Des officiers indélicats dégradés pour lèse-majesté


Radama Ier, « Roi civilisé de Madagascar » est réputé pour sa rigueur « souvent excessive », selon les écrits de nombreux historiens. Grand guerrier et fin stratège, il réalise en grande partie le rêve de son père de faire de la mer la frontière de son royaume, et mène de nombreuses expéditions armées. Il est très sévère vis-à-vis de ses officiers indélicats, qui sont pris en flagrant délit de détournements ou de malversations des tributs royaux obtenus par les victoires (homana tongoa-mionkona). Ou qui spolient les soldats placés sous leurs ordres de leur part de butins de guerre. Le roi ne tolère pas ces actes qu’il qualifie de criminels puisque leurs auteurs défient sa souveraineté : « Radama­manjaka tsy azo andramana ! » Dès le début, le jeune souverain qui, généralement, dirige lui-même les expéditions de conquête et donc connait la quantité et la valeur des butins, fait apposer aux portes du Rova des affiches invitant ses officiers à déposer au Palais ce qui lui est dû. Mais rien n’y fait. À bout de patience, il les réunit à Antsahatsiroa et, par l’intermédiaire de son porte-parole Razafimbelo, il les harangue. Il commence par les accuser de lui remettre « assiettes ébréchées, pieds de table et marmites en fer » au lieu de la part de butin royal. Il les somme alors de lui rendre « ses biens », sinon il sévira. Mais les officiers nient avoir commis ce crime de lèse-majesté. Ce qui est d’ailleurs vrai pour la plupart. Cependant, les coupables croient que le jeune roi, bien que de tempérament fougueux, ne passera jamais à l’acte, même s’il fait préciser qu’il a « longuement réfléchi et longtemps mûri » sa décision. Ils pensent qu’avec les victoires successives qu’il obtient, il finira par tout oublier. Ce qui ne fait qu’attiser la juste colère du souverain. Mais il la maitrise encore et fait preuve de la maturité « qu’on lui dénie » et de tolérance. Il n’agit pas dans l’immédiat tel un tyran qui abuse de sa puissance (manao teniko fe-lehibe). Il réunit les douze Olon-kendry, grands notables, du royaume pour leur demander conseil comme il se doit. Leur réponse est ferme : Radama doit « reprendre ses butins de guerre et sévir contre ceux qui l’en ont dépossédé ». C’est ainsi que les IX honneurs Ralaifotsy et Rafaralahidera sont condamnés à mort, tandis que d’autres officiers subissent publiquement la dégradation. Par la suite, des officiers n’osent plus agir de façon indélicate avec les tributs royaux. Ils se rattrapent en spoliant leurs soldats de leur part de butins. C’est alors qu’en 1827, Radama s’irrite à nouveau. Il publie officiellement une Note que l’on affiche partout dans lequel il exprime son « écœurement devant de tels agissements de surcroit commis en son nom ». « Nul ne peut, dans mon royaume, retirer des mains du commun de mes gens, surtout de mes soldats et des défavorisés, ne serait-ce qu’un plant de patate douce ou trois racines de manioc. Tout appartient et revient au roi que ces actes déshonorent. » Puis il ajoute à l’intention des victimes: « Quiconque vous vole, même s’il s’agit de ma mère, de mes épouses ou de mes enfants, je le punirai ; car je suis le protecteur de vos femmes, de vos enfants et de vos biens. » Radama fait encore preuve de tolérance et ne cesse d’avertir les indélicats. Aussi, souligne-t-il, que si les auteurs de ces vols qui dénotent un abus flagrant de pouvoir contre les simples soldats, persistent dans leurs actes, « ils passeront par les pires supplices». Et si de tels exemples ne suffisent pas, ils devront en payer le prix fort. Car nul, quel qu’il soit, ne peut impunément défier le roi. « … Fa ny Andriamanjaka tsy mba azo andramana, fa Radama­manjaka tsy mahazeny tavan’olona, tsy mahamena handrin’olona, koa andro iray hanaovako azy ! » Le roi, tout en publiant cette Note, invite ses officiers à dénoncer les coupables afin de séparer le bon grain de l’ivraie. Ce que, finalement, certains font. Mais aucune peine de mort n’est prononcée, le crime étant sanctionné par une peine maximum de dégradation.
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