La réalité tout autre


Hôtel vide. Pas un seul client depuis des mois. Le nombre de personnel est au minimum alors qu'à cette période, dans ce coin de Madagascar, toutes les chambres sont réservées. Un tableau maintes fois décrites dans les colonnes des médias et dans les communiqués de presse venant du secteur du tourisme. Il faut le vivre, le voir pour comprendre à quel point le mot « difficile » est un euphémisme. Les charges fixes pèsent et le nombre d’employés mis en chômage technique est effroyable. Avant la pandémie, on comptait facile- ment six radios et autant de télévisions dans le coin. Depuis, il n'en reste plus que trois. Les autres n'ont pas survécu faute de recettes publicitaires. Plus aucun spectacle, plus de pub venant des grosses sociétés, avec les factures à payer, tenir le coup est juste impossible. Les entre- prises encore debout le peuvent grâce à bon nombre de sacrifices quotidiens. Généralement, ceux sont les directeurs et/ou propriétaires qui assurent tout le travail sans pouvoir se rémunérer. L'objectif est de pouvoir tenir la tête hors de l'eau le temps que la pandémie passe. Mais jusqu'à quand? Jusqu'à quand peuvent ils remettre au lendemain les frais de scolarité de leurs enfants, les factures de la Jirama, le salaire des journalistes et autres employés pour pouvoir exister. Dans ce centre de santé, on reçoit en moyenne trente à quarante personnes par jour. Entre les consultations de routine, les femmes qui viennent accoucher, celles qui optent pour le planning familial, des cas suspects de Covid-19 vont et viennent. Depuis des lustres, il n'y a jamais eu assez de moyens pour une prise en charge dans les règles de l'art. Alors, depuis le début du coronavirus, la pression se fait sentir de plus en plus. Le risque est là mais que faire. La seule solution est de mettre la main à la poche pour se protéger et pour protéger les siens en espérant que dans un futur proche les aides exhibées face aux médias vont un jour toquer à la porte. De l'alcool aux masques, du stylo au savon, tout le monde cotise. Malheureuse- ment, de nombreux collaborateurs chopent le virus. Rien d'étonnant et tout à fait prévisible vu les conditions de travail. Certains ici n'ont jamais touché ni utilisé un thermomètre infrarouge. Avoir un oxymètre relève de l’utopie. Le seul thermomètre utilisable dans ce centre de santé est celui de la vieille école. Il passe de malade à malade après quelques gouttes d’alcool en espérant que cela suffira pour le désinfecter. Dans ce centre de traitement, des équipements de protection individuelle qui, normalement sont jetables, sont lavés maintes et maintes fois. Comme des guirlandes de noël, ils ornent les sèche-linges derrière les bâtiments. « Tout va bien ». Tout va vraiment bien? La réalité est tout autre. Le plus triste est de constater à quel point la grande majorité est si durement impactée.
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