« Préserver notre autonomie de décision dans tous les domaines »


Jeudi 12 janvier 1973 à Paris. Des négociations officielles qui marquent un autre tournant dans l’histoire des relations franco-malgaches, s’ouvrent à Paris, présidée par Maurice Schumann, ministre français des Affaires étrangères. L’objet est de réexaminer les Accords de coopération  paraphés dans la capitale française, le 2 avril 1960, puis signés à Antananarivo, le 27 juin de la même année. Ceux-ci scellent les relations entre la Métropole et son ancienne colonie. Leur remise en question est que, une dizaine d’années plus tard, les Malgaches voient « qu’ils ne cadrent plus avec les aspirations d’un peuple qui prend conscience de sa souveraineté et de son  indépendance » (Georges Ramamonjisoa, Bulletin de Madagascar, mars-avril 1973). Le ministre des Affaires étrangères de l’époque, le capitaine de frégate Didier Ratsiraka les considère, pour sa part, comme « caducs de facto ». Les négociations de 1973 auront, de ce fait, un « caractère global », c’est-à-dire, selon le chroniqueur, « qu’elles porteront sur l’ensemble des relations qui s’étaient nouées entre les deux pays». En particulier sur la défense nationale, les bases françaises installées dans l’ile, la  monnaie malgache et l’enseignement à adapter aux réalités locales. C’est pourquoi les trente membres de la délégation malgache conduite par le chef de la diplomatie, sont le ministre Albert-Marie Ramaroson (Économie et finances), le Dr Albert Rakoto-Ratsimamanga, ambassadeur malgache à Paris, ainsi que 27 experts des Affaires étrangères, Économie et finances, Défense, Justice, Affaires culturelles et sociales, Agriculture et de la Marine marchande. Avant d’embarquer pour Paris le 20 janvier 1973, le ministre Ratsiraka fait un point de presse devant quelque 80 journalistes. Il rappelle qu’en 1960, la Grande ile n’a aucun projet d’accords à présenter et ne peut que « placer des virgules dans le projet français ». Il affirme en outre, avec force « qu’une défense ne saurait être que nationale car un gouvernement ne peut pas défendre un autre pays comme il défendrait le sien propre », et qu’en matière monétaire, Mada­gascar réclame l’Indépendance pour son Institut d’Émission. Didier Ratsiraka expose sa mission qui touche la présentation de « l’orientation de notre politique étrangère, en général, et sur la révision des accords dits de coopération avec la France, en particulier ». Il débute avec les « paroles historiques » du président Nyerere, prononcées lors de Déclaration d’Arusha. « Nous avons été sévèrement opprimés, largement exploités, longtemps humiliés. Ceci est dû à notre faiblesse. Maintenant, nous voulons une révolution qui mettra fin à cette faiblesse de manière que jamais, nous ne soyons plus opprimés, exploités, méprisés. » Le ministre des Affaires étrangères poursuit sur la nécessité « d’une révolution dans notre mentalité, dans notre manière d’être, une révolution politique pour que de tels exploitations et mépris ne puissent plus jamais arriver à Madagascar ». Cela devra se traduire à travers la politique étrangère du pays. Toujours d’après lui, celle-ci devra se fonder sur l’intérêt supérieur de la Nation, l’intégrité territoriale, l’unité et l’indépendance nationales. « Cette politique étrangère tend, en premier chef, à sauvegarder notre unité, à défendre nos intérêts. Elle tend aussi à préserver notre indépendance et notre liberté, notre libre arbitre, notre autonomie de décision dans tous les domaines. Elle tend enfin, à préserver la paix et la justice lorsque l’occasion s’en présente. » Toutefois, cette indépendance politique, économique et culturelle ne signifie pas se replier sur soi-même. Madagascar est pauvre et son développement l’oblige à une coopération avec les pays tiers, les voisins, les partenaires africains, européens, asiatiques ou américains. Mais il sera toujours le seul à adopter une décision majeure le concernant, afin d’organiser librement sa politique et son économie. « Sans que cela lui soit imposé de l’extérieur », commente Georges Ramamonjisoa. Didier Ratsiraka précise : « Loin de se confiner à l’intérieur de ses frontières, loin de s’absorber dans quelque bloc politique, dans quelque plan  idéologique, Madagascar s’ouvre délibérément vers l’extérieur, pourvu que les pays avec lesquels il a des relations, veuillent bien accepter les cinq principes de la coexistence pacifique.  D’aucuns propagent le bruit de la déconvenue du ministre des Affaires étrangères lors de ses tournées dans les capitales communistes. Il n’en est rien. Pour être déçu, il fallait attendre beaucoup. » Le ministre Didier Ratsiraka annonce enfin, que «pour régler les problèmes financiers immédiats et face à l’attitude peu conciliante de certains pays du camp occidental à consentir un prêt, Madagascar doit se tourner vers les pays de l’Est et asiatiques, en particulier la Chine !» Texte : Pela Ravalitera - Photo : Archives personnelles
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