Décès de Mireille Rabenoro - Une icône des droits humains s’en va


Alors qu’elle suivait un traitement contre le cancer en France, la présidente de la Commission Nationale Indépendante des Droits de l’Homme s’en est allée. Son chemin illustre un parcours atypique. Derrière cette attitude discrète et réservée s’est battue une femme de caractère, engagée et déterminée. Après un édifiant mandat, mené à bien au sein de la Commission nationale Indépendante des Droits de l’Homme (CNIDH) qu’elle a présidée pendant quatre ans, Mireille Rabenoro tire sa révérence en signant la mission accomplie hier aux petites heures. Un sentiment partagé à l’égard des personnes qui ont eu le privilège de la connaître. D’ailleurs, c’est en bataillant énergiquement contre le cancer, une maladie qui a bien failli l’emporter il y a déjà plus d’une vingtaine d’années, qu’elle a ramenée de très loin la CNIDH, alors effacée de l’échiquier mondial des droits de l’homme pendant une longue décennie. En mars 2019, c’est en se battant vaillamment contre une insoutenable douleur ambiante que Mireille Rabenoro, alors Présidente de la CNIDH, passe en visio-conférence l’examen de Madagascar devant le sous-comité d’accréditation de l’Alliance Globale des Institutions Nationales des Droits de l’Homme (GANHRI), depuis Genève. Ne se doutant pas encore que c’est la maladie qu’elle pensait avoir repoussée jusqu’à ces derniers retranchements depuis bien d’années qui apparaissait sous une forme encore plus inquiétante défiant les diagnostics médicaux, la Présidente de la CNIDH réussit toutefois le défi de hisser son institution au Statut A au prix d’une forte détermination. Agrégée d’anglais, maître de conférences à l’Université d’Antananarivo et de surcroît membre de l’Académie malgache, Mireille Rabenoro était particulièrement dans ses éléments en matière de langues française, anglaise, tout en manifestant à l’adresse de la langue maternelle le plus grand respect. Pesant la force des mots dans des phrases ordonnées dans une structure réservée, la défunte Présidente de la CNIDH fut une illustre femme de lettres, animée de la passion pour son métier. D’ailleurs, le clavier fut l’un de ses derniers compagnons de lutte, lorsqu’elle a affronté le trépas qui la hantait sur son lit de souffrante, d’où elle continuait à travailler. Indéniablement, c’est un des piliers porteurs de la Commission qui s’effondre avec la disparition d’une icône des droits de la femme et des droits humains d’une manière générale. Convictions D’une apparence toujours soignée surmontée d’un air sérieux qui a de quoi dérouter les personnes qui la connaissent mal, Mireille Rabenoro manifestait toutefois un attachement à la sincérité et à l’altruisme. D’ailleurs ce sont ces valeurs qui ont réveillé en elle le déclic d’œuvrer pour les droits de la femme. Alors directeure de la Condition de la Femme, de l’Enfant et de la Famille auprès du ministère de la Population entre 1991 et 1995, elle raconte avoir fait la connaissance d’une très jeune institutrice du préscolaire à Fenerive-Est. Ayant développé des relations amicales avec celle-ci, elle était pétrifiée à son retour un an plus tard, lorsqu’elle a été informée du décès de l’enseignante, emportée par un avortement non sécurisé. La tragédie a néanmoins nourri ses convictions et l’a fait rebondir. Profondément touchée, elle s’est alors faite la promesse d’être au chevet des femmes vulnérables. Vice-Présidente du Conseil National des Femmes, son élection pour servir au sein de la CNIDH, Mireille Rabenoro a mis son existence au service de son prochain. Fille de Césaire Rebenoro, ambassadeur de la République de Madagascar à Londres en 1967, avant qu’il soit nommé secrétaire d’État aux affaires étrangères, puis ministre des Mines, de l’Industrie et du Commerce, avant sa désignation à la tête du ministère de la Santé publique et de la Population, Mireille Rabenoro a vécu une partie de son adolescence en Grande-Bretagne. Sa jeunesse aurait également été marquée par sa participation active à la lutte pour la « Révolution 1972  », suite au constat de flagrants traitements inégalitaires dans les universités de Madagascar. C’est après avoir traversé bien de péripéties qu’elle part pour d’autres cieux à l’âge de soixante-huit ans. Que la terre lui soit légère.
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