Mouroirs aux alouettes


On en parle peu ou pas assez mais pourtant il s’agit d’un domaine vital. Il s’agit, on l’aura deviné du prix des médicaments. La hausse de prix des produits de première nécessité, de la viande, de l’électricité, du transport, du carburant… préoccupe autant les autorités que les usagers mais celle des médicaments semble laisser indifférent les uns et les autres. Pourtant ici la hausse n’a rien à voir avec celle des autres produits. Elle est juste exorbitante même pour les porte-feuille bien fournis. Les prix donnent tout simplement du tournis. Un médicament contre les risques d’accident cardiaque coûte 208.000 ariary alors qu’un autre du même genre vaut 219.000 ariary. Des prix à donner un arrêt cardiaque au client qui croyait que le prix n’a pas changé depuis son dernier electro- cardio -gramme. Comme tous les produits importés, les médicaments subissent également la fluctuation des devises étrangères avec lesquelles on les achète. On n’y peut rien donc. Un médicament qui coûte 10 euros à l’étranger il y a un an vaut toujours le même prix sauf que le cours de l’euro a été multiplié par deux entre-temps. Le même médicament coûte donc 20 euro sans la marge bénéficiaire de l’importateur et du pharmacien distributeur. Les Malgaches dont le salaire minimum est de 250.000 ariary achètent donc plus cher un médicament qu’un Européen dont le salaire minimum est de 3.000 euros. C’est très simple de dire que la crise frappe le monde entier. Il faut considérer cette énorme différence de pouvoir d’achat pour réaliser qu’aucune comparaison n’est possible et que l’État doit trouver une solution de compensation. Même en France, l’État a dû subventionner certains achats de carburant des usagers. Seul salut, le marché noir d’Ambohipo où curieusement les prix sont abordables alors qu’il s’agit du même médicament produit par le même laboratoire. Il doit donc exister un moyen pour réduire les prix. La spirale de la hausse est loin d’être terminée. Elle ne connaît aucun point d’arrêt. La pharmacie est d’ailleurs un secteur florissant aujourd’hui. À preuve la majorité des pharmacies modernisent leur échoppe. Elles font partie des endroits où on ne voit pas qu’on est dans un des cinq pays les plus pauvres au monde. Les pharmacies sont accessibles à tout le monde même ceux qui ne gagnent que moins de deux dollars par jour. Tout simplement puisqu’on peut bien réduire la consommation quotidienne de riz, la quantité hebdomadaire de viande, le budget annuel de loisirs… mais on ne peut pas diviser par trois la durée d’un traitement ou ne prendre qu’un comprimé par jour au lieu de trois ou plus alors qu’on souffre d’une diarrhée aiguë. On aimerait bien qu’on étende les filets de sécurité style Vary Tsinjo, Tosika Fameno aux médicaments dans un pays où la notion de sécurité sociale reste un mirage. Pire, la fameuse Caisse de santé créée pour les nécessiteux dans les hôpitaux publics n’a chanté qu’un seul été. Elle n’existe plus au grand dam des familles en difficultés qui constituent la majorité des “clients” des hôpitaux publics. Une triste réalité mais ces derniers sont de véritables mouroirs aux allouettes sans l’abnégation des médecins qui font des miracles au quotidien. Chaque jour est un séisme pour eux.
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