Les femmes mahafaly s’émancipent de plus en plus


En pays mahafaly, plus précisément à Ampanihy-Ouest, où Lotte Schomerus-Gernböck fait des observations dans les années 1965-1966 (lire précédentes Notes), il est admis- même si c’est rare, qu’un homme se marie le même jour avec plusieurs femmes, comme il le remarque en 1965. Et l’auteur le décrit dans son livre « Civilisation malgache », paru en 1968. « D’abord, il a épousé la vady be, tout de suite après, et dans le même village, la vady ivo, et finalement la vady masay. » À préciser que si l’homme n’a que deux épouses, la seconde s’appelle vady masay. Après le repas de mariage, chaque nouvelle épouse se rend dans sa nouvelle case. L’auteur précise aussi qu’il n’est pas rare qu’un homme prend comme seconde épouse la sœur cadette de la première. Mais alors, elle doit obéissance à son ainée. D’ailleurs, remarque-t-il, un mariage avec deux sœurs est sans complication, « sauf dans le cas où c’est la cadette qui est la vady be ». En effet, dans la hiérarchie familiale, « la fonction de la première épouse est plus importante que celle de la sœur ainée. » Toutefois, écrit Lotte Schomerus-Gernböck, la polygamie devient de plus en plus rare parce que la vady be n’accepte plus une vady masay, sinon elle rentre chez son père. De plus, de plus en plus, on trouve, même à la campagne, des femmes qui gagnent bien leur vie et qui préfèrent, de ce fait, rester indépendantes. En outre, les enfants ne lui posent aucun problème. « La famille de la mère les accueille et les élève. » Par ailleurs, il n’y a pas longtemps, vers la fin des années 50, la jeune épouse doit rester dans la maison bien pourvue de tout, pendant la lune de miel qui dure deux à trois mois. Elle ne doit sortir ni travailler. « Tout ce qu’on demandait d’elle, était de grossir et de blanchir. » Le jeune mari s’occupe, de ce fait, de la cuisine, de l’approvisionnement en eau, de la lessive, etc. « La jeune femme était donc traitée comme si elle venait d’accoucher. » Mais, à partir des années 60, beaucoup de femmes refusent de se laisser enfermer pendant des semaines. Si le mari est raisonnable, il accepte que sa femme fasse de petites promenades, mais « aucun travail n’est admis ». En ville comme à Ampanihy, après quelques jours, la jeune épouse doit commencer à s’occuper du ménage. Les trois premières années sont considérées comme une période d’essai durant laquelle la femme peut quitter son époux sans difficultés, si elle se sent malheureuse, et revenir chez ses parents. Si une nouvelle mariée meurt durant ces années, elle est enterrée par sa famille. Si elle décède après cette période d’essai, c’est celle de son mari qui se charge de ses funérailles. Mais comme partout dans le monde, il existe chez les Mahafaly, des « paresseuses », à peine capables de préparer le repas et d’élever ses enfants. Les autres travaux domestiques- chercher de l’eau, piler le maïs, faire la lessive et laver la vaisselle, garder le bétail, ramener la récolte des champs- sont assurés par des parents pauvres ou par les autres épouses s’il y en a. Il arrive même que des maris, pour gâter leur femme afin de marquer leur amour, font tous ces travaux. Néanmoins, en général, les femmes mahafaly sont très courageuses au travail, soulignent l’auteur. Elles s’occupent de tout et trouvent encore le temps de s’activer dans les champs, même éloignés. D’une manière générale, le mari aide dans tous les travaux durs et urgents. Pour cette assistance, il a droit à la moitié de la récolte. De même si la femme aide son mari au gardiennage du bétail, elle reçoit une récompense. Et comme le souligne Lotte Schomerus-Gernböck, il y a des femmes infatigables qui arrivent, en plus de toutes les activités domestiques et au champ, à cueillir encore du coton sauvage et à le filer soit pour le vendre en pelotes de fil au marché, soit pour en tisser des salaka (pagnes). On peut ainsi voir le samedi, jour de marché, des femmes mariées, de surcroît mères de famille, qui vendent des nattes, corbeilles et salaka confectionnés par elles-mêmes. Néanmoins, la coutume veut que la femme présente tous les encaissements, de n’importe quelle provenance, à son époux. Si elle ne le fait pas, cela peut aboutir au divorce parce que « l’argent caché peut provenir d’un amant ou avoir été volé ». Cela n’empêche pas beaucoup de femmes d’économiser. Le problème est que, d’après la coutume, c’est au mari de décider à quoi employer l’argent gagné par l’épouse. En fait, celle-ci ne peut disposer que de petites sommes pour acheter un lamba, une chèvre qu’elle remet à son père ou son frère…
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