Convention de la diversité biologique, quels engagements pour Madagascar?


À l’heure où j’écris ces lignes, les délégations d’une centaine de pays, des représentants de ONGS et de sociétés civiles des privés se réunissent à Genève pour peaufiner les propositions des textes à soumettre aux parties de la Convention de la diversité biologique à la 15ème Conférence des Parties de cette convention prévue à Kunmin - Chine en fin avril-début mai de cette année mais repoussée à une date ultérieure - à cause de l’incertitude liée à la pandémie de Covid-19. Au centre de la discussion sera le nouveau cadre mondial post-2020 sur la biodiversité avec l’objectif ambitieux de stopper la perte de la biodiversité d’ici 2030 et de renverser la tendance, c’est-à-dire avoir une nette amélioration de sa santé à partir de cette date. Cet objectif devrait être valable pour tous les secteurs - et considéré comme un jalon important pour atteindre les objectifs de développement durable. Un élément intéressant à mettre en exergue dans les nombreuses publications sur la perte de la biodiversité est la globalisation du système de production des matériaux et de la nourriture avec des liens pas toujours visibles au premier abord. L’Amazonie - considérée comme le poumon du monde - perd chaque année 1.7 millions d’hectares pour satisfaire la demande en viande ou en soja à des milliers de kilomètres de là. À Madagascar, déjà dans les années 80, les chercheurs ont lié la perte de la forêt des Mikea dans le nord de Toliary à la production de maïs pour la nourriture de cochon à la Réunion. Une étude en 2004 (Lasry et al., 2004) a montré que la déforestation dans cette zone passait de 590 ha par an avant 1986 à 3490 ha par an de 1999 à 1981. Un phénomène similaire pas très loin est la décimation de la forêt sèche de l’aire protégée de Menabe Antimena (région Menabe) pour mettre à la place de la culture d’arachide et de maïs. Au plus fort de la période d’extension des zones de culture entre 2014 et 2018, Menabe Antimena a perdu 50 hectares par jour et environ 5,300 hectares par an. L’arachide est exportée vers un pays asiatique et le maïs utilisé dans la brasserie locale. Dans les deux cas, les migrants sont souvent cités comme au centre de ces activités illégales. Toutefois on sait très bien que la migration interne a toujours existé selon les traditions et cultures des groupes ethniques et au gré des opportunités économiques offertes par la région de destination. Les sécheresses récurrentes de ces dernières années ont accentué le phénomène et poussé davantage d’agriculteurs et éleveurs à se déplacer. La solution ne réside donc pas à freiner la migration - qui est un droit fondamental des Malagasy - mais mieux la cadrer à travers de mesures appropriées comme l’enregistrement dans la zone d’arrivé, définition de zones d’installation, accompagnement sur des techniques agricoles etc. Avec le changement du climat qui est réel et qui s’intensifie, si des mesures ne sont pas prises rapidement pour sédentariser les migrants potentiels dans leur zone de départ tout en canalisant ce flux vers des productions planifiées et durables, les forêts naturelles de l’ouest de Madagascar vont encore disparaître. Et avec elles les richesses inestimables de plantes et animaux uniques que ces forêts abritent. Les solutions du côté de la demande existent mais nécessitent une collaboration inter-sectorielle claire entre par exemple les ministères en charge de l’agriculture, de l’élevage, du commerce, des industries, des affaires étrangères …: l’établissement d’un système de traçabilité de l’origine des produits, collaboration avec les pays destinataires ou les compagnies nationales de brasserie de refuser les commodités illégalement produites dans les aires protégées. En conclusion et se référant à notre introduction sur le cadre mondial post-2020, nous devons voir comment en termes concrets traduire nos engagements sur l’objectif de réduire la perte de la biodiversité et ne pas se contenter de formulations générales. Le présent article donne des pistes sur la filière maïs. D’autres filières impactant la biodiversité existent et pourraient constituer la base des engagements de Madagascar également: la vanille comme cause de la déforestation de forêt humide, l’exploitation artisanale de l’or comme source de destruction et dégradation des forêts et des cours d’eau…
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