MARCHÉ DU TRAVAIL - De gros efforts à déployer pour son développement


[caption id="attachment_140051" align="alignright" width="476"] L’intégration des jeunes et des femmes dans le monde du travail est la priorité du gouvernement.[/caption] À Madagascar, plus de 500 000 jeunes entrent chaque année sur le marché du travail. Une bonne partie de cette immense cohorte vient s’ajouter à la grande masse de ceux qui sont déjà inscrits comme demandeurs d’emploi officiel ou qui opèrent dans le secteur informel. Selon les observateurs, ce réservoir de main-d’œuvre non exploité à bon escient (plus de 5 millions selon certaines estimations) constitue un problème de taille mais également un potentiel énorme pour le développement du pays. L’étude effectuée par le Dr. Ramiarison Herinjatovo Aimé, économiste chercheur, qui a décrit les atouts et des bonnes pratiques ainsi que des facteurs sous-jacents de blocage à la création d’emplois décents et productifs à Madagascar, soutient que l’orientation de la politique économique de Madagascar, « typique aux pays de l’Afrique subsaharienne », serait parmi les causes profondes de l’incapacité du pays à fournir des emplois suffisants. Au mois de mai dernier, Jerison Razafimanantsoa, Secrétaire général du ministère du Travail, de l'Emploi, de la Fonction publique et des Lois sociales, a révélé que le taux de chômage à Madagascar s'élève jusqu'à 80% de la population. Et ce haut fonctionnaire d’expliquer que le taux d'emploi dans le pays est très faible car le secteur productif ne parvient pas encore à offrir suffisamment de travail par rapport à la demande, sans oublier l’inadéquation entre la formation et les expériences des demandeurs d’emploi et les attentes des employeurs. Raison pour laquelle le ministère du Travail, de l'Emploi, de la Fonction Publique et des Lois Sociales (MTEFPLS) a élaboré un répertoire national des métiers. Une initiative s’inscrivant dans le cadre de la mise en œuvre du programme du gouvernement pour un travail décent à Madagascar. Dorénavant, le pays dispose d’un outil pour toutes les prises de décision relatives à la réorientation de la formation en fonction de l'évolution du marché de l'emploi. À savoir que ce répertoire recense les métiers offerts par les secteurs prioritaires tels que les technologies de l'information et de la communication (TIC), les bâtiments et travaux publics, le secteur tourisme, hôtellerie et restauration, ainsi que celui regroupant textile, habillement et accessoires. L’ONG suisse Helvetas qui opère notamment dans l’accompagnement des jeunes, donne plus de détail en affirmant que le chômage des jeunes à Madagascar est de longue durée. Ainsi, 6 jeunes chômeurs sur 10 passent plus d'un an au chômage. Sur les 4 millions de chômeurs que l’organisation a identifiés dans le cadre d’une étude qu’elle a menée il y a quelques années, 70% sont des jeunes. Il a aussi été constaté qu’il existe une forte corrélation entre le niveau d'éducation atteint et la capacité du jeune à acquérir un emploi stable ou satisfaisant. La remarque est bien compréhensible dans la mesure où le niveau de scolarisation des jeunes Malgaches, surtout ceux habitant milieu rural, demeure faible. De plus, les jeunes travailleurs sont sous-qualifiés ou manquent carrément de compétences professionnelles pour pouvoir exercer un emploi correspondant aux besoins des entreprises. Aussi, la majorité des jeunes (83%) occupent un emploi informel et instable comme le cas de ceux travaillant à leurs propres comptes de manière précaire ou ceux participant à des activités familiales non rémunérées. [caption id="attachment_140052" align="alignleft" width="564"] ALe Business Forum sur le travail décent s’est tenu
les 10 et 11 novembre à Antananarivo.[/caption] Des offres d’emploi non satisfaites Selon le document de Politique Nationale de l’Emploi et de la Formation Professionnelle (PNEFP), un cinquième de la population malagasy est jeune (de 15 à 25 ans), ce qui représente plus de 5 millions d’âmes. Plus de la moitié de ceux-ci vivent en milieu rural. Ces jeunes se retrouvent en difficulté pour entrer dans la vie active compte tenu de leur niveau d’éducation très bas et un accès à un système de formation professionnelle limité à cause, entre autres, de contraintes de mobilité. La solution se trouve alors dans l’intégration des jeunes dans les processus de développement local. Plusieurs partenaires au développement initient ou soutiennent des projets allant dans ce sens. Pour Helvetas, par exemple, les approches privilégiées intègrent une formation mobile dans la commune d’habitation du jeune, la constitution de groupes d’opportunité par filière porteuse identifiée par les jeunes, une diversité de prestataires de formation intégrant des entreprises privées et, enfin, le financement des formations basé sur les résultats. Le partenariat avec des centres de formation permet l’accès des jeunes vulnérables à l’acquisition de compétences professionnelles puis leur embauche dans un emploi décent et stable. L’ancrage communal apportera une réponse aux autres problématiques autour de l’entreprenariat, comme la question relative au foncier. Des négociations avec les autorités communales sont menées pour mettre à disposition des jeunes formés des terrains pour leur installation. Mais ces initiatives doivent encore être mises à l’échelle pour pouvoir inverser la tendance. Comme il a déjà été évoqué, le