Malheur est bon…


Le lit asséché del’Ikopa devient l’attraction des riverains. Sur le pont de Tanjombato, l’on s’agglutine devant ce spectacle inattendu : il est sec, le fleuve. C’est un constat d’autant plus navrant qu’à la base, les Hautes Terres ne sont géographiquement pas concernées par une telle situation extrême. D’un côté, les conséquences pénibles de la déforestation galopante et de l’autre côté, les résultats de l’atermoiement à vouloir solutionner drastiquement le problème. Evidemment, voilà une autre raison toute trouvée pour expliquer le délestage, si déjà les raisons compliquées avancées jusqu’alors ne suffisaient pas à embrouiller les esprits. A ce stade, blâmer est une perte de temps. Mais les mesures concrètes tardent à venir. Des mesures concrètes pour la protection forestière et la gestion du capital naturel, un trésor national dont dépend la survie de toute la population actuelle et à venir. Des mesures concrètes aussi pour solutionner le délestage, qui n’en finit pas de miner nos forces. On se demandait si les ressources de patience des Malgaches pouvaient s’épuiser, tant nous nous accommodons presque facilement des difficultés, en particulier celles que l’on aurait pu éviter si on a pu ou voulu user des moyens de réclamer la redevabilité de nos dirigeants. Moins nous sommes exigeants, moins nous trouvons satisfaction, le mieux serait de nous adapter à la situation : une espèce de masochisme chez les uns, un syndrome de Stockholm chez les autres, une politique de l’autruche pour certains. Ou bien la fatigue, la vraie, la contagieuse, l’harassante lassitude devant l’océan de problèmes à affronter et le peu de réserves de résistance et de résilience qui nous reste. L’envie de réclamer son bon droit ne semble plus venir naturellement, tellement les écueils se suivent, s’enchaînent et sont de plus en plus inextricables à presque tous les niveaux. À quelque chose, malheur est bon, dit le dicton. Malheur est-il bon, alors ?  Si notre malheur est maintenant de toucher le fond, quelle serait l’alternative ?  à part remonter à la surface ?  2017 est une année charnière, celle qui mène vers les élections. C’est l’année des bilans, là où on doit profondément réfléchir sur la manière dont nous souhaitons passer les quatre prochaines années de nos vies : car il n’est absolument plus question de nous laisser martyriser par nos propres peurs et surtout pas par nos propres leaders ! Encore une fois, un appel aux citoyens d’aller au-delà de ce que l’on voit. C’est le moment de proposer des solutions par nous, pour nous et avec nous, puisqu’il est désormais évident que nous ne pouvons plus que compter sur nos propres forces. Quels que soient les discours politiques entendus, la vérité est que nous sommes seuls dans une barque qui prend l’eau. C’est le moment de défendre les initiatives qui font bouger les lignes, qu’elles soient modestes ou ambitieuses, mais dès lors que nous avançons, c’est déjà une avancée. À qui observe bien la tendance de la jeunesse actuelle, un mouvement – sans doute encore imperceptible au regard inattentif – est en train de se former : des projets qui semblent discrets mais qui gagnent à être soutenus, des jeunes entrepreneurs audacieux qui briguent le succès à pleines dents avec les moyens du bord, des associations intrépides qui proposent des solutions quotidiennes, des inventeurs et des chercheurs qui présentent leurs œuvres et même de simples individus qui se jettent à l’eau…etc. C’est une vague que nous avons intérêt à entretenir, demain elle sera le fleuve qui viendra nous arroser. C’est aussi le moment pour les nouvelles têtes politiques de se faire entendre, proposer des alternatives pour être comprises et adoptées : mais le faire avec l’envie de changer le cours de notre histoire, de renverser la vapeur et de remonter à la surface, et pas uniquement parce qu’on aime bien « faire de la politique ». Venir dans l’arène certes avec des idées mais aussi le comportement qui convient au poste : finie l’arrogance inutile et superfétatoire, fini le besoin de se faire mousser pour chaque petite chose qu’on accomplit, finie l’envie de s’enrichir grotesquement et fini, le mépris affiché à ceux dont la voix compte. C’est le moment pour les électeurs de choisir d’évincer de la scène nationale toute cette génération politique qui ne nous a pas si bien servi au final et d’exiger que la nouvelle crue obéisse au doigt et à l’œil aux principes pour lesquels nous l’avons élue. Car tout ceci, quoi qu’on en dise, de l’Ikopa à sec aux forêts dévastées, de l’insécurité au chômage, de la précarité quotidienne à l’éducation en pointillés, du délestage à la difficulté d’approvisionner en eau et en électricité la majeure partie de Madagascar…tout ceci est le fruit d’erreurs communes, bien que « consolidées » par des décisions unilatérales. Malheur est bon, parfois : si l’épine blesse le pied, on sait maintenant où marcher. Mais ne tardons plus : 2018 est si vite arrivé. Par Mialisoa Randriamampianina
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