L’entrée triomphale de Radama à Toamasina


Jean René, chef de Toamasina et agent plus ou moins occulte des Anglais, apparait comme l’intermédiaire nécessaire pour atteindre Radama. « Avec lui, Sir robert Farquhar va expérimenter la politique prévue pour gagner le roi merina », affirment Ludvig Munthe, Charles Ravoajanahary et Simon Ayache dans leur étude sur « Radama I et les Anglais, les négociations de 1817 d’après les sources malgaches ». Et ce, malgré le jeu très ambigu et constant du « Mpanjakamena » entre ses anciens partenaires français et ses nouveaux alliés. En effet, si le gouverneur de Maurice le comble d’égards et de cadeaux, Jean René renoue avec Sylvain Roux qui se montre tout disposé à le comprendre. Voici ce que ce dernier écrit selon Raombana: « Jean René qui, certes, n’aime pas les Anglais, accepta leurs cadeaux consistant en une goélette armée de près de 50 tonneaux, plus deux pièces de campagne en bronze de calibre 4 avec les projectiles et l’attirail nécessaires. Il reçut aussi le brevet d’aide de camp de Sa Majesté britannique, et un agent anglais du nom de Lesage fut chargé de lui porter cette marque de confiance du gouvernement de Maurice et fit un traité avec lui pour s’opposer à la continuation de la traite des nègres. » Sir Robert Farquhar considère que Jean René a un rôle important à jouer dans l’abolition de la traite et les garanties souhaitées pour le commerce britannique, car tout ceci ne peut être assuré que « par l’action conjointe des deux rois ». Il accorde à Radama le premier rôle, « mais il conçoit facilement que celui-ci n’aura pas avant longtemps la puissance suffisante pour contrôler seul le trafic des ports orientaux ». C’est pourquoi il complique « habilement » sa politique et conclut par une alliance entre Antananarivo et Toamasina. « L’accord prévu donnera la suprématie politique à Radama, mais sous l’arbitrage du gouverneur anglais. » C’est à Lesage de mettre en œuvre le plan Farquhar tandis que Radama est impatient d’expérimenter sa nouvelle armée, même encore modeste puisqu’elle ne comporte que deux compagnies équipées et exercées à l’européenne. Selon les trois auteurs de l’étude, il veut surtout faire connaitre aux Anglais comme aux Malgaches que la terre de Madagascar lui appartient et qu’il en sera bientôt le maitre. Un prétexte de guerre, ajoutent-ils, est vite trouvé ! Confiant en ses forces, Radama fixe rendez-vous sur la côte Est aux émissaires anglais et malgaches qui devront ramener à Madagascar Ratafika et Rahovy, fin juin-début juillet. À l’approche de la saison sèche, il se met en route, accompagné des deux cents soldats nouvellement formés et « d’une immense foule de guerriers, hommes de l’Imerina ». Jean René et son frère Fiche, dans la plus grande hâte, tentent de fortifier Toamasina et d’arrêter Radama au passage de l’Ivondrona. Ils y renoncent bientôt. Toujours selon Raombana, « Jean René, frappé de terreur, prit la fuite vers une ile qui se trouve en vue de Tamatave, et il supplia quelques officiers de marine britannique- dont le navire portait justement les deux princes- de ménager une paix entre Radama et lui-même, sur quelque base que celui-ci voudrait accepter ». L’agent anglais L.S.A. Pye et le capitane du « Phaëton » F. Stanfell, mettent rapidement au point les termes d’un accord selon les vœux du gouverneur de Maurice. Un traité est alors conclu par lequel Radama est reconnu roi de Jean René et celui-ci, son gouverneur ou lieutenant à Toamasina « où il conserverait néanmoins une autorité quasi souveraine, tout en reconnaissant cependant la suzeraineté de Radama». Cette alliance indispensable à Farquhar est signée au camp de Manangareza, le 9 juillet 1817, confirmée aussitôt par un serment de sang. Jean René garde son titre de « Mpanjakamena ». Ainsi, les documents officiels s’adressent à lui comme « commandant et chef souverain » ou « chef héréditaire » de Toamasina, et les Anglais jugent nécessaire son adhésion à tout traité conclu avec Radama. L’un de ses « ministres » sera témoin de l’accord signé en octobre 1817 et se joindra aux représentants du roi merina pour en soumettre le texte à Farquhar. Le 10 juillet, Ratafika et Rahovy débarquent à Toamasina à la grande joie de leur grand frère. Le sergent James Hastie, leur précepteur à Maurice, les accompagne et se présente tout de suite à Radama. Il se met en route avec lui vers Antananarivo le jour même. En trois mois de négociations quotidiennes, ils réaliseront l’entente anglo-merina. Au cœur de leur débat, la question essentielle des « compensations » ou Équivalent qu’exige Radama avant de consentir à l’abolition de la traite. Quand le roi merina rédige ses instructions à ses plénipotentiaires, le problème n’est pas encore réglé. « Mais Radama et Hastie sauront triompher ensemble des dernières difficultés. »
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