« Pour que la mer ne soit plus la limite de notre rizière » Tom Andriamanoro attire l’attention du lecteur sur la menace d’extinction du peuple Mikea, un des derniers peuples premiers dans le monde, si… Également au menu de ce Bemiray, une partie de l’épopée du football malgache des années 50-80 est racontée à travers l’évocation de ses entraîneurs. Malgaches à part entière ou entièrement à part ? Le fait est que les Mikea n’intéressent pas grand monde. Là-bas dans leur forêt d’épineux au Nord de Toliara, ils n’ont jamais gêné personne, n’ayant jamais rien demandé à personne. Sauf trou de mémoire ou déficit de curiosité de notre part, nous n’avons plus entendu parler d’eux depuis le Bemiray du samedi 12 mai 2018 dans un article intitulé « Au pays des hommes sans eau ». Deux ans déjà, presque jour pour jour. Avant cela, notre remontée du temps passé nous fait enjamber vingt longues années pour en arriver à 1998, quand le cinéaste ethnologue Jean Dutilleux et le musicologue franco-malgache Jean-Claude Vinson réalisèrent un excellent documentaire sur le peuple le plus secret de la Grande île, que Dutilleux classe parmi les « peuples premiers », au même titre que les Indiens de l’Amazonie. Jean-Claude Vinson pour sa part a gardé au fond de sa mémoire le temps lointain où, petit élève de l’école du square Poincaré à Antanimbarindriana, son instituteur M. Louis Mollet introduisit le « sujet Mikea » qui ne le quittera plus en ces termes : « Il peut paraître invraisemblable que de nos jours, des hommes et des femmes vivent pendant des semaines, des mois, voire des années, sans boire de l’eau. C’est pourtant ce qui arrive à un petit groupe de Malgaches retirés dans une région du Nord de Tuléar, connue sous le nom de forêt épineuse des Mikea ». Ce peuple ne boit pas d’eau pour la simple raison qu’elle n’existe pas dans sa forêt. Pour citer notre ancien Bemiray, « il n’y a ni source, ni mare, ni puits dans cette étendue. À peine si, en saison des pluies, on trouve dans le creux de certains arbres, dont les hazomanitra, de l’eau croupie où pourrissent des feuilles mortes et des chenilles venues s’y noyer ». Mais Zanahary, le Dieu qui fait vivre et qui fait mourir, y a fait pousser une succulente igname appelée « baboho », dont les tubercules grosses comme la cuisse, sont à la fois leur riz et leur eau. Le « baboho » pousse dans le sable à profondeur d’un bras d’homme. Sa chair tendre et fragile, d’une teinte translucide légèrement laiteuse, est gorgée d’eau comme l’est la pulpe de la pastèque. En le consommant, le Mikea mange autant qu’il boit. Le matin, la coutume est de mettre sur les braises et les brandons de la nuit les morceaux de racines restants, pour obtenir une gelée chaude ou tiède qui désaltère comme tout autre petit déjeuner. Cette alimentation est complétée par les produits de la chasse et de la cueillette, dont un miel foncé d’excellente qualité. Pas de plat cuisiné, pas de riz ni de bouillon qui exigent de l’eau pour leur préparation. [caption id="attachment_106195" align="aligncenter" width="812"] Le baboho constitue l’aliment principal du Mikea.[/caption] Richesse ethnographique Les Mikea vivent par petits groupes et dorment dans des taillis épais à l’écart des sentiers. C’est seulement en cas de maladie ou d’accouchement qu’ils se confectionnent des abris sommaires à l’aide de branchages. La question se pose : de quoi disposent-t-ils pour éventuellement se prémunir du coronavirus ? La réponse tient en un seul mot et donne froid dans le dos : RIEN ! Au Brésil, une vidéo du photographe Sebastiao Galdao lance un appel pressant pour qu’on vienne en aide à ces autres peuples premiers sans défense que sont les Indiens de l’Amazonie. La pandémie peut être tragique pour ces populations également appelées « autochtones ». Du fait de leur isolement, elles ne possèdent pas de défense immunitaire capable de les protéger contre les maladies venues d’en-dehors de leur écosystème. Or la région amazonienne compte la plus importante communauté autochtone du monde. Sebastiao Galdao est mondialement connu pour ses photos de peuples indigènes de son pays. Sa vidéo vient appuyer une pétition qu’ont déjà signée des personnalités comme Paul McCartney, Madonna, Sting, Patti Smith, Oprah Winfrey, Nicolas Hulot. Les Mikea, véritable richesse ethnographique de Madagascar, courent exactement les mêmes risques dans leur territoire grignoté par les charbonniers et les agriculteurs. Ils méritent de ne pas être les grands oubliés de la croisade contre la pandémie. Il ne faut surtout pas qu’un jour on ne parle plus d’eux qu’au passé, et que leur territoire se réduise à un rayon de bibliothèque. [caption id="attachment_106196" align="aligncenter" width="592"] La forêt des Mikea est en train d’être pillée et détruite par des charbonniers.[/caption]
