Chronique de VANF : Andafiavaratra : faire date


Nosy malagasy vs. îles éparses : le palais d’Andafiavaratra accueille ce jour la «consultation» franco-malgache sur des îles qui étaient encore dépendances de Madagascar avant le décret du 1er avril 1960. Dans l’histoire complexe entre la France et Madagascar, le 18 novembre 2019 rejoint donc le 18 février 1916 et le 22 juillet 1948. Ici, le 18 février 1916, en pleine «guerre de 14», s’ouvrait le procès des V.V.S. (Vy, Vato, Sakelika) : de nombreux élèves-fonctionnaires de l’école Le Myre de Vilers, des médecins, des écrivains, furent poursuivis pour subversion nationaliste. Ici, également, le 22 juillet 1948, trois ans après la «guerre de 39-45», débutait le procès des parlementaires du MDRM (Mouvement Démocratique de la Rénovation Malgache) après les «événements» du 29 mars 1947. Des condamnations à un exil mahorais furent prononcées en 1916. Déjà impliqués dans le mouvement VVS, Joseph Ravoahangy-Andrianavalona et Joseph Raseta seront cette fois condamnés à mort au procès MDRM. Jacques Rabemananjara sera condamné aux travaux forcés à perpétuité. Tous les trois étaient pourtant députés de la première législature de la Quatrième République française depuis novembre 1946. Le 21 mars 1946, à l’Assemblée nationale constituante, les députés Ravoahangy-Andrianavalona et Joseph Raseta avaient déposé une proposition de loi en deux articles : «La loi du 6 août 1896 est et demeure abrogée. Madagascar est un État libre, ayant son gouvernement, son parlement, son armée, ses finances, au sein de l’Union Française». Cette démarche malgache s’inscrivait dans la dynamique de la proclamation de la République démocratique du Vietnam, le 2 septembre 1945, par Ho Chi-Minh. D’ailleurs, la rédaction de la proposition de loi malgache reprenait mot pour mot les termes de l’accord franco-vietnamien du 6 mars 1946. En mai 1942, les troupes coloniales françaises furent impuissantes à empêcher le débarquement à Diégo-Suarez des troupes britanniques, avant d’être chassées d’Antananarivo le 23 septembre. Si le 29 mars 1947 malgache avait eu l’organisation militaire de l’Ironclad britannique de 1942 ou l’exaltation patriotique des Vietnamiens à Diên Biên Phu, le 7 mai 1954, l’indépendance de Madagascar n’aurait été, ni «octroyée» ni «assortie» d’une amputation in extremis. Andafiavaratra, pour le grand public, désigne le «palais du Premier Ministre». Mais, Andafiavaratra est aussi le nom de la famille éponyme : ces «Terak’Andriantsilavo», lequel Andriantsilavonandriana dut sa fortune politique au Roi Andrianampoinimerina. Vingt ans après la mort d’Andrianampoinimerina (1810), les trois fils d’Andriantsilavo se partageaient la Justice, l’Armée et l’Administration sous le règne d’une Ranavalona (1829-1861), que le national-patriotisme, mis en effervescence autour de la question de ces îles, n’a toujours pas réhabilitée dans la mémoire collective où elle demeure à l’index comme persécutrice des Chrétiens. Ravagé par un incendie, le 11 septembre 1976, le palais d’Andafi­avaratra renaîtra de ses cendres par l’obstination de Gisèle Rabesahala (1929-2011), alors Ministre de la Culture (de 1977 à 1991). Celle qui fut jeune militante au MDRM (1946) et secrétaire générale de l’AKFM (1958) nous a légué un livre dont le titre est tout un credo : «Ho tonga anie ny Fahafahana», Que vienne la liberté ! Andafiavaratra, au Nord mais en altitude déférente vis-à-vis de Manjakamiadana, se détache sur la silhouette d’Antananarivo depuis le 29 juillet 1872. Ce jour-là, le Premier Ministre Rainilaiarivony manifestait sa toute-puissance : il venait de remplacer la «Tranobe», construction traditionnelle en bois de son père Rainiharo, par une audace architecturale associant la pierre, la brique, le bois et le verre d’une coupole qui va faire descendre la lumière naturelle du jour sur les discussions à propos des îles malgaches du canal de Mozambique. Premier Ministre aux pleins pouvoirs de juillet 1864 à septembre 1895, Rainilaiarivony avait été, longtemps, l’ultime obstacle aux ambitions coloniales de la France à Madagascar. Charles Le Myre de Vilers, ancien gouverneur de la Cochinchine et résident général à Madagascar, informa un jour le Premier Ministre de l’entente franco-britannique «troquant» Madagascar contre Zanzibar (5 août 1890). Rainilaiarivony avisa un couvre-chef sur un guéridon proche et répondit au plénipotentiaire français : «Vous voyez ce chapeau de Rabibisoa : qu’en penserait-il si je vous en faisais cadeau ?» Ce trait d’esprit résume tout le malentendu né de ce décret du 1er avril 1960.
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