de nature à ramener la sérénité et la prospérité dans la Grande île. Quels sont ses objectifs au-delà de la philosophie existentielle ? Les objectifs sont clairs. En premier lieu, amener les natifs de Madagascar et la diaspora (Natifs et Amis) à travailler en commun. C’est dans la nature des choses, mais travailler ensemble appelle à se décomplexer de part et d'autre. Les priorités sont nombreuses, mais, à mon humble avis, deux d’entre elles sautent aux yeux : le problème de l’éducation et celui de la santé publique, conditions sine qua non pour permettre à toutes les forces vives de travailler. D’un autre côté, il faudra également mettre en œuvre une politique pour éradiquer le phénomène dahalo et la pauvreté chronique qui font tant de mal à nos compatriotes. Bref, déterminer un processus qui doit permettre à Fizazima d’initier et de mener à bien les actions indispensables pour ramener la sérénité et la prospérité à Madagascar. Dans le manifeste de présentation, j’ai eu l’impression de lire l’esquisse d’un véritable projet de société. Ai-je tort ou raison ? Vous avez absolument raison. Fizazima est une association qui entend être opérationnelle à très brève échéance. Ses membres sont conscients que cette dimension fait souvent défaut à Madagascar où des slogans ont servi de projet de société. Je ne vais pas énumérer ces slogans puisque tout le monde les connaît et beaucoup ont déploré cet état de fait. . Deux pays d’Afrique ont réussi leur développement en quelques années : le Rwanda et la Tanzanie. Est-ce faisable pour Madagascar ? Bien sûr que c’est faisable. Quand on connaît tout le potentiel dont regorge le pays, est-il difficile de se convaincre que la performance enregistrée par le Rwanda, la Tanzanie, et d’autres pays comme le Botswana, est imaginable dans notre pays ? Cette île-continent, aux multiples richesses minières, agricoles et halieutiques, peut s’enorgueillir de milliers de ses enfants qui sont passés par les meilleurs établissements du monde entier. Leurs compétences font le bonheur d’autres pays. Si on pouvait leur proposer des conditions de travail satisfaisantes, je fais le pari que beaucoup reviendraient vivre et travailler au pays. Pourquoi n’y arrive-ton pas ? Il nous manque la volonté politique qui est la clé de voûte de toute entreprise pour développer un pays. Parce que bridés par des contre-vérités, les Malgaches se verrouillent mutuellement. En identifier ces causes pour les analyser et trouver les remèdes appropriés sont les missions que Fizazima s’est donné. Comment devient-on membre de cette plateforme que je qualifierais de tous azimuts ? En attendant la mise en place du site Web, qui ne saurait tarder, nous avons créé un compte Facebook « Zanaka sy Zivan’ i Madagasikara-Fizazima » auquel tout le monde peut accéder. J’y invite celles et ceux qui ont envie de nous rencontrer. Ils seront accueillis à bras ouverts. N’avez-vous pas des arrière-pensées politiques par rapport à la situation qui prévaut et avec la présidentielle qui se profile à l’horizon ? La situation du pays nous interpelle et nous invite à intervenir car nous pensons que cette « descente aux enfers » n’a que trop duré, puisqu’il faut appeler les choses par leur nom. Vous savez, la majorité des membres de Fizazima n’ont aucun calcul politique puisqu’ils font partie de la majorité dite silencieuse, de ceux qui ne voulaient pas toucher à la politique. Le kere, cette famine devenue presque endémique, l’insécurité, actuellement chronique, ne laissent personne indifférent. Voilà les raisons qui les ont poussés à participer au débat et à créer Fizazima. Si les arrière pensées sont de parvenir à des postes politiques, ce n’est pas le cas. Par contre, si la politique est l’unique levier pour assainir la situation du plus grand nombre, alors Fizazima a des arrière-pensées politiques. Notre Manifeste le dit clairement: débarrasser notre pays de celles et ceux qui l’ont mis dans cette situation. Des membres de la diaspora passent pour être des opposants radicaux au régime en place. Le Fizazima se positionne à quel endroit sur l’échiquier politique ? Quand les membres de Fizazima décideront de sortir de l’anonymat, scrutez bien nos visages ; vous en reconnaîtrez certainement. Fizazima se targue d’avoir offert à ses membres l’opportunité de faire de la politique, la vraie, à travers l’analyse de la situation, la recherche de la vérité sur les causes et la conviction que l’on n’a pas le droit de regarder, de rester froid, sans rien faire. L’opposition radicale « alako bika, tsy tiako tarehy » ne fait pas partie du mode de pensée Fizazima. À un tel point que nous ne faisons pas de différence entre les pouvoirs successifs qui ont sévi depuis plus d’un demisiècle, tant il apparaît évident que l’intérêt supérieur de la nation n’a jamais été la motivation de tous ces pouvoirs. Malheureusement, ils sont l’ossature de l’échiquier politique actuel. Nous sommes donc résolument en dehors de cet échiquier. Le