La mer... à boire


La situation est grave et peut-être désespérée. Sauf bien évidemment pour l'État qui affiche sinon une indifférence ahurissante du moins une flegme mal placée devant des réalités qui nécessiteraient l'instauration de l'état d'urgence ailleurs. La Jirama l'a annoncé hier sans ambages. Le niveau de l'Ikopa, qui remplit le bassin de Mandroseza, est tel que s'il ne pleut pas, l'approvisionnement en eau d'Antananarivo sera totalement coupée. Avec le délestage, la facture est on ne peut plus salée pour toute la population, abonné de la Jirama ou pas. Cette fois, la Banque Mondiale et le Président ne pourront plus fanfaronner si c'est un problème qui ne concerne que 15 % de la population étant donné que même les bornes fontaines seront à sec et peut-être les puits si les nappes phréatiques ne sont pas normalement garnies. Une situation apocalyptique face à laquelle l'État se défile et affecte la responsabilité aux anciens dirigeants, coupables de ne pas avoir eu une vision pour le futur. Rajaonarimampianina se dit victime et subit la maladresse de ses prédécesseurs. Une manière de dire qu'il ne lui appartient pas de trouver de solution à des fautes qu'il n'a pas commise. Et cela ne le préoccupe guère. Ailleurs, le Président serait descendu tâter la profondeur de l'Ikopa et créer, illico presto, une cellule de crise, ne serait-ce que pour la forme, au lieu de perdre son temps dans les audiences même s'il s'agit de recevoir des documents de la Ceni qui garantissent sa victoire pour la présidentielle de 2018 ou 2019, selon la météo. Il semble totalement inconscient du fait que le cocktail composé du délestage et du deleaustage peut-être terriblement explosif pour son maintien au pouvoir. La population n'a rien à perdre et pourrait être tentée par une opération kamikaze comme c'est d'ailleurs le cas dans plusieurs localités où le siège de la Jirama a été saccagé. En tout cas, elle n'a absolument rien à espérer de ce pouvoir incapable de lui assurer deux éléments vitaux de son existence qui font partie des Objectifs du développement durable des Nations unies. À cette allure, on n'y arrivera jamais. Ni le ministère de l'Environnement ni celui de l'Eau ne se sentent guère concernés par la situation et brillent par leur silence assourdissant. À croire qu'il s'agit d'un domaine touchant le ministère des Sports ou celui de la Fonction publique. Qu'a-t-on fait des résolutions du COP 21 à Paris l'année dernière où Madagascar était représenté par une lourde délégation ? Mêmes les mesures les plus élémentaires n'ont pas été appliquées. Il ne suffit pas d'interdire les foyers à charbon mais aussi d'autoriser les réchauds à éthanol, de vulgariser l'énergie solaire, l'éolienne... Cela ne nécessite pas des projets structurants opérationnels dont les capacités seront dépassées quand ils seront opérationnels. L'État semble s'être remis à la providence pour trouver des solutions à en juger la tournée du Président dans les cultes de diverses confessions. À moins qu'il soit en train de courtiser les fidèles en vue de la présidentielle 2018. Il sait prévoir et s'y prend avec une bonne marge en prêchant la voix de Dieu pour avoir la voix du peuple. Une formule payante à tous les coups, sécheresse ou pas, délestage ou pas, pauvreté ou pas. Quand on pense qu'en 2010, on parlait d'exporter l'eau de Mananara pour l'Arabie Saoudite, on se demande comment on en est arrivé à cette calamité. Désormais, il faut sérieusement penser soit à purifier l'eau de Masay, d'Anosy ou du canal Andriantany avec des millions de mètres cubes du Sur'eau ,soit à désaler l'océan pour pallier cette sécheresse. Autrement dit, c'est la mer... à boire. Au propre comme au figuré. Par Sylvain Ranjalahy
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