Renaître de ses cèdres


Le Liban. La plupart des Malgaches l’ont « découvert», si l’on peut dire, par le pur et le pire des hasards. Dans les colonnes des faits divers. Quand des femmes de ménages, des bonnes à tout faire et à tout subir, y ont été envoyées en catimini. Lassées par leur existence précaire et miséreuse au pays, elles étaient en quête de l’eldorado, à la recherche des conditions de vie moins pénibles que chez elles. Encadrées et soutenues par des agences de placement. En règle vis-à-vis des dispositions légales en vigueur et requises. Qui s’occupaient de tout. Formation aux ficelles du métier, billets d’avion, passeports, visas de séjour, adresses des familles d’accueil et d’adoption. Des services sous forme de pack, payés au prix fort par les intéressées, séduites et appâtées par ces offres plus qu’alléchantes. Et mirobolantes. La belle affaire pour les promoteurs. La dolce vita inespérée à l’horizon aux « heureuses élues ». Mais très vite, ce fut le désenchantement le plus total. Les échos de leur aventure ou plutôt de leur mésaventure, rapportés par les médias et balancés sur les réseaux sociaux, ont eu un effet glaçant pour leurs proches. Qui s’attendaient à des nouvelles plus réjouissantes. Comme l’envoi des premiers transferts d’argent. Le « rêve des jeunes filles » s’est aussitôt transformé en cauchemar. Jour et nuit. Maltraitées par des patrons indélicats aux pulsions bestiales, subissant des violences corporelles, endurant des brimades verbales, supportant mêmes des viols à répétition selon les témoignages de quelques unes d’entres elles, privées de leurs salaires depuis des mois, dépouillées de leurs papiers, certaines n’avaient plus que la rue pour échapper à leurs bourreaux. Elles ont lancé des appels au secours pour rentrer au pays le plus tôt possible. Des « chanceuses » ont pu le faire, mais hélas dans des cercueils. L’arrivée de leurs dépouilles mortelles à l’aéroport d’Ivato s’est déroulée dans l’indifférence exécrable de ceux et celles qui ont organisé ces voyages vers l’enfer. Au milieu du flot des sanglots, une militante de la société civile s’est érigée en ardente défenseure des droits bafoués des victimes. Elle multipliait les sorties médiatiques pour dénoncer l’arnaque orchestrée par des gens peu scrupuleux. Profitant de la faiblesse et de la naïveté de leurs proies, s’insurgeait-elle, pour bâtir une immense fortune. Des années plus tard, elle fait l’objet d’un avis de recherche de la part de la Police nationale, pour extorsions de fonds dans le même registre des délits qu’elle a tant incriminés. Cette semaine, le Liban occupe le devant de la scène des actualités internationales. Par la double explosion d’un important stock de nitrate d’ammonium au port. Parties de là, les souffles de la détonation ont rasé une grande partie de la ville de Beyrouth. Cette tragédie ajoutée à la crise économique, a mis à terre des Libanais. Devenus des sans-abris. Ils n’ont plus rien. Ils ont tout perdu, maisons et emplois. Après ce qu’ont vécu nos compatriotes, qui serait assez indulgent pour s’apitoyer sur leur triste sort? Pour leur verser, en guise de compassion, quelques gouttes de larmes. Mêmes celles des crocodiles.
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