MOBILITÉ URBAINE - Fluidité et durabilité en ligne de mire


Madagascar, comme d’autres pays d’Afrique et d’ailleurs, est poussé à mettre le pied sur l’accélérateur pour fluidifier la circulation dans les centres urbains et rendre les moyens de transports moins polluants. Un contexte qui impose de grandes transformations mais qui ouvre aussi un nouveau marché aux perspectives très larges pour le secteur privé. [caption id="attachment_144335" align="alignleft" width="594"] Rencontre entre le ministre chargé des Transports, Valery Ramonjavelo et du maire d’Antananarivo Naina Andriantsitohaina, le 10 mars.[/caption] Les embouteillages dans les villes, et parti­culièrement à Antananarivo, la capitale, causent d’énormes pertes financières. Plusieurs dizaines de millions de dollars chaque année selon les estimations de la Banque Mondiale. Mais le système de transport actuel est aussi pointé du doigt comme un facteur de dégradation de l’environnement et du bien-être de la population. D’où les appels incessants pour mettre en place un écosystème de la mobilité plus efficace mais, surtout, plus verte. C’est dans ce cadre que différentes parties prenantes, au premier rang desquelles les partenaires techniques et financiers, se sont retrouvées, au mois d’octobre dernier, afin d'élaborer les stratégies en faveur de la transition de Madagascar vers l'utilisation de l'énergie verte dans le secteur des transports. Pour le ministère de l'Environ­nement et du Développement durable, les assises ont constitué une étape cruciale pour le pays dans la perspective de développer l’écosystème de la mobilité durable. La rencontre a eu pour but de recueillir les avis des différentes entités concernées, de partager des expériences et d'élaborer des stratégies et des documents pour transiter, étape par étape, vers une mobilité plus verte, et particulièrement pour une utilisation de l'énergie électrique. Alexander Koerner, responsable du programme « Mobilité électrique » au sein du Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE), a souligné à cette occasion que l'objectif premier des parties prenantes est de réduire l'utilisation des combustibles fossiles qui sont de plus en plus limités et qui endommagent sérieusement l'environnement. Il a été souligné durant la rencontre que démocratiser la mobilité durable à Madagascar constitue l’unique solution pour lutter efficacement contre les effets négatifs du changement climatique, et améliorer la protection de l'environnement, grâce à l'utilisation de l'énergie verte dans les transports et la mobilité, en adoptant la neutralité carbone. Explication a également été donnée que l’un des atouts principaux pour l’économie malgache, en privilégiant l'utilisation de l'énergie à partir de l'électricité, est la réduction de consommation d'énergie locale. Ainsi, en matière de mobilité, les villes malgaches, et particulièrement Antananarivo sont appelées à privilégier une approche intégrée en tenant compte d’un éventail plus large d’avantages économiques de l’urbani­sation et des agglomérations. Constat est fait que le schéma directeur des transports urbains est axé sensiblement sur les investissements dans les équipements. Pour la Banque Mondiale, ces initiatives doivent être accompagnées d’actions complémentaires comme l’expansion de la capacité routière, c’est-à-dire l’augmen­tation du nombre et de la largeur des routes. L’objectif étant, entre autres, de limiter les pertes économiques (estimées actuellement à 0,34% du PIB par an) provoquées par l’engorgement des routes. Trajectoire plus durable La gestion des déplacements motorisés et la promotion de l’utilisation de modes de transport beaucoup plus efficaces en termes de carbone sont considérées comme fondamentales pour une trajectoire de développement plus verte. Ainsi, il s’avère utile de préparer une étude complète sur la mobilité urbaine. Mais il est d’ores et déjà souligné que les rues complètes, les rues multimodales et la gestion intégrée des corridors servent à gérer les flux de circulation de tous les usagers de la route, y compris les piétons, les vélos, les bus, les motocyclettes, les voitures privées et les camions. En combinant les rues complètes avec d’autres aména­gements routiers, la gestion du trafic, les politiques de stationnement et la priorité accordée aux transports publics dans les corridors clés, l’approche de la Gestion Intégrée des Corridors (GIC) prônée par la Banque Mondiale est présentée comme le meilleur moyen pour faciliter la mobilité globale dans les zones urbaines. L’approche prônée prend aussi en considération non seulement les transports publics, qui étaient autrefois un domaine d’intérêt traditionnel dans la gestion des transports urbains, mais également l’ensemble du trajet de chaque origine à chaque destination, y compris l’accès et la sortie des systèmes de transport. Par ailleurs, la gestion des voiries doit inclure le déve­loppement d’un nombre suffisant d’artères conçues sur la base des principes des rues complètes, afin d’accueillir divers modes de transport, notamment la marche, le vélo, les