Un village rasé à cause d’une fringale de femme enceinte


Le jeune prince Andriamandresy   qui a quitté son pays, dans le Menabe, pour un voyage sans retour, se dirige avec sa suite vers le Sud-est de la Grande ile. Sur son chemin, il rencontre un jeune noble, Ndrahoditra qui, comme lui, à cause de son caractère, ne peut accéder au trône qui lui revient de droit. Ce dernier se joint à lui dans son long périple. Bientôt, le cortège d’Andriamandresy arrive à Vohibola, où réside Ramarovahiny, roi des Andramaro, qui l’invite dans son village. « À la vue d’Andriamandresy qui était vêtu d’une soierie écarlate et portait au front une plaque en argent, autour de la taille un pagne agrémenté de franges étincelantes sur les deux bouts qui descendaient jusqu’au mollet, Ramarovahiny et ses sujets furent partagés entre l’admiration et l’inquiétude » (Théodore Raharijaona, « Les Antaisaka, des origines à nos jours », 1967).  Le roi interroge Andriamandresy qui ne cache rien des raisons qui le poussent à s’en aller si loin de son pays. Satisfait des réponses de son hôte, le roi des Andramaro l’accueille à bras ouverts et met à sa disposition un vaste domaine « en rapport avec son rang ». Il désigne aussi plusieurs hommes pour défricher une grande parcelle de forêt, y fait cultiver du riz pour les besoins personnels d’Andriamandresy, tandis qu’il affecte d’autres terrains au reste des immigrés. En reconnaissance de cette grande marque d’amitié, offre un lamba ajouré d’argent (vangorano) à chacun des travailleurs et organise un grand festin à la fin du travail, abattant des bœufs assez nombreux. Pour retenir parmi eux ce généreux visiteur, dont les moindres faits et gestes traduisent sa noble origine, les habitants se mettent d’accord pour lui chercher une épouse parmi les plus belles filles du village. Leur choix se porte sur la princesse Ratsiavela, fille unique de Ramaro­vahiny, du clan des Zaratsaraomby. « Andriamandresy s’était aussitôt épris de la jeune fille, irréprochablement belle et merveilleusement gracieuse, en plus de son port altier, de ses manières irrésistiblement séduisantes et de sa voix divinement ensorceleuse. Pour l’heureuse réussite de l’affaire, Ratsiavela donna pleinement son libre et entier consentement. De son côté, Ramarovahiny, sans difficulté aucune, ratifia le projet de mariage comme cela devait se concevoir. Sans tarder, les deux promis furent unis. C’était le terme du long cheminement d’Andriamandresy qui ne songeait plus à reprendre son exode aventureux. » Quelques semaines après leur union, Ratsiavela tombe enceinte  et désire manger du riz « vatomandry ». Cependant, on n’en trouve pas sur place, le territoire de Vorokotsy habité par les Sahafero en étant le seul producteur. Andriamandresy dépêche son guerrier  Ramarolahy auprès du roi Rakaby, maitre de ce territoire, pour lui demander, au besoin lui acheter, du riz « vatomandry ». Rakaby refuse clairement d’en donner, ajoutant avec sarcasme : « Si l’on ne compte que sur mon vatomandry, la femme n’aura que le temps d’avorter. » Ce que Ramarolahy et ses compagnons répètent fidèlement à Andriamandresy. Ne pouvant digérer un tel affront, ce dernier se concerte avec son beau-père pour décider ce qu’il convient de faire. Tous deux décident de châtier Rakaby, « d’autant plus que celui-ci, outre ses paroles déplacées, constituait déjà un continuel sujet d’inquiétude par son trop proche voisinage ». Aussitôt, les préparatifs sont lancés. Des hommes taillent des bambous pour obtenir un bout tranchant, d’autres se chargent de fabriquer des mortiers. L’attaque est déclenchée à minuit par une nuit sans lune. « Les bambous sont plantés devant la porte de chaque case, tandis que les mortiers étaient posés à tous les endroits où devaient passer la habitants sortis de chez eux. De nombreux guerriers encerclaient la résidence du roi Rakaby pour l’empêcher d’avoir une possibilité de s’échapper. » Toutes ces dispositions étant, sur ordre d’Andriaman­dresy, trois guerriers en position au milieu du village tirent chacun un coup de feu, signal de l’assaut. En même temps, d’autres hommes mettent le feu sur le toit de maisons qui s’enflamment rapidement. Réveillés en sursaut, les habitants de Vorokotsy se bousculent pour sortir de chez eux, accueillis  par les bambous tranchants, tombant grièvement blessés. Ceux qui s’en échappent, se jettent sur les mortiers qu’ils ne voient pas dans la nuit épaisse et qui favorisent aussi leur chute brutale. Personne ne peut en échapper et tous périssent, les assaillants ne faisant aucun quartier. « De Vorokotsy, il ne restait que des décombres fumants et son roi Rakaby, avant de recevoir le coup fatal de sagaie, eut le temps de pleurer ce qui avait été son orgueil et sa splendeur. Il regrettait amèrement l’incident du vatomandry. » Depuis, le village de Vorokotsy reçoit un nouveau nom, « Trana­tranambolo » en mémoire du procédé utilisé par Andriamandresy pour obtenir la victoire : faire hérisser partout des bambous. Texte : Pela Ravalitera - Photo : Archives personnelles
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