14 Juillet - France-Madagascar, je t’aime moi non plus


Difficile de dire que le ciel est bleu, comme le maillot de l’équipe de France de football, entre Antananarivo et Paris. De gros nuages surplombent mêmes les relations entre les deux pays. Une grosse épine sur les pieds d’Em­ma­nuel Macron et d’Andry Rajoelina. Les différends territoriaux sur les îles éparses. Qui, au début, ont été abordés avec cordialité et respect mutuel par les deux présidents, sur le même pied d’égalité. Avant de devenir un sujet qui fâche entre les deux hommes. Emmanuel Macron, semble-t-il, n’aurait pas apprécié la participation de son homologue malgache au premier Sommet Russie Afrique de Sotchi, en octobre 2019. À un moment où Vladimir Poutine, et son allié objectif turc, Recep Tayip Erdogan, ont été la cible des critiques des pays de l’Union européenne sur sa stratégie « jugée expansionniste » par les occidentaux dans la guerre contre le tentaculaire « état islamique » en Syrie. La Turquie a pu étendre son influence militaire le long de ses frontières avec la Syrie. En chassant, en mettant hors d’état de nuire les combattants kurdes, les pires ennemis des Daesh, mais aban­donnés par le retrait des troupes américaines. Andry Rajoelina ne s’attendait pas à ce que ces considérations géostratégiques auxquelles il n’est pas impliqué, aillent faire grincer des dents ailleurs. En guise de « représailles diplomatiques », Emmanuel Macron, depuis les Glorieuses, où il ne devait pas se rendre, le plus grand des atolls des îles éparses en termes de superficie, s’est exclamé « qu’ici c’est la France ». Il a fait exprès d’y faire un détour au cours d’un déplacement dans la région. Une déclaration intempestive, à l’arrière-goût colonial, restée en travers de la gorge des nationalistes malgaches. Depuis cet incident, aucune avancée notable n’a été enregistrée dans le traitement du dossier des îles éparses. Sauf cette initiative encore unilatérale et obséquieuse de la France. Faisant ces mêmes Glorieuses la cent soixante-dixième réserve naturelle française. Animosités La lettre du ministère malga­che des Affaires étrangères condamnant ces manœu­vres insidieuses a été trop molle pour être offensive. Comme le soutien du bout des lèves de la SADC aux revendications malgaches. Quant à la Commission mixte créée pour en « découdre », sa première réunion du 18 novembre 2019 au palais d’Andafiavaratra s’est terminée en queue de poisson. Sans la moindre résolution concrète. Le second round d’observation prévu se tenir dans la capitale française n’a pas encore eu lieu. Qui va être le théâtre d’une manifestation de la diaspora hostile au régime en place, au Trocadéro ce samedi. D’autres animosités sousjacentes étaient venues se greffer à cette tumeur qui a gangréné la santé déjà mal en point des rapports entre les deux pays. Comme ces faits divers à caractère meurtrier ayant impliqué, de près ou de loin, des ressortissants français. La sortie médiatique du Garde des sceaux, ministre de la justice, Jhonny Andria­mahefarivo, pour justifier l’incarcération des inculpés, après leur libération au bénéfice du doute par le Tribunal de première instance d’Antananarivo, a été diversement appréciée dans les salons diplomatiques. Relançant les débats à polémiques sur le respect des droits de l’Homme au pays. Sur le même volet mais dans un autre registre, les reportages inquisiteurs de la journaliste Gaëlle Borgia auprès des victimes du kéré, peu appréciés par les autorités malgaches, ont été soutenus par des journalistes et des médias français. Ils ont remis en cause la liberté d’expression à Madagascar. Sur le plan économique, des différends sur certains aspects de la gestion des aéroports d’Ivato et de NosyBe, attribuée sous forme de mise en concession pour 28 ans, par des barons du HVM, au Consortium français Ravinala Airports, constituent aussi des points de frictions entre les deux camps. Sur fond(s) de brouilles financières, dans lesquelles des hommes d’affaires très influents gravitant autour du cercle du pouvoir seraient prêts à défendre, bec et ongle, leurs propres intérêts. Dans les projets de transition énergétique, les profits des grosses firmes françaises sont aussi engagés. Des discussions en haut lieu, par missives interposées, ont marqué la fin du mois de juin. Des diplomates français ont joué les rôles des Vendeurs représentants le placier, VRP, de luxe. Il est attendu des résultats tangibles pour sortir la Jirama des ténèbres. A contrario, au-delà de ces vicissitudes politiques et financières, tel un écheveau difficile à dénouer, la France a montré, ces derniers mois, une générosité inhabituelle à l’égard des heureux bénéficiaires de ses aides financières non-négligeables. À commencer par les damnés de la terre du sud profond. Qui ont obtenu 1,5 millions d’euros à travers des organismes internationaux. Mais d’autres domaines ont été aussi gratifiés. Par exemple, une ligne de crédit importante pour la finance verte. Des donations en équipements à la gendarmerie nationale. Sans oublier que l’Agence française de développement, AFD, a été aussi, avec la Banque européenne d’investissement, BEI, a été la cheville ouvrière de la construction de la Rocade d’Iarivo, « la huitième merveille du monde » pour les habitants de la capitale. Dans ce contexte du « je t’aime moi non plus », la prestation de l’ambassadeur français Christophe Bouchard en ce jour de la « prise de la Bastille » sera suivie avec attention et intérêt. Comme la « réplique malgache ». Escarmouches en présentiel ou à distance…
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