Une mission orageuse et périlleuse dans le Menabe


En arrivant sur le trône d’Imerina en 1810, le jeune prince Laidama va vite s’apercevoir  qu’il est plus facile de conquérir que de gouverner. En effet, il peut sans trop de mal parcourir avec une armée nombreuse et disciplinée  les pays sakalava et forcer les rois à une apparente soumission. Car, selon Jean Valette, archiviste paléographe, ces rois ne font que céder à l’action de la force. « Radama se rendait d’ailleurs compte qu’il lui faudrait rendre cette force permanente pour que les promesses à lui faites devinssent des réalités. » Or, il ne lui est pas possible d’envisager une occupation militaire des régions soumises, du fait de l’insuffisance même de la population merina, épuisée par trente ans de guerres incessantes. Pour parer à cette impuissance d’occuper tous les terres conquises, le roi en vient à l’idée de désarmer les populations qui reconnaissent sa souveraineté. C’est une entreprise difficile car une telle mesure est « trop contraire aux habitudes des Malgaches », en particulier des Sakalava pour qu’il puisse penser à l’effectuer par les persuasions. « Vouloir y parvenir par la force, c’était recommencer la guerre. Pris dans l’engrenage de la logique de sa politique, Radama dut prendre ce dernier parti.» Dès les premiers jours de janvier 1825, il envoie quelques milliers de soldats et de civils pour installer des garnisons et construire des villages en pays sakalava. Ces localités doivent être convenablement espacées pour établir une ligne de communication facile entre Antananarivo et les points importants du Boina (Boeny) et du Menabe. Il veut, en outre, en faire des colonies modèles destinées à attirer les autochtones qui s’y habitueraient ainsi à vivre avec les Merina. Et comme l’écrit Ellis, ils s’accoutumeraient de ce fait, « à rechercher leur bien-être dans l’agriculture et non dans la rapine, et à reconnaître les avantages d’un état social plus perfectionné que celui auquel ils étaient habitués ». Cette « idée sage et féconde » fait déjà ses preuves en pays betsimisaraka. Mais dans le cas des Sakalava, les troupes ont aussi pour mission de désarmer tout le Menabe et « cette entreprise est grosse d’orages et de périls ». Les premières tentatives faites en mars 1825, mettent le pays en feu. Au lieu d’obtempérer et de livrer les fusils demandés par Radama, les Sakalava du Menabe prennent eux-mêmes les armes et se portent en force contre les garnisons récemment installées. Bien supérieurs en nombre, les insurgés les massacrent, puis se livrent au pillage. Selon Guillain, Ramitraho, tout en paraissant adhérer aux volontés de son gendre, est l’instigateur de cette révolte et envoie des émissaires à Andriantsoly pour l’engager à secouer aussi le joug merina. Ainsi, au moment même où les Sakalava du Menabe écrasent les Merina cantonnés dans leur région, ceux du Boina égorgent les soldats du poste d’Anfihaonana qui assure la garde d’Andriantsoly et assiègent Ramanetaka dans Mahajanga. Dès que la nouvelle de ces évènements parvient à Antananarivo, Radama prend immédiatement les mesures nécessaires pour réduire à néant l’action des insurgés. En mai, Rainimaka, homme de confiance du roi, par ailleurs très populaire parmi les Sakalava, quitte la capitale en amenant à Ramanetaka des renforts considérables. En même temps, Rafozehena est envoyé dans le Menabe avec de nouvelles troupes. Sa destination est la partie du pays où réside Ramitraho. Radama doit, en fait, user de toute son influence et de la crainte qu’inspirerait son armée pour faire pression sur son beau-père pour qu’il livre ses armes à feu et à se déclare « ouvertement » en sa faveur. « Mais Ramitraho dont les dispositions n’étaient guère favorables à son gendre, se déroba constamment. » Après plusieurs mois de vaines recherches, Rafozehena doit rentrer à Antananarivo, ramenant néanmoins avec lui, les fusils que lui remettent quelques petits chefs. Il devra revenir dans le Menabe en mai 1826, après les pluies, pour poursuivre ses tentatives de désarmement. Il passe encore plusieurs mois à rechercher Ramitraho, mais ce dernier évite soigneusement toute rencontre. Finalement cependant, il se décide à entrer en pourparlers. Il propose de livrer, quelques mois plus tard, toutes les armes de son peuple, « non à un général accompagné par une armée, mais à quelques ambassadeurs envoyés pour les recevoir ». Dans le cas où cette proposition serait agréée, il offrait même d’en remettre sur le champ une partie. En formulant cette proposition, précise Jean Valette, Ramitraho n’a d’autre but que de se ménager une trêve jusqu’à l’arrivée des prochaines pluies qui le débarrasseraient de ses ennemis. Radama accepte néanmoins la proposition de son beau-père et rappelle les troupes de Rafozehena. Texte : Pela Ravalitera - Photo : Archives personnelles
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