transports publics, les automobiles et les poids lourds. Les rues urbaines devraient être gérées de manière à favoriser des modes plus durables, avec de larges trottoirs et passages pour piétons, des voies réservées aux vélos et aux autobus, des vitesses de conception faibles et une modération de la circulation. Il est aussi constaté qu’à Madagascar, différents ministères et agences travaillent sur différents programmes de mobilité de manière assez ponctuelle. Dans le Grand Antananarivo, plusieurs ministères et agences sont responsables du transport urbain, parmi lesquels deux entités jouent un rôle particulièrement important dans la réglementation du transport urbain : la Commune Urbaine d’Antananarivo (CUA) dans la zone urbaine et l’Agence des Transports Terrestres (ATT) relevant du ministère des Transports dans la zone périurbaine. Cette dualité de gestion engendre parfois des problèmes au niveau de la répartition des responsabilités et l’allocation des ressources. Du côté du ministère en charge des Transports, on assure prendre en compte autant que possible les recommandations émises, notamment celles contenues dans le document intitulé « Vers un transport urbain durable et sûr à Madagascar ». Aussi, ce département indique que les projets à réaliser sont soumis à une analyse économique plus poussée afin de comparer différentes options potentielles de manière systématique et de fournir une orientation sur la manière de prioriser les investissements publics et les interventions à privilégier. Des indicateurs comme le taux de rendement interne économique (TREI) ou le rapport avantages-coûts et la rentabilité sont maintenant produits. À savoir que le ministre Valery Ramonjavelo a reçu, le 10 mars dernier, le maire de la capitale, Naina Andriantsitohaina, pour discuter de mobilité urbaine. Rappel a aussi été fait qu’en mars 2020, une journée d’études consacrée à la mobilité urbaine à Madagascar, organisée en partenariat avec l’Ambassade de France, a permis de se pencher sur la mission, les attributions et les axes stratégiques du ministère chargé des Transports. Mais également d’aborder les problèmes actuels du transport urbain et de présenter les projets pilotes. [caption id="attachment_144334" align="alignright" width="737"] Antananarivo doit rendre plus efficace et plus vert son écosystème de mobilité.[/caption] Mobilité douce et nouveaux outils Si de gros efforts sont à consentir pour transformer la donne, certains observateurs estiment qu’un début de révolution s’amorce. Notons également qu’il y a quelques semaines a eu lieu la signature des conventions de financement d’un nouveau projet entre le ministère de l’Économie et des Finances, l’Agence Française de Développement et la Commune Urbaine d’Antananarivo (CUA) pour, notamment, renforcer les capacités institutionnelles de la mairie et développer les mobilités douces dans la capitale. Le programme d’appui à la CUA entend renforcer les compétences de la commune en maîtrise d’ouvrage, développer et sécuriser la pratique de la marche et du vélo afin d’améliorer les conditions de déplacement et la qualité de vie des habitants de la capitale. Le programme contribuera à terme à une plus forte inclusion des piétons et des cyclistes dans les projets de développement urbain de la capitale, en favorisant une mobilité douce, sécurisée, faiblement émettrice de carbone et non polluante. Pour atteindre cette finalité, le programme disposera d’une subvention de 8,3 millions d’euros. Le volet sécurisation et développement de la mobilité douce sera financé à hauteur de 7,5 millions d’euros. En plus des initiatives en faveur de la mobilité douce, Madagascar enregistre également des avancées dans le domaine de la promotion des moyens de transports innovants et moins polluants. Le projet de transport par câble à Antananarivo (téléphérique) et le projet de train urbain figurent parmi les actions entreprises dans ce sens. Selon leurs initiateurs, ces projets « participent à l’ambitieux programme de rendre le transport plus durable notamment dans les grandes agglomérations comme Antananarivo ». Concernant le projet de téléphérique, explication a été fournie qu’il répond aux grands enjeux de développement urbain d'Antananarivo. Les 12 km de desserte du projet de transport par câble auront un effet direct sur la mobilité urbaine, en permettant un gain de temps pour plus de 80 000 usagers chaque jour. Il jouera aussi un rôle dans le désenclavement des quartiers tout en réduisant les émissions de CO2. Le projet, réalisé par les entreprises Poma pour la conception et la fourniture du système de transport par câble et Colas pour le génie-civil, est aujourd’hui dans la phase de démarrage des travaux. Concernant le train urbain, le ministre des Transports, Valery Ramonjavelo, a indiqué récemment que la première phase du projet reliant Amoron’Ankona et la gare de Soarano sera réalisée d’ici la fin du mois de juin 2023. A savoir que ce projet s’étale sur 12 kilomètres et prévoit une dizaine d’arrêts. Les wagons prévus pour le transport des passagers sont déjà disponibles.

