Chance providentielle


Un mois de purgatoire. Ce n’est pas la mer à boire. C’est juste l’open sky qu’on met entre parenthèses à cause du coronavirus. Le président de la République Andry Rajoelina ne pouvait pas nager à contre courant de la tendance mondiale, proportionnellement au stade de la pandémie dans chaque pays. Il s’agit donc de mesures de prévention pour garder le pays infranchissable par le coronavirus. Beaucoup craignent de graves conséquences sur le plan économique. Ils n’ont peut-être pas tort mais un chaos économique vaut-il mieux qu’une hécatombe prévisible et inévitable si jamais un inconscient donne un visa d’entrée à ce redoutable virus? D’ailleurs, depuis 1980, il n’y a pas une année où l’économie se portait bien. On ne peut pas être plus pauvre qu’aujourd’hui. Ce n’est pas un mois d’autarcie que l’on tiendra pour responsable des futurs échecs. Pour le tourisme, secteur le plus frappé par la suspension des vols venant de l’Europe, c’est le moment de se tourner vers les clients locaux. On atteindra facilement l’objectif de dix millions de touristes par an avec un tarif approprié. Comme la mesure peut être étendue à une période plus longue selon l’évolution de la pandémie, il faut penser à une reconversion pour pouvoir garder la vitalité des établissements hôteliers. La situation n’est d’ailleurs pas nouvelle. Le tourisme a toujours souffert des crises politiques successives. En 2002, les frontières avaient été fermées par Ratsiraka mais on n’en mourrait pas. Le litre d’essence se cédait à 5.000 ariary si on en trouvait. Chose curieuse, l’économie a résisté à sept mois de grève et de marasme. La fermeture des aéroports n’empêchait pas les entreprises franches de fonctionner. Dans les années 80, les frontières n’étaient pas fermées mais le régime Ratsiraka avait mis une croix sur les importations. Le beurre, le fromage, le dentifrice, le savon, l’huile, les magazines européens, les livres scolaires, les médicaments...avaient disparu des magasins. Il y avait même une grande pénurie des produits de première nécessité en 1982. Dès lors l’imagination des citoyens, la débrouillardise étaient mises à contribution pour pallier le manque cruel des produits usuels. Les fromages et beurres artisanaux, la charcuterie fait maison, le dentifrice fabriqué avec du rambiazina, la crème de cirage conçue avec de la purée de patate, le whisky d’ananas, le savony gasy, mélange de suie et de suif ont fait leur apparition . La qualité n’y était pas mais il fallait des ersatz pour combler un manque pendant cette période de galère. Plus tard, une ouverture a été faite avec la publication par le ministère du Commerce des produits que l’on pouvait importer. Puis avec le retour au libéralisme , on pouvait à nouveau importer toutes les futilités comme les oranges, les pommes, les raisins, les allumettes, les bougies, les yaourts, les jus de fruits, les biscuits et chocolats, les eaux minérales.... On ne va quand même pas se plaindre pour des papiers toilettes. C’est donc l’occasion ou jamais pour les producteurs locaux et les industriels locaux, du moins ce qu’il en reste, de faire leurs preuves et de profiter de l’aubaine. Il faut espérer que la période dépasse un mois et que les ports aussi soient fermés. C’est fort possible à en juger l’évolution rapide de la pandémie en Europe et en Afrique. En attendant, le coronavirus brise déjà les jalons de la mondialisation. C’est peut-être une chance. À quelque chose, malheur est bon.
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