D'une alternance à l'autre


Soixante ans après l'indépendance, mis à l’épreuve à chaque changement de pouvoir, l'État malgache se maintient dans un équilibre instable permanent, incapable de fonctionner normalement comme un État républicain. 1. Une alternance forcée en mai 1972. Le premier Président de la République Philibert Tsiranana a dû, sous la pression de la rue, annoncer à la radio nationale le 18 mai : « Devant les difficultés actuelles et afin de préserver l'unité nationale, je donne pleins pouvoirs au Général de division Gabriel Ramanantsoa pour diriger le pays ». Mais après avoir reçu les « pleins pouvoirs », le Général a voulu à la fois couper tout rapport organique avec le Président et repousser la tendance radicale des militants du 13 mai. Il a donc organisé, le 8 octobre 1972, un référendum sur la question suivante : « Acceptez-vous le projet de loi référendaire qui permettra au Général Ramanantsoa et à son gouvernement d'unité nationale, de réaliser pendant cinq ans les transformations indispensables au renouveau ? ». Les Malgaches ont répondu oui à 96%. Ainsi, le père de l'indépendance a-t-il été forcé de partir deux fois : le 18 mai, et le 11 octobre quand il a fait son veloma mandrakizay (adieu). 2. Une instabilité totale du pouvoir des militaires. Divisé à l'intérieur, contesté de l’extérieur, le gouvernement du Général Ramanantsoa était condamné à échouer. Le 25 janvier 1975, le Général l'a dissouts : « Notre pays comme tous les pays du monde traverse une période difficile... Le gouvernement a besoin d'un souffle nouveau. Après avoir mûrement réfléchi, j'ai décidé de dissoudre le gouvernement ». Dès lors, le pouvoir des miliaires a été secoué par une instabilité incroyable. Durant les six premiers mois de l'année 1975, quatre Chefs d'État se sont succédé. Le Général Ramanantsoa est parti le 5 février après avoir transmis les pleins pouvoirs au Colonel Ratsimandrava, assassiné le 11 février, à peine installé une semaine à la tête de l'État. Suite à la mort du Colonel, s'est auto-proclamé un Directoire militaire dirigé par le Général Andriamahazo, qui fut obligé de se démettre après un vote du Directoire en faveur du Capitaine de Frégate Didier Ratsiraka, installé au pouvoir le 15 juin. 3. Une alternance mal gérée en 1993. Le référendum de 1975 a fini par mettre en place un régime stable dirigé par l'Amiral Ratsiraka. Mais à partir de 1991, l'État socialiste est ébranlé par le soulèvement des Forces Vives, dans le contexte de la chute du mur de Berlin et de l'éclatement de l'empire soviétique. L'année 1993 a fait date dans l'histoire électorale malgache. Pour la première fois, le nom du Président de la République élu n'est connu qu'au second tour de l’élection, le 27 mars 1993. Le Pr Albert Zafy a gagné avec 67,80% des voix contre 32,20% pour l'Amiral Ratsiraka. Avant l'investiture du nouveau Président, l'Amiral lui a adressé une lettre de félicitation. Cependant, cette alternance a été mal gérée. Dès son installation au pouvoir, le Président de la République n'a été compris ni par son Premier Ministre, ni par ses compagnons de lutte, majoritaires à l'Assemblée Nationale. En 1996, ceux-ci ont voté l'empêchement définitif du Père de la démocratie. 4. Une alternance violente en 2002. L'élection présidentielle de la fin de l'année 2001 a fait l'objet d'une crise postélectorale d'une violence extrême. Le conflit opposait les deux candidats arrivés au deuxième tour : Didier Ratsiraka et Marc Ravalomanana. L'un exigeait un second tour ; l'autre affirmait, preuves à l'appui, qu'il avait été élu dès le premier tour. Mais il acceptait de passer au second tour si la confrontation des procès-verbaux le confirmait. Le camp de l'Amiral refusa de clarifier le litige par la confrontation des PV. La HCC a proclamé le résultat officiel et exigé un second tour. Décision violemment contestée par les pro Ravalomanana. 5. Une alternance improvisée en 2013. Après la démission du Président Ravalomanana, sous la pression du soulèvement populaire en 2009, une feuille de route élaborée par la Communauté internationale a mis en place une Transition dirigée par Andry Rajoelina. à la fin de 2013, l'élection présidentielle de sortie de crise, marquée par le ni... ni…, a été gagnée par le candidat de substitution Hery Rajaonarimampianina, parachuté au dernier moment pour prendre part à cette compétition électorale à la place de Andry Rajoelina, et contraint de monter à la va-vite une majorité à géométrie variable. Malgré ses qualités, le nouveau Président de la République était à la merci des tâtonnements dus à l'improvisation, de la fragilité du nouveau système et des intrigues du palais. Sa démission avant le dépôt de sa candidature à l'élection présidentielle de fin 2018, conformément à la Constitution, a montré que l’homme avait le respect de la loi. Son score, moins de 9%, a reflété son poids politique réel. Dans cette élection, les électeurs ont voulu porter au deuxième tour les deux protagonistes de la crise de 2009 et tourner définitivement les pages des conflits antérieurs. Le 8 janvier 2009, la HCC a proclamé la victoire de Andry Rajoelina, élu Président de la République de Madagascar. Le candidat Marc Ravalomanana l'a publiquement félicité. Une nouvelle page de la République s'ouvre avec le TGV pour l'Initiative de l'Émergence de Madagascar.  
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