problème ne se situe pas seulement au niveau du nombre de chômeurs. Il se présente également au niveau de l’incapacité de l’offre à satisfaire qualitativement la demande. Car, en plus du faible effectif des apprenants dans les universités et les écoles professionnelles, les formations dans ces établisse­ments ne correspondent pas aux besoins de l’économie. C’est pour cela que de très nombreux appels à candidatures pour les offres d’emplois restent infructueux. À Madagascar, 70,6% des offres d'emplois ne trouvent pas de postulants. C’est l’une des conclusions de l’étude effectuée par le Dr. Ramiarison Herinjatovo Aimé. S’exprimant dernièrement lors d'une table ronde portant sur la création d'emplois organisée par le gouver­nement malgache, en partenariat avec la Friedrich-Ebert-Stiftung (FES) Madagascar, il a imputé cette situation à l’éternel problème de l’inadéquation entre les formations et les offres d’emploi. A cela s’ajoute le fait que 3,1% des Malgaches ont un niveau d'éducation supérieur contre 23% d'analphabètes. L’une des conséquences directes de cette situation est la recrudescence des emplois précaires qui sont non productifs pour l'économie. On sait, en outre, que seuls 5% des demandeurs d'emploi arrivent à décrocher un poste. Comme solution, l’économiste chercheur propose « une réforme de la formation professionnelle, tant sur la qualité que sur la quantité, afin qu'elle soit à la hauteur des ambitions de création d'emplois ». De son côté, le gouvernement reconnait que le problème n’est pas facile à solutionner et convient de l’urgence d'accroître les projets et les financements dans la formation, afin de garantir une main-d’œuvre abondante et de qualité, capable d’accompagner le développement du pays. « La recherche de financement est l’une des premières mesures qu’entreprend le gouvernement qui s'est engagé à orienter sa politique vers la hausse de l’employabilité des jeunes », a-t-on souligné. [caption id="attachment_140053" align="alignright" width="685"] Plus de cinq cent mille jeunes débarquent sur le marché du travail chaque année.[/caption] Miser sur les secteurs porteurs Les responsables publics, les partenaires techniques et financiers, le secteur privé et les acteurs de la société civile s’accordent sur le fait que pour mieux contribuer à la création d’emplois de qualité, il est indispensable d’améliorer l’offre de compétences au profit des secteurs à fort potentiel. Ce constat a encore été rappelé cette semaine lors du lancement officiel par la Société Financière Internationale (SFI) et le Ministère du Développement numérique, de la Transformation numérique, de la Poste et des Télécommunications d’un partenariat visant à améliorer l'accès à la formation aux compétences informatiques avancées et spécialisées dans le pays, ainsi que la qualité de cette formation. Dans le cadre de ce projet, la SFI travaillera avec le gouvernement malgache et l'industrie locale pour définir les types de compétences numériques avancées dont le pays a le plus besoin, concevoir le programme d'études et attirer des fournisseurs internationaux de technologies éducatives pour travailler avec les institutions et les universités malgaches afin de dispenser la formation. Le projet vise à former 6 000 personnes, dont des employés du secteur public et du secteur privé, et des jeunes, en deux ans dans des professions informatiques telles que le développement de logiciels, l'architecture en nuage, l'ingénierie des données et la cybersécurité. La formation s'inscrit dans le cadre de l'ambitieux plan de transformation numérique de Madagascar, qui prévoit la numérisation des services publics pour améliorer leur qualité et leur accès. Au moins un quart des personnes formées seront des femmes. Le projet sera mis en œuvre selon un modèle de collaboration public-privé. L'Institut pour l'avenir de l'éducation du Tec de Monterrey et Mercer, deux leaders du développement des compétences et de la formation, superviseront la formation. « Le projet de compétences numériques arrive à point nommé car il permettra de dispenser des formations avancées en informatique afin de renforcer le capital humain à Madagascar et de soutenir la croissance de l'écosystème numérique », a déclaré Tahina Razafindramalo, ministre du Dévelop­pement numérique, de la Transformation numérique, des Postes et des Télécommu­nications de Madagascar. Pour Marcelle Ayo, Responsable Pays de la SFI pour Madagascar, il est question de changer la donne en équipant la jeune population malgache des compétences numériques les plus avancées, telles que le codage de la cybersécurité, qui répondront aux demandes en forte croissance et en évolution du marché du travail. Michael Fung, directeur exécutif de l'Institut pour l'avenir de l'éducation à Tecnológico de Monterrey, partage cette vision en soutenant que le défi consiste à développer davantage les capacités et les compétences, et à promouvoir l'innovation dans l'éducation et l'apprentissage tout au long de la vie en tant que catalyseurs essentiels dans le progrès de la croissance économique à Madagascar ». Le projet, a-t-on aussi soutenu, s'aligne sur l'engagement du gouvernement à mieux tirer profit de l’évolution de l’économie en développant les compétences nécessaires et en modernisant son administration pour améliorer la prestation de services, stimuler la croissance économique et créer des emplois indispensables.

