Une conférence, seul, debout, au milieu de la rue, mais pas n’importe laquelle. Le 10 Downing Street, à Londres, au cœur de ce qui fut un empire planétaire sur lequel le soleil ne se couchait jamais. J’aime ce dépouillement. Une démission sans psychodrame, une passation de pouvoirs qui ne se donne pas en spectacle, une prise de fonctions dans la sobriété. Un nouveau Gouvernement formé dans la foulée. Le tout en quelques heures sans le feuilleton lamentable de vaines spéculations et de folles conjectures qui s’étalent dans les journaux, comme si le plus important n’est pas ailleurs. Je déteste ces tables surchargées de fleurs, plus encombrantes que vraiment jolies. Je ne vois d’autre utilité à ces nappes plus ou moins barriolées que de cacher les défauts d’une table sans caractère : le bois, le beau bois, le bois noble, gagne à se montrer et être vu, avec pour seul attirail la patine du temps qui n’a pas de prise sur lui. Je trouve simplement ridicules toutes ces courtisans, plus inutiles les uns que les autres, qui s’agglutinent derrière ou aux pieds de leur Chef. Désapprendre le faste dont nous n’avons plus les moyens, désapprendre l’obséquiosité pour les uns, désapprendre la folie des grandeurs pour les autres. Et ne plus voir un colonel servir de porte-serviette ou tendre précautionneusement la chemise d’un discours dont la quintescence tiendrait sur un post-it. Là-bas, dans cette Europe que le reste du monde regarde en modèle achevé de la démocratie, un scandale politique vient pourtant d’éclater. L’ancien Président de la Commission européenne (2002-2014), Jose Manuel Durao Barroso, a été recruté par la banque Goldman Sachs, pour gérer le contexte de l’après Brexit. Tollé contre le mélange des genres. Indignation outragée que celui qui a dirigé l’Europe se retrouve à conseiller la banque au coeur de la crise financière de 2008 et du trucage des comptes publics de la Grèce. N’empêche, belle recrue pour Goldman Sachs que ce Barroso, avec son profil universitaire déjà, et surtout avec son expérience du plus haut niveau de la politique internationale : Ministre des Affaires Étrangères du Portugal (1992-1995), Premier Ministre et Chef du Gouvernement de son pays (2002-2004), et donc deux fois Président de la Commission européenne. Preuve de sa crédibilité, depuis son retrait de la vie politique, il enseigne dans deux établissements de renommée mondiale, Princeton et l’Institut des Hautes Études Internationales de Genève. Gerhard Schröder, ancien chancelier de l’Allemagne (1998-2005), est devenu président du consortium chargé de la construction du gazoduc destiné à assurer l’approvisionnement direct de l’Allemagne en gaz russe. Avec son homologue Vladimir Poutine, Gerhard Schröder avait soutenu ce projet quand il était au pouvoir. Tony Blair, ancien Premier Ministre britannique (1997-2007), travaille avec sa Fondation à conseiller en bonne gouvernance les dirigeants de huit pays africains (Sierra Leone, Guinée, Libéria, Nigéria, Rwanda, Éthiopie, Kénya, Mozambique). Chris Patten, dernier Gouverneur de Hong Kong (1992-1997), et ancien commissaire européen pressenti pour devenir Président de la Commission européenne, avant que ne s’impose le nom de Jose Manuel Barroso, est devenu Chancelier de la prestigieuse université d’Oxford et également président du BBC Trust. Là-bas, en Europe, ils se plaignent qu’un grand commis de commis de l’État quitte le service public pour rejoindre le privé. Ici, chez nous, si tous les anciens dirigeants avaient quelque crédibilité intellectuelle, et allaient se faire embaucher dans des ONG et autres agences internationales, on pourrait au moins renouveler de facto la classe politique et on ne verrait plus les mêmes têtes qui ont inlassablement ruiné Madagascar prétendre avoir trouvé l’antidote au poison qu’ils lui avaient, eux-mêmes, instillé. Il nous faut trouver du travail à ces politiciens malgaches en mal de reconversion. Par Nasolo-Valiavo Andriamihaja
