Tanindrazana des uns, «grandes découvertes» des autres


La flotte commandée par Fernand de Magellan aurait effectué le premier «tour du monde», en tous cas, le premier dûment répertorié, parti de Séville le 10 août 1519 pour revenir à Sanlucar, le 6 septembre 1522. Mais, avant que Portugais et Espagnols ne partent explorer le monde, inaugurant dans les livres d’histoire le chapitre des «Grandes Découvertes», les Chinois avaient conduit leurs jonques dans l’Océan Indien jusqu’à l’Afrique de l’Est, en sept expéditions maritimes de 1405 à 1430. Auparavant, la thalassocratie de Srivijaya (7ème au 13ème siècle), en Indonésie (qui ne s’appelait pas encore ainsi) avaient envoyé ses navires à balancier vers l’Ouest. Mais, contrairement aux Européens ou aux Arabes (Zanzibar signifie «pays des Noirs»), les uns et les autres n’ont pas baptisé à tour de bras les terres «nouvelles» à leur connaissance mais que peuplaient de longue date des gens peu soucieux de figurer ou pas sur un mappemonde. Bien avant tout le monde, les Austronésiens pourraient bien avoir été les plus grands navigateurs que le monde ait jamais connus, sauf qu’aucune écriture n’en avait consigné le périple ou l’odysée. On en est réduit à des conjectures à propos de l’immensité de la diffusion d’une même famille de langue : depuis l’île de Pâques, dans le Pacifique, jusqu’à Madagascar dans l’Océan Indien, d’Est en Ouest ; et depuis l’archipel indonésien jusqu’à Taïwan, du Sud au Nord. Qui étaient les introducteurs du zébu en Afrique depuis l’Asie du Sud (1700 avant J.-C.) ? Qui avait apporté le girofle depuis le monde austronésien jusque dans l’Ouest de l’Océan Indien (1600 avant J.-C.) ? Par contre, ce sont bien des Austronésiens qui introduisirent la banane plantain, la grande igname et le taro en Afrique de l’Est (premier millénaire avant J.-C.) et des navires austronésiens auraient pu contourner l’Afrique (comment avaientils pu appeler l’actuel cap de Bonne-Espérance ?) pour amener la banane jusqu’au Cameroun. Entre 500 et 700 après J.-C., des Austronésiens s’installent aux Comores et à Madagascar. Mais, qui étaient les Africains qui ont consommé des hippopotames nains et des lémuriens dans le SudOuest de Madagascar (derniers siècles du premier millénaire avant J.-C.) ? Et quelles étaient ces communautés possiblement actives aux lacs Tritrivakely (250 avant J.-C) et Kavitaha (500 après J.-C.) ? «Quand le vieux Magellan, découvrit le détroit, il y avait des enfants, qui s’y baignaient déjà», chante Michel Sardou. Ces enfants étaient simplement chez eux, sur la terre de sans doute lointains ancêtres, sans conscience de quelconques «grandes découvertes». Les cartographes européens des siècles passés avaient attribué à notre Grande île des noms (Menuthias, Mogelasio, Malichu, Comorbimam, Saint-Laurent) sans bien entendu consulter ses habitants. Le 1er juillet 1665, semble-t-il que Louis XIV imposa à l’île Saint-Laurent le nom d’île Dauphine : Andrianjaka et ses contemporains ne pouvaient pas être concernés par cette lubie lointaine dont ils n’avaient aucune idée. Le 10 août 1500, quand le vieux Diego Dias «découvrit» Madagascar, il y avait des gens qui y vivaient déjà sans avoir attendu d’être indexés dans les livres d’histoire.
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