Entrepreneuriat Surfer sur la vague de la mobilité verte

Conscients que se déplacer dans les villes s’arrime de plus en plus avec mobilité verte, les acteurs du secteur privé ne comptent pas rater le train en marche. De multiples initiatives sont en phase de concrétisation ou dans les tuyaux. Et nombre d’observateurs estiment que le marché de la mobilité urbaine durable offre des perspectives très importantes. On sait aujourd’hui qu’un atelier de fabrication de motos électriques est déjà en activité dans la capitale. L’équipe à l’origine de ce projet a commencé de manière très artisanale mais ne cesse de grandir et de se professionnaliser. Et la hausse vertigineuse des prix du carbu­rant joue en sa faveur. Les entreprises opérant dans la distribution de produits pétroliers commencent aussi à se préparer à l’arrivée des voitures électriques. De leur côté, les porteurs de projets de transport durable s’activent à l’instar du « Bus Rapide de Transit PPP de Mada­gasikara » qui ambitionne de réduire significativement les émissions de gaz à effet de serre en améliorant la mobilité des zones urbaines et rurales. « Notre projet est essentiel pour le développement de notre pays, et de l’Afrique en général, car il peut jouer un rôle clé en facilitant la circulation des personnes et des marchandises. Par conséquent, il améliorera la qualité de vie des populations, tout en contribuant à réduire les émissions de gaz à effet de serre puisqu’il permettra de décongestionner le trafic », a soutenu le Groupe Fitiavana, initiateur du projet et qui a indiqué avoir réalisé les études de préfaisabilité et engagé les discussions avec les partenaires financiers potentiels. Les grands groupes opérant dans la logistique jouent aussi le jeu. C’est ainsi, par exemple, que DHL communique beaucoup sur ses solutions baptisées GoGreen qui « donnent de la visibilité, optimisent l'empreinte carbone et neutralisent les émissions de carbone ». Selon un opérateur économique intervenant dans la construction et le transport, les entreprises qui parient sur la mobilité verte se réfèrent surtout actuellement sur le rapport intitulé « Étude diagnostic urbain d’Antananarivo 2025 - 2040 » pour mieux entrevoir les opportunités qui se présen­tent. Un document qui a été publié en 2021 avec l’appui de la Banque africaine de développement, se penche sur les défis et les enjeux qui se posent quant au mode de développement urbain durable à mettre en œuvre et aux réponses appropriées à la mobilité, à l’habitat et aux infrastructures et de services.

VERBATIM

Gérard Andriamanohisoa Secrétaire d’État aux Nouvelles Villes et à l’Habitat « Nous avons calculé que sur 30 ans, les pertes liées aux embouteillages à Antananarivo s’élèvent à 200 millions d’euros. La décision d’apporter des transformations majeures dans le domaine de la mobilité urbaine est donc largement justifiée. D’autant plus qu’il est aussi nécessaire de mettre le pays sur les rails du transport durable. Notre programme vise un aménagement global d’Antananarivo. Concernant les projets en cours, il est utile de savoir que les deux lignes de téléphérique sont appelées à fusionner avec celle du train urbain, entre la gare de Soarano et By-Pass. Les tracés seront différents, et des correspondances sont prévues. Lovanirina Razakamananandro, de l’Association Let’s do it Madagascar « Il faudrait pousser davantage les jeunes startups qui font des recherches et qui lancent des projets dans l’énergie durable et la mobilité verte. Faire un planning pour les entreprises de transport pour éviter l’engorgement du trafic est aussi une option. Il y a mille façons de réduire la consommation d’énergie dans la manière de se déplacer. Dans les villes comme Vienne, Prague ou Francfort, les autorités investissement massivement dans la mobilité durable et le réaménagement de l’espace ».

LA MOBILITé URBAINE EN CHIFFRES

 
Plus récente Plus ancienne