Au nom de quoi


La pluie fine de ce matin commence à s’amplifier. Rebelotte pour un autre tour de cyclone alors que les séquelles du premier et du second restent vives. Tanà sous les eaux, finalement, cela inquiète qui ? Cela inquiète celui qui n’a pas de toit une fois que les crues vont revenir car les gesticulations n’ont rien apporté de concrets pour que le sinistre ne soit pas chronique. Va-et-vient dans les « camps de concentration » Covid-19, le temps du buzz et tout retourne à l’anormal. Les plus pauvres ramassent le plus durement comme tous les ans. L’émoi Batsirai s’est vite envolé ou, à vrai dire, il n’a jamais vraiment existé car les petites personnes d’Antananarivo n’ont pas été touchées. Nous n’avons rien vu, même pas l’œil du cyclone que certains spécialistes inventés attendaient de…voir. Une première dans l’histoire de la météorologie. RaVince s’est retourné dans sa tombe. Batsirai, finalement, cela intéresse qui ? Cela intéresse apparemment plus les pays qui dépêchent des aides, des appuis techniques, des hommes et des femmes spécialisés dans les urgences. Cela intéresse le peuple des Comores qui, en toute fraternité, vient en aide malgré que celui qui est aidé semble le regarder de haut. Complexe de pseudo supériorité mal placé d’un peuple pauvre (ou appauvri selon certains illuminés) qui ne s’aide pas lui-même. Elle était fâchée, enfant à la main. Devant la caméra, cette jeune mère de famille de Mananjary avait dans sa voix toute la colère du monde, beaucoup de tristesse mais surtout de la révolte. Elle vomissait tout ce système de soi-disant aide venant de l’État qui n’aide pas mais qui accumule les vivres pour mieux s’enrichir à outrance. Du déjà-vu. Outragée, elle raconte comment après des heures et des heures d’attente rien ne se passe de concret alors que le tamtam est à son comble. Elle pointe du doigt des dirigeants qui sucrent le peuple, des magouilles au nom des sinistrés de Batsirai. Pendant que meurent à petit feux les plus pauvres, en haut lieu, d’autres cyclones valsent. Hollywood, Bolywood et toutes les grandes productions ne peuvent que pâlir. Coup bas, traitrises, sexe et argent ; détournement, dossiers cachés, casseroles et rien ne va plus. Nous sommes suspendus aux rebondissements et tragédies de nos dirigeants qui n’ont pas fini d’en découdre entre eux. Pendant ce temps, quatre-vingt-dix-neuf pour cent de la population triment pour manger trois fois par jour. Le riz, comme la viande, les œufs, les médicaments, l’eau et l’électricité sont devenus un luxe inatteignable. Alors que dans les frasques les employés du peuple (élus et désignés) parlent de milliard d’Ariary comme si c’était de l’argent de poche. Au nom de quoi ce pays est-il dirigé ? Des bachiques, de la corruption, des égos, des intérêts personnels. L’avidité face au pouvoir, au sexe et l’argent. Là-haut, on se promène avec des armes, des gardes du corps, de l’or en mallette, des bois précieux en containers. On remblaye sans peur, sans honte. On prend les aides internationales pour mettre encore et encore dans des comptes qui parlent en euros et dollars. Entre mascarades judiciaires, policières, facebook et autres, le peuple n’y voit que du feu alors que le pays est en feu. Au nom de quoi ce pays est-il dirigé ? Un peuple rendu abruti sans instruction, sans culture et ni responsabilité. Un peuple au ventre creux qui meurt de famine, de maladies, de Covid-19, de corruption. Un peuple qui ne s’est résigné qu’à sauver sa peau qui colle à ses os sans chair. Un peuple devenu passif et spectateur de sa propre mort. Un peuple qui applaudit les singeries en haut lieu et se délecte des règlements de comptes. Pourtant, ce peuple ne sait pas ou ne veut pas savoir qu’entre eux, il n’y a pas d’ennemis, il n’y a que des intérêts.
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