Une armée qui mérite bien de leur chef suprême


Si le tricolore, l’hymne national et la Consti­tution sont les premiers symboles de la Répu­blique, à Madagascar, l’Indé­pendance et la souveraineté nationale le sont surtout par l’Armée composée de « miaramila», qui ont des besoins communs. Sous Andrianampoinimerina, l’idée de créer un corps organisé dans lequel regrouper les soldats, est à peine ébauchée et c’est tout juste s’ils ont un nom, les « lahindefona », hommes à sagaie. Une fois la guerre finie, ces combattants rentrent chez eux. Le père Callet, dans ses « Tantara ny Andriana eto Madagascar », rapporte une anecdote à ce propos. Un jour, relate-t-il, après une brillante victoire, Andrianam­poinimerina demande à ses « lahindefona » ce qu’il y a de plus doux (mamy) pour eux. Et ceux-ci de répondre : « De faire votre volonté, seigneur ! » « Ne me cachez pas la vérité », réplique alors le souverain, devinant sans doute qu’ils disent cela pour lui faire plaisir. « Ce qui vous est le plus cher maintenant, c’est de rentrer auprès de vos femmes et de vos enfants, car il est doux de rentrer chez soi » (mamy ny mody). Son fils et successeur, Radama Ier, commence la véritable organisation des corps de troupes qui, à partir de cette date, prennent le nom de « soridany », puis celui de « miaramila ». Il commence par recruter, en plus de simples soldats enrôlés comme du temps de son père, 100 hommes pris parmi la classe riche qu’il fait instruire sérieusement et pour lesquels il crée les grades. À savoir un général chef des troupes (10 honneurs) qui a sous ses ordres trois officiers supérieurs (9, 8 et 7 honneurs). Les 6 honneurs sont chefs d’une centurie et ont chacun sous ses ordres, un 5 honneurs et cinq 3 honneurs qui commandent respectivement 20 hommes. Ces sept officiers sont appelés « fito lahy miandry zato » (sept hommes commandant cent). Ces mille premiers soldats instruits font leurs premières armes à Maharivo où, malgré un assez grand nombre de morts du fait de la faim, ils méritent bien de leur roi. « Une fois rentré, Radama, encouragé par l’essai, instruisit treize milliers de nouvelles recrues qu’il prit dans les six territoires de l’Imerina, à l’exception du Vakinankaratra, et qu’il fit instruire à Isahafa par les Anglais Brady et Carren et le Français Robin » (Régis Rajemisa-Raolison, « Dictionnaire géographique et historique de Madagascar »). Le jeune roi fait aussi traduire en malgache les formules de commandement militaire et établit un parallèle entre les grades militaires européens et merina. Par exemple, le grade de 2e classe équivaut à un honneur et ainsi de suite jusqu’aux 12 honneurs, maréchal. Radama apprécie ses soldats et surtout, il compte sur eux. Il est le premier à les qualifier de « tandroky ny fanjakana » (les cornes du royaume),  ou « hidy sy rakotry ny tany » (fermeture et couvercle du territoire), ou encore « tandroka aron’ny vozona » (cornes protectrices du cou). Le  souverain veut, en contrepartie, que ses troupes fassent le serment d’être dignes de cette confiance qu’il met en elles. D’où la cérémonie solennelle à Isahafa, où les soldats promettent tous de ne pas reculer. « Que celui qui tournerait le dos à l’ennemi, périsse vif par le feu ! » Par la suite, des preuves sont apportées que ce serment ne reste pas lettre morte ni vaine parole. Pendant l’expédition en pays sihanaka, quelques hommes dont le général lui-même, Andriankoto­navalona, simulent un recul- « qui n’était pas jugé stratégique »- devant un ennemi qui a l’avantage du nombre. Ils sont brulés vifs. Radama Ier songe, de jour en jour, à perfectionner son armée, jusqu’aux plus minimes détails extérieurs. En 1823, après la deuxième expédition du Menabe, il donne l’ordre que tous les soldats se fassent couper les cheveux, car à l’époque, les hommes ont la chevelure aussi longue que les femmes. Cela trouble surtout les épouses, habituées à voir leurs maris avec des cheveux longs. Elles tiennent une réunion à Ambatoroka et délèguent quelques-unes d’entre elles pour protester auprès du roi. Ce dernier loin de se plier, menace de mort la chef de la mutinerie. Le père Callet, dans son ouvrage, rapporte deux versions de cet incident, dont l’une annonce la mise à mort pour la leader et l’emprisonnement pour les plus virulentes des manifestantes.
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