Une conférence, seul, debout, au milieu de la rue, mais pas n’importe laquelle. Le 10 Downing Street, à Londres, au cœur de ce qui fut un empire planétaire sur lequel le soleil ne se couchait jamais. J’aime ce dépouillement. Une démission sans psychodrame, une passation de pouvoirs qui ne se donne pas en spectacle, une prise de fonctions dans la sobriété. Un nouveau Gouvernement formé dans la foulée. Le tout en quelques heures sans le feuilleton lamentable de vaines spéculations et de folles conjectures qui s’étalent dans les journaux, comme si le plus important n’est pas ailleurs. Je déteste ces tables surchargées de fleurs, plus encombrantes que vraiment jolies. Je ne vois d’autre utilité à ces nappes plus ou moins barriolées que de cacher les défauts d’une table sans caractère : le bois, le beau bois, le bois noble, gagne à se montrer et être vu, avec pour seul attirail la patine du temps qui n’a pas de prise sur lui. Je trouve simplement ridicules toutes ces courtisans, plus inutiles les uns que les autres, qui s’agglutinent derrière ou aux pieds de leur Chef. Désapprendre le faste dont nous n’avons plus les moyens, désapprendre l’obséquiosité pour les uns, désapprendre la folie des grandeurs pour les autres. Et ne plus voir un colonel servir de porte-serviette ou tendre précautionneusement la chemise d’un discours dont la quintescence tiendrait sur un post-it. Là-bas, dans cette Europe que le reste du monde regarde en modèle achevé de la démocratie, un scandale politique vient pourtant d’éclater. L’ancien Président de la Commission européenne (2002-2014), Jose Manuel Durao Barroso, a été recruté par la banque Goldman Sachs, pour gérer le contexte de l’après Brexit. Tollé contre le mélange des genres. Indignation outragée que celui qui a dirigé l’Europe se retrouve à conseiller la banque au coeur de la crise financière de 2008 et du trucage des comptes publics de la Grèce. N’empêche, belle recrue pour Goldman Sachs que ce Barroso, avec son profil universitaire déjà, et surtout avec son expérience du plus haut niveau de la politique internationale : Ministre des Affaires Étrangères du Portugal (1992-1995), Premier Ministre et Chef du Gouvernement de son pays (2002-2004), et donc deux fois Président de la Commission européenne. Preuve de sa crédibilité, depuis son retrait de la vie politique, il enseigne dans deux établissements de renommée mondiale, Princeton et l’Institut des Hautes Études Internationales de Genève. Gerhard Schröder, ancien chancelier de l’Allemagne (1998-2005), est devenu président du consortium chargé de la construction du gazoduc destiné à assurer l’approvisionnement direct de l’Allemagne en gaz russe. Avec son homologue Vladimir Poutine, Gerhard Schröder avait soutenu ce projet quand il était au pouvoir. Tony Blair, ancien Premier Ministre britannique (1997-2007), travaille avec sa Fondation à conseiller en bonne gouvernance les dirigeants de huit pays africains (Sierra Leone, Guinée, Libéria, Nigéria, Rwanda, Éthiopie, Kénya, Mozambique). Chris Patten, dernier Gouverneur de Hong Kong (1992-1997), et ancien commissaire européen pressenti pour devenir Président de la Commission européenne, avant que ne s’impose le nom de Jose Manuel Barroso, est devenu Chancelier de la prestigieuse université d’Oxford et également président du BBC Trust. Là-bas, en Europe, ils se plaignent qu’un grand commis de commis de l’État quitte le service public pour rejoindre le privé. Ici, chez nous, si tous les anciens dirigeants avaient quelque crédibilité intellectuelle, et allaient se faire embaucher dans des ONG et autres agences internationales, on pourrait au moins renouveler de facto la classe politique et on ne verrait plus les mêmes têtes qui ont inlassablement ruiné Madagascar prétendre avoir trouvé l’antidote au poison qu’ils lui avaient, eux-mêmes, instillé. Il nous faut trouver du travail à ces politiciens malgaches en mal de reconversion. Par Nasolo-Valiavo Andriamihaja