Une violence indirecte mais à impact très lourd


Septembre 1995 à Beijing (Pékin). La IVe Conférence mondiale des femmes définit la violence comme « tout acte de violence en tant que tel et causant, ou pouvant causer, un préjudice ou des souffrances, sexuelles et psychologiques. Y compris les menaces de tels actes, la contrainte ou la privation de liberté ». Les 6, 7 et 8 mai 2002, est organisée une table-ronde sur les perspectives d’éducation civique et morale, éducative et formelle. Cette rencontre permet à différents spécialistes de restituer les résultats des enquêtes menées dans la province d’Antananarivo et à Vatomandry sur la violence familiale, au début du XXIe siècle. De ces investigations, il apparait que la violence au foyer, surtout contre les femmes ou les enfants, est un comportement agressif avec pour cible le corps. Il consiste à les bousculer, leur donner des coups de pied ou de poing, leur jeter de l’eau bouillante sinon de l’acide, ou les attaquer avec une arme à feu… Les sévices physiques s’accompagnent souvent d’abus sexuels au cours desquels la victime est contrainte de pratiquer des actes sexuels contre son gré. Et « tout refus de contact sexuel ou tout comportement qui peut entrainer chez la femme, un sentiment de frustration, de doute, ou de culpabilité quant à sa capacité de susciter un désir sexuel, relève également de la violence ». C’est la violence sexuelle. La violence peut aussi se traduire par des sévices psychologiques ou mentaux, d’après les enquêteurs. Et ce, à travers des attaques incessantes, des harcèlements, une volonté de possession excessive, une privation de ressources matérielles et économiques, l’isolement de la femme de sa famille ou de ses amies, la limitation de son droit de regard sur le revenu familial, la menace de violence ou de mort, le chantage au suicide ou au divorce, la menace d’abandon. « C’est une violence sous une forme indirecte, mais qui a un impact concret sur la vie des gens. » Ces spécialistes précisent que par violence dans les relations conjugales, on entend l’implication des époux, mari et femme : « Si les femmes peuvent subir des soumissions par le mari, les hommes peuvent également être attaqués par leurs femmes, mais dans des cas très rares. » Dans cette violence entre époux, les statistiques établies au début de ce siècle ne montrent que la partie émergée de l’iceberg. En effet, les victimes, en général, les femmes, refusent souvent de révéler la vérité parce qu’elles éprouvent un sentiment de culpabilité ou de honte, ou par simple loyauté. Elles craignent également d’être privées d’argent du mari ou de compromettre leur carrière professionnelle- ce qui est « un type de violence morale contre les femmes »-. Aussi les femmes malgaches préfèrent-elles ne pas avouer leurs difficultés (mahari-pery, tsy mitaraina). Pourtant, l’abandon de famille qui laisse à la seule mère de famille la charge des enfants, la privation de soins et d’aliments pour la famille, la menace verbale de toutes sortes sont également des types de violence envers les femmes. Les enquêteurs répondent à la question de savoir pourquoi les femmes sont plus vulnérables face à la violence alors que les hommes « risquent » plus de commettre des actes de violence. Selon eux, cela vient des principes admis dans la société qui stipulent « que la femme est abandonnée au mari », que « les enfants sont les biens des parents ». La femme et les enfants seraient la propriété de l’homme et il peut les traiter à sa guise. Quant aux causes de la violence, les auteurs de l’étude souligne que deux grandes conceptions sont relevées. La première consiste à imputer la violence au foyer à « des difficultés sur lesquelles il est possible d’agir » La violence familiale peut être déclenchée par divers facteurs parmi lesquels on retient notamment l’alcoolisme. Le second schéma va au-delà d’une analyse fondée sur des causes psychologiques et sociales, soit une relation de pouvoir. Cette théorie attribue la cause à la structure même du corps social. L’inégalité structurelle au foyer est particulièrement sensible dans les relations conjugales « où l’homme doit dominer et où la femme est juridiquement et financièrement tributaire de lui». Ainsi, l’organisation sociale malgache reste basée sur un mode patriarcal en général. Toutefois, dans l’origine de la violence, il faudrait enfin tenir compte des facteurs d’influence de la structure sociale et surtout de la situation sociale. « La précarité de la situation économique, le bas niveau scolaire, les mauvaises conditions de logement, un marché de travail déprimé et des emplois peu exaltants, l’absence de perspectives d’embauche pour les adolescents et les jeunes quittant l’école, le manque d’un environnement plaisant, d’aires de jeu et de loisirs, peuvent être autant de motifs de découragement susceptibles d’engendrer des actes de violence au foyer.
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