Aujourd’hui aux ides de mars


Sombres comme le contexte, les pages les plus intéressan­tes de notre histoire politique sont noircies par les spectacles des chutes chorégraphiées depuis la triste­ment célèbre école de la place du 13 mai, devenue le sanctuaire de l’alternance du pouvoir qui a, depuis 1972, arboré le visage du monstre des coups d’État. Prendre le pouvoir par la force, tuer les « tyrans » comme Jules César, assassiné le 15 mars de l’an 44 avant notre ère. Ce jour-là les poignards ont frappé à l’intérieur même du sénat (la curie de Pompée), temple du pouvoir de la République romaine. Un assassinat suivi des gémisse­ments de l’agonie de la République qui firent écho aux derniers soupirs de César, une triste et mélancolique mélodie sur laquelle se sont collées les paroles qui constituent la réplique culte: « tu quoque mi fili ». Prétexte à un running gag que connaissent les lecteurs d’Astérix. Brutus, le fils de Servilia (et peut-être du dictateur-même), une des maitresses de César, vient de lui planter le dernier coup de poignard. Le début de la fin pour la République qui tombera dans les vicissitudes de la guerre civile qui installa l’obscurité de l’ombre de l’empire, une nuit à laquelle succédera l’aube d’une ère placée sous le soleil de la pax romana, la « paix romaine », qui soumettra le monde pour environ cinq siècles. Ce qui s’est passé à Rome le 15 mars (les ides de mars) de l’an-44 peut être comparé aux différents épilogues des événements de 1972, 1991, 2002, 2009 et le dénouement commun aux trois présidents sortants auquel a échappé de peu celui qui était à cette place convoitée en 2018. Si le meurtre a, depuis longtemps, été banni par la bienséance, la méthode de l’éviction par la voie de la violence est encore irrémédiablement inscrite dans notre ADN politique. On reprend les mêmes formules et les mêmes instru­ments, avec les mêmes résultats mortifères qui nous ont jetés dans les profondeurs du gouffre de la misère: les crises se succèdent, un éternel retour qui aurait dû être analysé par Nietzsche, et la chute qui suit est toujours aussi dure. Utiliser les armes et la force pour destituer le magistrat suprême: la comparaison entre le meurtre de César et les différents coups de force des années sus-citées s'arrête peut-être à cette similitude. Les années post-crises n'ont jamais laissé entrevoir la lumière qui finit toujours couverte par une nou­velle crise. Rome a enterré la République pour l'empire. Et si le salut passait aussi par un changement de paradigme : la démocratie à l'occidentale est-elle toujours appropriée à notre cas?
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