Laïcisticité de l’État


L’État chez lui et l’Église chez elle. Ça c’était avant. Depuis plusieurs décennies à l’image de toute la société, l’État et l’Église ont aussi appris à se dévergonder. Ils ont goûté à l’inceste en partageant le même lit. L’État laïc est juste une phrase dans la Constitution reprise de République en République par routine et par peur de se faire esquinter par les puristes. Dans la réalité c’est devenu une vue de l’esprit. L’Église a toujours été là. À l’autel s’adressant urbi et orbi aux fidèles et aux infidèles des dix commandements. Dans la pièce à confession pour remettre dans le droit chemin les brebis galeuses. L’Église suit l’État comme son ombre. L’intervention de la conférence des églises chrétiennes lors de la crise dans la plupart des pays francophones d’Afrique lors de la crise politique au début des années 90 a été généralisée. Là où la politique s’embrouille, l’Église vient à la rescousse. L’avis de l’Église, son intervention est toujours atttendue par l’opinion lorsqu’il y a des abus manifestes des tenants du pouvoir. L’Église est devenue le contrepoids à un pouvoir qui s’approche du totalitarisme. Elle constitue le dernier rempart, le dernier espoir pour une population à la dérive de rappeler à l’État ses devoirs. L’Église, toutes confessions confondues a toujours représenté un réservoir important d’électeurs. Au moment des élections, les candidats ne manquent jamais de courtiser les Églises. En période de campagne électorale, les homélies se confondent souvent à la propagande. C’était le cas dimanche à Antsonjombe où certains discours ressemblaient à s’y méprendre à des consignes de vote. Les hommes d’État aiment aussi courtiser l’Église et n’hésitent pas à leur faire les beaux yeux chaque fois que l’occasion se présente. Des constructions d’église sont prises en charge par certaines hautes personnalités qui ont des vues électorales. Il ne faut pas oublier que la colonisation a été introduite à travers l’Église. Seuls les trois premiers présidents n’ont pas accordé une place à part à l’Église dans le fonctionnement de l’État. Depuis la crise de 2002 l’État et l’Église sont devenus inséparables. Les hommes d’État honorent les grands rendez-vous religieux pour avoir les faveurs des fidèles au moment d’un choix électoral alors que l’Église joue le rôle de balise à une éventuelle dérive des tenants du pouvoir. Mais à chacun sa paroisse. Les territoires sont bien marqués. S’il est difficile voire impossible d’étiqueter les partis politiques de droite ou de gauche, les hommes d’État se définissent par leur appartenance religieuse et ne cachent pas leur préférence. Mais en général, les instances dirigeantes des deux principales confessions jouent le rôle de garde-fou des principes républicains et distillent des piques mouchetées à travers les homélies jamais innocentes. Il est rare que les messages et les recommandations soient dits de manière crue et insolents. Si tel était le cas, cela risquerait de remuer ciel et terre, de réveiller morts.
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