Code de la communication - Le Sénat persiste avec son amendement


La Chambre haute a rejeté l’amendement proposé par les députés. Pour elle, le directeur de publication doit absolument être le propriétaire, ou au moins, l’actionnaire majoritaire de la société. Les sénateurs ne cèdent en rien. Alors que les députés leur avaient donné une chance de revenir sur une décision controversée, ils ont préféré persister dans leur amendement. Ainsi, la Chambre haute, à majorité Hery vaovao ho an’i Madaga­sikara (HVM), maintient que le directeur de publication doit être le propriétaire ou l’actionnaire majoritaire de l’organe de presse. Ses membres semblent avoir bouché les oreilles au tollé généré par cette disposition, aussi bien chez les patrons de presse regroupés au sein du Groupement des éditeurs de presse d’information et multimédia de Madagascar (Gepimm) que chez les journalistes. Ils n’ont évidemment pas tenu compte des requêtes de l’Ordre des journalistes qui, à leur demande, est venu expliquer les tenants et aboutissants du projet de loi devant les commissions chargées de la Commission et des questions juridiques. Dans son premier communiqué de protestation contre le projet de code de la communication, le Gepimm avait, notamment, dénoncé une contrainte qui « remettrait en cause la liberté d’entrepreneuriat », et qui « représente une forme de menace directe pour les investisseurs opérant dans le domaine des médias ». « À moins que l’État ne souhaite décourager les propriétaires et porter atteinte à la pluralité d’opinions, au détriment de la démocratie », poursuit le groupement. Les risques que les dirigeants utilisent le code de la communication contre leurs adversaires politiques propriétaires des médias sont élevés avec cette disposition. Représentant légal de l’entreprise, le directeur de publication peut facilement voir son casier judiciaire « sali » à la moindre condamnation pour délit de presse. Ce qui pourrait constituer un obstacle à sa carrière politique. Or, le code de la communication étant volontai­rement vague dans ses dispositions, condamner le directeur de publication est très facile d’autant que les faits pouvant être qualifiés de délits de presse, mentionnés dans le projet de loi, sont très nombreux. Diversion Les journalistes, eux aussi, ont contesté avec force cette disposition qui légaliserait l’immixtion du politique dans le contenu des journaux. En effet, des patrons qui, au-delà de la définition de la ligne politique d’une publication, ne s’étaient jamais intéressés au contenu du journal, risqueraient de s’intéresser de près à ce que leur organe de presse publie, et renforcer ainsi la pression sur les journalistes qui risquent d’en perdre leur indépendance. Lors des travaux de commission auxquels ils avaient pris part, à la demande des sénateurs, quelques mem­bres du Conseil de l’ordre des journalistes avaient tenté de raisonner le Sénat, mais en vain. « Nous leur avons demandé de voir ce qu’ils peuvent faire par rapport à la situation actuelle, dans l’intérêt du pays », confie Gérard Rakoto­nirina, président de l’Ordre des journalistes de Madagascar (OJM). Le maintien de l’amendement proposé par les députés sur l’article relatif au directeur de publication figurait justement parmi les requêtes de l’OJM. À moins qu’il ne s’agisse d’une stratégie pour gagner du temps, de manière à ce que le projet ne soit pas adopté avant la fin de la session extraordinaire, le Sénat, à majorité Hery vaovao ho an’i Madagasikara (HVM) semble donc suivre l’Exécutif dans sa détermination à croiser le fer avec le monde des médias. Pour faire diversion et pour montrer un semblant d’ouverture au dialogue, le président du Sénat, Honoré Rakotomanana avait affirmé que les commissions chargées d’examiner le texte au Sénat étaient prêtes à rencontrer les journalistes pour discuter de ce qu’il était encore possible de faire. D’aucuns savent pourtant que, selon le système de la navette parlementaire, en deuxième lecture, le Sénat n’a que le droit de toucher aux dispositions amendées par l’Assemblée nationale. Il n’est néanmoins pas exclu que le Sénat, en retouchant l’article 85, ait volontairement rallongé le processus pour qu’au douzième jour, fin obligatoire de la session extraordinaire, les députés n’aient d’autre choix que d’ajourner l’adoption du texte. Le gouvernement pourrait alors profiter de cette porte de sortie pour retirer officiellement le texte, et reprendre les discussions comme les parties prenantes à l’élaboration de l’avant-projet de texte l’ont maintes fois sollicité. Bodo Voahangy
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