président de la République Andry Rajoelina a envisagé le vote des membres de la diaspora où qu’ils se trouvent. Dans la pratique, est-ce faisable pour les concitoyens de France ? Je suis de celles et de ceux qui avaient réclamé, dès 1997, cette possibilité pour les Malgaches installés à l’extérieur du pays de participer aux votes. Forts de la présence et de l’appui de feu Herizo Razafimahaleo, siégeant dans le gouvernement de l’époque, en tant que ministre des Affaires étrangères, nous étions convaincus que cela allait aboutir. Si l’actuel président de la République a pris un engagement dans ce sens, il lui appartient de tenir ses promesses. . Votre avis sur la décentralisation soulève toujours des débats. Des partis politiques souhaitent l’avènement des États régionaux afin d’accélérer un développement équitable. Dans ce que vous venez de dire, les mots-clés sont décentralisation et développement équitable. Je ne vois pas très bien ce que pourraient être des États régionaux ! Pour former un État, beaucoup de paramètres sont incontournables. Faisons la liste de ces paramètres et nous nous rendrons vite compte que ces États régionaux ne sont pas encore pour demain. Je suis persuadé que si la décentralisation est effective et si elle est source de développement équitable, les revendications d’États régionaux perdront de leurs substances. Ceci étant, certaines prises de positions au niveau de la capitale nationale aiguisent souvent ces réactions épidermiques. Madagascar doit arriver à calmer les passions, car la politique se fait avec la tête, non avec le cœur ! Et ces passions sont souvent alimentées par des contre-vérités véhiculées par ceux dont les intérêts se limitent à leur confort personnel et à leur survie. Que pensez-vous du projet téléphérique dans la capitale ? J’aurais lancé ce projet de téléphérique après la transformation de Toamasina en Miami ou tout au moins, le remplacement du gymnase de Mahajanga qui a été démoli alors que les équipements sportifs sont insuffisants. J’espère pour nos jeunes de ma bonne Ville des fleurs, que la construction du gymnase a enfin commencé ! Et plus sérieusement, je l’ai déjà dit, je regrette que les intérêts supérieurs du pays passent après les intérêts particuliers de quelques compatriotes. Des populations entières, dans le Sud comme dans les bas-quartiers de toutes les agglomérations malgaches souffrent de la famine, endémique depuis très longtemps et aujourd’hui encore sans l’espoir d’un soupçon de solution. Plus grave, la pauvreté gangrène en fait toutes les couches de la population où les catégories intermédiaires, socles de toute vie économique et sociale d’une nation, ont totalement disparu. Le pouvoir actuel devrait s’atteler avec force et vigueur à en rechercher les solutions. D’abord et avant tout ! Et la famine dans le Sud, une malédiction ou une mauvaise gestion des aléas climatiques ? Les événements de 1991 qui avaient défrayé la chronique à son époque étaient déjà l’annonce du malaise qu’allait subir la population de cette région. J’ai eu deux fois l’occasion de traverser cette région, en 1997 puis en 2001. J’y avais vu un vol des criquets, en 1997, comme j’ai constaté que pendant la saison de pluie de 2001, les rivières étaient infranchissables à cause de la force du torrent qui passait au-dessus des radiers. Notre conducteur avait refusé de lancer son 4x4 pour passer de l’autre côté de la rivière. Le compatriote qui était assis au bord de la rivière m’avait affirmé que c’est ainsi, à chaque saison des pluies. Toute cette eau donc allait directement dans l’océan, alors que l’on aurait pu la détourner pour faire des lacs artificiels comme celui de Mantasoa et de Tsiazompaniry ! Je vous rappelle que ces deux lacs avaient été construits pendant la période coloniale. Ils auraient pu servir d’exemples pour ce grand Sud qui souffre du manque d’eau ! Cette famine n’est ni une malédiction, ni une mauvaise gestion des aléas climatiques. C’est tout simplement l’incurie des pouvoirs successifs qui n’ont jamais réellement cherché à amener le développement et le progrès social dans chaque fokontany, où qu’il se trouve dans le pays. La corruption gangrène la société de l’intérieur. Le Fizazima a-t-il des remèdes pour lutter contre ce fléau ? Madagascar est un système qui ne fonctionne plus depuis des dizaines d’années. Tout est permis dans les hautes sphères, au vu et au su de tous. L’exemple venant d’en haut, il n’y a aucune raison que les subalternes n'essayent pas de compenser leurs salaires de misère en tapant sur tout ce qui passe entre leurs mains. Je n’excuse personne, en disant cela. Le seul remède est la refondation, de fond en comble, de la République. Le peuple malgache possède en son sein toutes les compétences pour mener à bien une telle initiative. Je vous l’ai déjà dit plus haut, une volonté politique est la première arme pour remettre le train Madagascar sur de bons rails.
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