« Pour que la mer ne soit plus la limite de notre rizière » Tom Andriamanoro attire l’attention du lecteur sur la menace d’extinction du peuple Mikea, un des derniers peuples premiers dans le monde, si… Également au menu de ce Bemiray, une partie de l’épopée du football malgache des années 50-80 est racontée à travers l’évocation de ses entraîneurs. Malgaches à part entière ou entièrement à part ? Le fait est que les Mikea n’intéressent pas grand monde. Là-bas dans leur forêt d’épineux au Nord de Toliara, ils n’ont jamais gêné personne, n’ayant jamais rien demandé à personne. Sauf trou de mémoire ou déficit de curiosité de notre part, nous n’avons plus entendu parler d’eux depuis le Bemiray du samedi 12 mai 2018 dans un article intitulé « Au pays des hommes sans eau ». Deux ans déjà, presque jour pour jour. Avant cela, notre remontée du temps passé nous fait enjamber vingt longues années pour en arriver à 1998, quand le cinéaste ethnologue Jean Dutilleux et le musicologue franco-malgache Jean-Claude Vinson réalisèrent un excellent documentaire sur le peuple le plus secret de la Grande île, que Dutilleux classe parmi les « peuples premiers », au même titre que les Indiens de l’Amazonie. Jean-Claude Vinson pour sa part a gardé au fond de sa mémoire le temps lointain où, petit élève de l’école du square Poincaré à Antanimbarindriana, son instituteur M. Louis Mollet introduisit le « sujet Mikea » qui ne le quittera plus en ces termes : « Il peut paraître invraisemblable que de nos jours, des hommes et des femmes vivent pendant des semaines, des mois, voire des années, sans boire de l’eau. C’est pourtant ce qui arrive à un petit groupe de Malgaches retirés dans une région du Nord de Tuléar, connue sous le nom de forêt épineuse des Mikea ». Ce peuple ne boit pas d’eau pour la simple raison qu’elle n’existe pas dans sa forêt. Pour citer notre ancien Bemiray, « il n’y a ni source, ni mare, ni puits dans cette étendue. À peine si, en saison des pluies, on trouve dans le creux de certains arbres, dont les hazomanitra, de l’eau croupie où pourrissent des feuilles mortes et des chenilles venues s’y noyer ». Mais Zanahary, le Dieu qui fait vivre et qui fait mourir, y a fait pousser une succulente igname appelée « baboho », dont les tubercules grosses comme la cuisse, sont à la fois leur riz et leur eau. Le « baboho » pousse dans le sable à profondeur d’un bras d’homme. Sa chair tendre et fragile, d’une teinte translucide légèrement laiteuse, est gorgée d’eau comme l’est la pulpe de la pastèque. En le consommant, le Mikea mange autant qu’il boit. Le matin, la coutume est de mettre sur les braises et les brandons de la nuit les morceaux de racines restants, pour obtenir une gelée chaude ou tiède qui désaltère comme tout autre petit déjeuner. Cette alimentation est complétée par les produits de la chasse et de la cueillette, dont un miel foncé d’excellente qualité. Pas de plat cuisiné, pas de riz ni de bouillon qui exigent de l’eau pour leur préparation. [caption id="attachment_106195" align="aligncenter" width="812"] Le baboho constitue l’aliment principal du Mikea.[/caption] Richesse ethnographique Les Mikea vivent par petits groupes et dorment dans des taillis épais à l’écart des sentiers. C’est seulement en cas de maladie ou d’accouchement qu’ils se confectionnent des abris sommaires à l’aide de branchages. La question se pose : de quoi disposent-t-ils pour éventuellement se prémunir du coronavirus ? La réponse tient en un seul mot et donne froid dans le dos : RIEN ! Au Brésil, une vidéo du photographe Sebastiao Galdao lance un appel pressant pour qu’on vienne en aide à ces autres peuples premiers sans défense que sont les Indiens de l’Amazonie. La pandémie peut être tragique pour ces populations également appelées « autochtones ». Du fait de leur isolement, elles ne possèdent pas de défense immunitaire capable de les protéger contre les maladies venues d’en-dehors de leur écosystème. Or la région amazonienne compte la plus importante communauté autochtone du monde. Sebastiao Galdao est mondialement connu pour ses photos de peuples indigènes de son pays. Sa vidéo vient appuyer une pétition qu’ont déjà signée des personnalités comme Paul McCartney, Madonna, Sting, Patti Smith, Oprah Winfrey, Nicolas Hulot. Les Mikea, véritable richesse ethnographique de Madagascar, courent exactement les mêmes risques dans leur territoire grignoté par les charbonniers et les agriculteurs. Ils méritent de ne pas être les grands oubliés de la croisade contre la pandémie. Il ne faut surtout pas qu’un jour on ne parle plus d’eux qu’au passé, et que leur territoire se réduise à un rayon de bibliothèque. [caption id="attachment_106196" align="aligncenter" width="592"] La forêt des Mikea est en train d’être pillée et détruite par des charbonniers.[/caption]