VERBATIM

Marie Gisèle Ranampy, ministre du Travail, de l'Emploi, de la Fonction Publique et des Lois Sociales

« Le gouvernement dispose d’une stratégie nationale pour développer le marché du travail à Madagascar. Quant au ministère du Travail, de l'Emploi, de la Fonction Publique et des Lois Sociales, sa priorité est de promouvoir les actions visant à développer l’employabilité. Nous offrons, entre autres, notre soutien aux jeunes qui souhaitent entrer dans le monde du travail et de l’entrepreneuriat pour qu’ils puissent non seulement subvenir aux besoins de leurs familles mais pour qu’ils puissent participer pleinement au développement du pays ».

Dr Coffi Dominique Agossou, Directeur du Bureau Pays de l'Organisation Internationale du Travail (OIT) pour Madagascar

« Les enjeux liés au travail décent sont très importants à Madagascar. Les actions entreprises et à entreprendre sont nombreuses pour consolider les efforts pour créer des emplois décents destinés aux jeunes qui seront matérialisés, entre autres, par l’exploitation de l’entreprenariat dans les secteurs porteurs, sans oublier l’amélioration des formations à dispenser. La réduction du secteur informel à Madagascar, se traduisant par la création de conditions favorables aux affaires et aux activités génératrices de revenus, constitue aussi un grand défi ».

Travail décent - Un Business Forum tenu à Antananarivo

L'organisation Internationale du Travail (OIT) a organisé le premier Business Forum sur le Travail Décent les 10 et 11 novembre 2022 au Novotel Alarobia, à Antananarivo. Portant sur le thème « Une croissance économique durable et centrée sur l'humain dans les chaînes d'approvisionnement à Madagascar », l'OIT a lancé à cette occasion des réflexions sur les opportunités et les défis en matière de travail décent et de gouvernance sociale et environnementale pour une industrialisation durable et compétitive. L'événement a rassemblé les acteurs institutionnels gouvernementaux, les partenaires sociaux, les acteurs du secteur privé malagasy et international, la société civile et des partenaires techniques et financiers à Madagascar. Des sessions de conférences thématiques tournant autour des priorités nationales et ambitions pour une industrie durable tout en respectant les normes internationales du travail ont complété ces deux jours. Prenant la parole lors du Forum, la Ministre en charge de la Formation professionnelle, Vavitsara Rahantanirina Gabriella, a déclaré que « par l'application des Velirano 4 et 6, le Ministère de l'Enseignement Technique et de la Formation Professionnelle s'engage pleinement dans la promotion de la formation professionnelle des hommes et des travailleurs et travailleuses afin qu'ils puissent être compétitifs dans le domaine de l'industrie durable ». Cynthia Samuel-Olonjuwon, Sous-Directeur Général et Directrice Régionale pour l'Afrique de l’OIT, appelant pour une synergie d'actions conforme aux normes internationales du travail, a tenu pour sa part à souligner que les femmes forment une proportion importante de main-d'œuvre dans les industries malgaches et devraient être soutenues en capacités et opportunités de carrière. Rappel a aussi été fait que ce Forum fait suite au récent Forum national sur les investissements qui s'est tenu au CCI Ivato il y a quelques mois. Enfin, le Premier Ministre Christian Ntsay, qui a clôturé l’événement, a insisté sur le fait que Madagascar est un pays fortement rural. « Cette ruralité caractérise la majorité des emplois dans le pays. Le secteur secondaire ou des industries ne constitue que 15% du PIB. Il y a des raisons pour cela, la première est que nous avons besoin de transformer les chaînes d’approvisionnement pour que l’ensemble des acteurs de cette chaîne, l’ensemble des différents chainons constituant la chaîne puissent bénéficier de cette compétitivité recherchée ».

LE MARCHé DU TRAVAIL EN CHIFFRES

 
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