Gouvernement et opposition face à face


La chute de l’ancien régime la mise en place du gouvernement Ramanantsoa et ses premières mesures, c’est-à-dire les évènements qui s’étendent jusqu’à la publication du discours-programme du Général en aout 1972, sont conçus par Lumière, comme une remise en question globale de la politique extérieure du précédent gouvernement, mais surtout des rapports franco-malgaches, écrit Alain Escaro (« La politique extérieure du gouvernement Ramanan­tsoa vue par Lumière »). Dès le 30 avril, l’hebdomadaire catholique, en relatant la grève des étudiants, se contente de retranscrire les slogans qui ornent les banderoles. Tels « À bas l’impéri­alisme », ou encore « Accords de coopération : obstacle au développement »… L’éditorial revient sur « un programme d’enseignement adapté aux besoins du pays et sa culture propre ». C’est dire que Lumière privilégie ces deux questions par delà d’autres points cruciaux. Le journal cesse alors de paraitre jusqu’au 21 mai. Dans ce numéro, il rappelle les idées de l’ancien gouvernement et de ses opposants. Il retient de ces derniers « la nationalisation de tous les secteurs-clés de l’économie ; l’évacuation des bases étrangères qui… servent à sauvegarder les intérêts politiques et économiques des puissances étrangères et, qui plus est, favorisent leurs industries d’armement » ; l’échec de la politique vis-à-vis de l’Afrique du Sud ; le refus « du maintien des assistants techniques étrangers… plus épris d’exotisme que de se consacrer à promouvoir notre réel essor économique » ; le refus également des « soi-disant aides accordées (qui) sont plutôt destinées à alimenter les compagnies capitalistes étrangères qui écoulent leurs produits vers les pays pauvres ». Pour le gouvernement, le thème majeur reste l’anticommunisme : « les critiques de l’opposition (sont) une manœuvre (…) destinée à installer le communisme à Mada­gascar » ; de même, le maintien des bases étrangères permet de « parer aux dangers de domination extérieure, en l’occurrence celle du monde communiste »; quant à la politique vis-à-vis de l’Afrique du Sud, « il ne s’agit pas d’une approbation de la politique d’apartheid », mais elle a pour but « d’amener le gouvernement sud-africain à réfléchir sur sa politique raciale » par la concertation, le dialogue, la modération » ; en outre, « dans l’état actuel des choses, le pays ne peut se passer des assistants techniques avant que ne soient formés leurs remplaçants » ; enfin, Madagascar qui manque de capitaux nationaux, doit faire appel à ceux de l’étranger, car le « refus d’aide aggrave la pauvreté qui finit par provoquer des troubles et donne l’occasion aux adversaires de la liberté de ravir le pouvoir et d’installer le communisme ». Par ailleurs, concernant la crise universitaire, le journal catholique adopte une voie moyenne entre la position des étudiants et celle du gouvernement, indique Alain Escaro. Les premiers soulignent « les programmes qui ne tiennent pas compte des réalités malgaches, et qui favorisent la consommation des produits fabriqués par les compagnies capitalistes étrangères ». Pour sa part, le second insiste « qu’il faut malgachiser, mais progressivement et sans précipitation afin d’éviter l’anarchie ». Quant à la culture française, « elle a aussi servi à former les plus grands révolutionnaires contemporains ». Dans le même numéro est reproduit un article d’André Ravatomanga écrit le 10 mai qui aurait dû paraitre le 14. Il y aborde le problème des accords de coopération, devenus le « symbole de l’impérialisme culturel » et qu’il faut donc réviser. Ce thème est de nouveau repris le 28 mai, par Sylvain Urfer qui critique l’aide française aux pays en développement, aide qui n’a cessé de diminuer de 1960 (2,19% du PIB) à 1970 (1,24%). Aide dont un tiers est destiné aux TOM/DOM et dans laquelle il faut compter les investissements privés « difficiles à considérer comme une aide ». « On arrive en réalité à 0,43% du PNB et l’Afrique n’obtient que 27% du budget public ». Bref, « les flux monétaires transférés d’Afrique en France excèdent ceux qui vont de France à l’Afrique. » En fait, conclut Alain Escaro, l’hebdomadaire catholique a atteint son but, celui de « faire prendre conscience à ses lecteurs des carences de la coopération française ». Texte : Pela Ravalitera - Photo : Archives personnelles
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