COLISEUM ANTSONJOMBE - La FJKM se dresse contre l’État


Des cadres de l’église FJKM versent à nouveau dans le discours politique. L’homélie et une prière prononcées au Coliseum Antsonjombe fustigent l’État et certains mots sonnent comme une consigne de vote. Des propos clivants. L’homélie et la prière qui s’ensuivirent, prononcées au Coliseum Antsonjombe, hier, durant le culte organisé par l’Eglise réformée de Madagascar ou FJKM, divise l’opinion publique, à commencer par les fidèles de cette confession. Suivant leur obédience politique, certains applaudissent vivement, et d’autres dénoncent avec virulence l’homélie prononcée par le pasteur Zaka Arimasy Andriamampianina, vice-président du bureau central de la FJKM, suivie d’une prière dite par le pasteur Georges Henri Randriamamonjisoa, conseiller auprès du bureau central de la FJKM. Les prises de parole des deux cadres de l’Eglise réformée de Madagascar avec des mots et sur un ton résolument politique font débat depuis hier. Le pasteur Andriamam-pianina table son homélie sur les versets tirés de Psaumes 33. Il a annoncé la couleur dès le début de son prêche en soulignant que les lignes de Psaumes 33 “parle des affaires de la nation, de la vie de la nation”. Il ajoute, “nous sommes dans une année électorale. Aussi, il y a des choses que l'Église doit dire en tant que balise de la société”. Dans son prêche sur trois points, qui sont la fraude électorale, la gestion équitable de l’eau et la priorisation de la production plutôt que l’équipement de l’armée. Selon le vice-président du bureau central de la FJKM, “la fraude électorale a comme conséquence un pouvoir instable qui mise sur le clientélisme et l’intimidation”. Il parle de la gestion équitable de l’eau pour parler de gouvernance équitable, ainsi que de partage équitable des richesses. S’agissant de l’armée, le pasteur dit sans ambages, “réduisez le budget de l’armée et augmentez celui de la production” pour avoir un développement économique et mettre fin à l’insécurité. Les mots du pasteur Andriamampianina ont attisé l’ire de certains des responsables étatiques présents à Antsonjombe et des partisans du pouvoir à s’en tenir à leurs réactions sur les réseaux sociaux. En toisant le choix de l’État d’encourager l’importation d’animaux d’attraction pour stimuler le tourisme, le religieux prend l’exemple de l’éléphant, pour dire qu’en ces temps où la nature souffre, il est inopportun d’élever un animal qui a besoin de 150 litres d’eau et d’aliment par jour. Consigne de vote ? Bien qu’il se soit gardé de préciser la cible de ses propos, l’homélie du vice-président du bureau central de la FJKM pilonne certains choix politiques de l’État. Il dresse ainsi un tableau sombre de la situation nationale et conclut avec une image qui suscite de vives réactions de la part des tenants du pouvoir. Il soutient alors que si un boeuf arrive et détruit les récoltes, l’esprit chrétien n’est pas de demander à qui il appartient, ou d’où vient-il, mais “de dégager d’abord le bœuf débridé et chercher à savoir ensuite”. La prière dite par le pasteur Randriamamonjisoa qui sonne comme “une consigne de vote”, renforce le ton politique d’une partie des prises de parole durant le culte de la FJKM. Il déclare, “nous voulons un dirigeant qui reflète la vérité, qui aime réellement la population, qui ne fera pas de l’armée un instrument contre la population, qui priorise l’économie pour le bien de la population (...)”. Demandant néanmoins une bénédiction pour le président de la République, le conseiller du bureau central de la FJKM lance, “sur la manière dont il a conquis le pouvoir, ce n’en savons rien, mais faites qu’il soit épris de foi en vous et de vérité, sans quoi, nous vous demandons de le remplacer par quelqu’un qui a la foi et respecte la vérité”. L’homélie et la prière dites hier ramènent à des périodes où des dirigeants de la FJKM avaient des positions tranchées sur la vie politique et même dans l’échiquier politique du pays et n'hésitaient pas à le faire savoir. La réputation des pasteurs Andriamam- pianina et Randriamamonjisoa qui auraient une certaine antipathie vis-à-vis du chef de l'État, renchérit les vifs débats depuis hier. Cependant, ces prises de position politiques affirmées, avaient divisé les fidèles. Pour mettre un terme à la scission interne et l’enchevêtrement des affaires religieuses et la politique, le pasteur Ammi Irako Andriamahazosoa, président de la FJKM, lors de sa première élection, en 2016, avait déclaré que “l’église ne doit pas être un instrument politique”. Depuis, de l’eau a coulé sous les ponts, vraisemblablement. À l’heure où la FJKM prend la présidence tournante de l’association des églises protestantes ou FFPM et du Conseil oeucuménique des églises chrétiennes de Madagascar (FFKM), certains de ses dirigeants sont pris en grippes par des tenants du pouvoir. Le pasteur Irako Andriamahazosoa aura fort à faire pour faire valoir l’impartialité de ces institutions religieuses en cette année électorale. À l’issue de la présidentielle, il serait intéressant de demander aux deux pasteurs si leurs prières ont été exaucées ou non.
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