Les anciens pillages de la nature malgache


S’alimenter et se soigner sont de tout temps, dans tous les pays et chez tous les peuples, deux préoccupations primordiales. C’est ce qui explique que les premières recherches portant sur les produits naturels, se rapportent aux plantes alimentaires ou médicinales. Au cours des âges, dès qu’un pays est découvert, on y recherche les substances consommables ainsi que les végétaux utilisables en thérapeutique. À Madagascar, les premiers naturalistes sont les sorciers (« ombiasy »), devins et guérisseurs qui, de bonne heure, connaissent les principaux éléments de la faune et de la flore du pays. C’est encore eux qui, dans les villages campagnards, pratiquent plus ou moins empiriquement la médecine des simples, observent les mœurs et habitudes des animaux, trouvent les filons des métaux précieux. Selon Henri Poisson, parmi les peuples de l’Antiquité, les Phéniciens qui, bien avant Vasco de Gama, doublent le Cap de Bonne-Espérance et font le tour de l’Afrique, ont dû venir à Madagascar pour y rechercher des denrées commerciales, empruntées aux productions de la Grande île. Les Grecs fréquentent aussi les côtes madécasses. Depuis une époque très lointaine, les Indiens, les Malais, les Chinois établissent des relations de commerce avec les naturels. Les Égyptiens, eux aussi, connaissent et visitent Madagascar. Les Arabes, dès le XIIe siècle, rapportent des contrées malgaches du santal, du tamarin, du camphre et des aromates. Au XVIe siècle, les Portugais recherchent les mêmes ingrédients auxquels ils ajoutent des épices comme le girofle et le gingembre. C’est ainsi qu’en 1506, le capitaine Jean Rodrigue Pereira, de la flotte de Tristan d’Acunha, constate la présence de plantes médicinales et aromatiques employées par les autochtones. En 1515, Andrea Corsali décrit l’Isle Saint-Laurent où abondent toutes sortes d’animaux domestiques et sauvages, où il y a de l’argent, de l’ambre gris, du gingembre, du girofle dont le parfum est supérieur à celui de l’Inde et beaucoup d’autres choses. Deux ans plus tard, trois navires français de Dieppe se rendent dans la Grande ile et en ramènent une cargaison de plantes aromatiques et médicinales. En 1563, paraît le premier livre de matière médicale de Garzius qui mentionne des produits naturels de l’Isle Saint-Laurent. En 1598, dans le travail de G.A.W. Lodewijckss, commissaire de bord du « Mauritius » de la flotte de l’amiral Cornelis de Houtmann, on peut voir les premières figures connues de plantes de Madagascar. Au début du XVIIe siècle, les voyages ont surtout lieu dans le Sud, région étrange par sa végétation et qui suscite de la part des navigateurs une admiration et un étonnement considérables. En 1602, François Martin de Vitré qui relâche dans la baie de Saint-Augustin avec le navire « Le Croissant » donne une liste des productions naturelles de la région (1619). Quelques années après, en 1609, Megiser publie en allemand un volume sur la « Description véridique complète et détaillée aussi bien qu’historique et chorographique de l’île extrêmement riche, puissante et célèbre de Madagascar, autrement nommée Saint-Laurent, comme la plus grande de toutes celles du monde ». Ceci avec l’exposé de tous les avantages et « commodités » de ses habitants, animaux, fruits et végétaux. Le tout orné de jolies gravures sur cuivre. L’année suivante, Nicolas Dowton, capitaine du « Pepper-Corn » vient aussi à Saint-Augustin. En 1614, le RP Luis Mariano rapporte les ordalies par les poisons végétaux. En 1639, Jean-Albrecht Mandelsio passe à Saint-Augustin et en 1651, Olérius qui mentionne ce voyage, y note la présence d’ébénier, d’aloès et de sang-dragon (« harongana »). Richard Boothby, marchand de Londres venu dans l’île, publie en 1646 un ouvrage où se trouvent une description merveilleuse de l’ile et de ses habitants, une nomenclature des plantes utiles, alimentaires, des animaux, des fruits et de produits divers. Il envisage de faire de cette terre, une colonie anglaise ! Texte : Pela Ravalitera - Photo : Archives personnelles
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