Les quatre obligations imposées aux sujets des colonies


Les peuples colonisés, comme les Malgaches, dont des sujets astreints à beaucoup de choses. D’abord, une « justice indigène » dont les principes sont les coutumes et donc, elle n’est pas la même pour tous (Code des 118 articles dans le Betsileo, Code des 305 articles en Imerina, coutumes locales ailleurs, etc.). Ensuite, il y a les prestations qui représentent la « contribution des Malgaches au développement de la colonie ». La nécessité de trouver à Madagascar « l’essentiel des ressources nécessaires à l’équipement, amena Gallieni à imposer un immense effort de la population assujettie » (Histoire de Madagascar, 1967). En fait, les prestations en nature rétablissent la corvée (cinquante puis trente jours de travail gratuit), plus générale qu’au temps de la monarchie par suite de la suppression de l’esclavage. « On peut y échapper en partie, en travaillant chez les colons. Mais l’abus des fausses déclarations d’emploi conduisit très vite à une fiscalité très dure pour les pauvres ». En outre, de 16 à 60 ans, tous les hommes doivent payer une capitation, c’est-à-dire « un impôt nominal personnel déterminé par l’autorité, dans le cadre du district ». Le sujet doit pouvoir prouver, à tout instant, qu’il est en règle avec le fisc. Cette capitation ne tient pourtant pas compte de la fortune de chacun. Pour qu’ils trouvent l’argent dans une économie de subsistance, le gouverneur général estime qu’en obligeant les Malgaches à se placer (chez les colons) ou à produire, « l’impôt enseignerait le travail et, de ce fait, éduquerait le peuple ! » D’après Hubert Deschamps, la capitation, les impôts sur les biens (rizières, bœufs), les taxes sur les marchés, les impositions indirectes auraient constitué en 1909, « une charge considérable ». La révolte de 1905 dans le Sud-est, est d’ailleurs provoquée, dans une large mesure, par la lourdeur de ces impôts. Il y a enfin l’indigénat. C’est une institution qui place le colonisé à la merci de l’Administration coloniale. En cas d’insuffisance dans l’accomplissement de ses charges, une peine de prison ou une amende, fixée sans jugement préalable, peut frapper l’indigène ! En résumé, mise en place par Gallieni au fur et à mesure de la conquête, l’administration révèle les mêmes soucis d’efficacité, de profit et d’économie. L’importance des besoins résulte de l’occupation de toute l’ile. La diversité des groupes ethniques, de leurs coutumes, les difficultés nées de l’occupation récente et mal supportée, l’installation des colons nouveaux venus sont autant de problèmes à résoudre, surtout que l’administration manque de cadres et de moyens. Dans ces conditions difficiles, l’organisation militaire pose les bases de la future organisation civile. Les directives données aux officiers, lors de la conquête (lire précédentes Notes) font d’eux des administrateurs auxquels on demande de construire et de reconstruire. La diversité des groupes ethniques conduit également le gouverneur général à organiser l’administration sur les structures traditionnelles des communautés. Les clans (les fokonolona pour l’Imerina) sont réunis dans le cadre restreint du canton. Le secteur militaire, localisé sur le territoire d’une ethnie par les autorités d’occupation pendant la conquête, devient le district civil dont le chef, itinérant, est un fonctionnaire français. Et les cercles militaires deviennent des provinces (différentes des provinces actuelles) dirigées également par un Français. Ces structures administratives qui implantent une organisation uniforme sur toute l’ile, respectent- chaque fois que c’est possible- les autorités traditionnelles : gouverneurs de l’Imerina, sous-gouverneurs, chefs de groupes ethniques, etc. « L’autorité des fonctionnaires français s’exerce donc aux échelons supérieurs, cependant que des fonctionnaires malgaches assuraient sous leur direction et leur contrôle, la marche des affaires courantes. » Car ce système fait appel aux fonctionnaires malgaches et, pour l’essentiel, c’est un système d’administration indirecte. « Comme cela impliquait un recrutement important de cadres autochtones, l’enseignement primaire fut développé en vue de leur formation. » Mais la pénurie d’instituteurs oblige Gallieni, pourtant anticlérical, à utiliser au maximum les missions chrétiennes qui ont joué un rôle considérable dans le développement de l’instruction. Par la suite, par l’ouverture des Écoles régionales d’Antananarivo, Mahanoro et Analalava, il prépare le développement d’un enseignement laïc qu’il souhaite asseoir dans tout Mada­gascar. En 1905, 230 000 enfants sont scolarisés, mais seul le dixième fréquente les écoles publiques. La fondation de l’École de médecine en 1897, est destinée à former des médecins et des sages-femmes et l’Assistance médicale (AMI) s’organise dans les provinces sous la direction de médecins militaires. Cependant, « si la Colonie prenait en charge l’œuvre de santé (lutte contre les endémies, peste, variole), l’état sanitaire restait peu satisfaisant. »
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