«Welcome back home»


Fong Po Thune est mort à Hong Kong. Mais, sa dépouille sera rapatriée à Madagascar. Et comme le dit si bien le faire-part en malgache, malgré une coquille orthographique : «ny nofo mangatsiaka dia ho tonga eto an-tanindrazany» : «la dépouille sera de retour en sa patrie», le 15 août. Il était le patron du célèbre magasin de l’avenue de l’indépendance, «Samkocwa», véritable caverne d’Ali Baba de tout ce qui touchait à la radio (ondes courtes et ondes moyennes puisque la FM ne servait à rien), le hi-fi (ah, les premières radio-cassettes «double-deck»), les téléviseurs (longtemps en noir et blanc), divers équipements de bricolage ou de confort et les accessoires associés, à une époque où n’existait ni téléphone portable ni iPod ni Internet. Mais, là, je vous parle d’un temps que les moins de 40 ans ne peuvent pas connaître. Les ancêtres de Fong Po Thune, comme les ancêtres de Louis Laï-Seng (enseignant sortant de l’école Le Myre de Vilers), comme les ancêtres d’Antoine (Restaurant Jasmin), comme les ancêtres de Pierrot Men (photographe qu’on ne présente plus), comme les ancêtres de Jean Yves Chen (peintre qu’on ne présente plus non plus), étaient arrivés il y a bien plus longtemps que 40 ans. Plutôt deux ou trois fois 40 ans... Où sont-ils les descendants de ce Chinois que le missionnaire de la London Missionary Society, William Ellis, avait rencontré à Tamatave en 1856 ? Fong Po Thune était le représentant attitré des «Sinoa Zanatany», ceux qui sont nés à Madagascar et qui ont décidé de s’y faire enterrer. Quitte à se faire rapatrier de la lointaine enclave de Hong Kong. Il était également le fondateur de l’association «Amitié Madagascar-Chine» ce qui souligne, non pas l’ambiguïté du statut des «Sinoa Gasy», mais plutôt le paradoxe d’avoir à être en quelque sorte les ambassadeurs en terre malgache, donc chez eux, non pas d’un pays, la Chine, dont ils n’ont pas la nationalité, mais d’une Culture, Cinq fois Millénaire, dont ils auraient tort de ne pas être fiers. Formose (actuelle île de Taïwan) leur avait fourni la première assistance ou avait constitué la première plate-forme internationale, avant le retour de l’indépendance de Madagascar. L’école chinoise de Fianarantsoa, par exemple, avait été créée en 1952 avec le parrainage de Taïwan. Le Hong Kong d’avant la rétrocession leur avait été la passerelle commode, familière, naturelle, avec la «terre des ancêtres». C’est que, les «Sinoa Gasy» sont tous originaires de cette partie septentrionale de la Chine. L’ouverture d’un Institut Confucius à Antananarivo depuis 2008 (la France a son Institut Français, l’Allemagne a son Goethe-Institut, les États-Unis l’American Cultural Center, l’ambassade du Japon organise régulièrement son concours de discours en nippon) vient relayer les anciennes activités pédagogiques du Cercle chinois (par exemple, l’ancienne école chinoise de Soavinandriana, un beau «campus» en friche). Là, on apprend qu’une trentaine d’étudiants malgaches ont obtenu leur bourse d’études du gouvernement chinois. Autant d’ambassadeurs de cette Culture Cinq fois Millénaire, car il n’y a pas que des «accaparements» de terres, des relations managériales problématiques avec les employés d’anciennes sociétés d’État, ou des histoires de «confiscation» de l’or ou du pétrole malgaches. Rappeler à l’opinion publique malgache, la vieille cohabitation sans histoires avec les «Sinoa Gasy», c’est lui parler autrement de la Chine moderne et des relations adultes que Madagascar peut nouer avec elle. Par Nasolo-Valiavo Andriamihaja
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