Le code de la terreur


Les autorités ont une peur bleue des internautes et des utilisateurs des réseaux sociaux. Ils n’insisteraient pas autant pour maintenir en vigueur l’article 20 de la loi sur la lutte contre la cybercriminalité, sinon. Avec cette épée de Damoclès suspendue sur leur tête, les internautes réfléchiraient à deux fois, et tourneraient sept fois leurs pouces avant de se mettre à poster des commentaires, des statuts et des articles particulièrement critiques à l’encontre des corps constitués, des hauts fonctionnaires ou des agents publics. Il faut dire que les peines prévues sont particulièrement sévères. Sous la menace de « deux à cinq ans de prison et/ou 2 millions à 100 millions d’ariary d’amende » pour un mot de trop qui pourrait déplaire à un représentant de l’autorité, ils se sentiraient moins à leur aise, et moins confortables devant leur clavier et leur écran. Et comme ce serait bizarre de s’en prendre uniquement aux utilisateurs d’Internet et de tout autre support électronique, les peines s’étendent à quiconque serait tenté de « diffamer et d’injurier » ces « personnalités particulières » via tout autre support : parole, écrit, audio-visuel et autre. Les magistrats peuvent évidemment décider de n’appliquer que les dispositions mentionnées dans le Code de la communication lorsque celui-ci sera adopté et sera parallèlement en vigueur avec la loi sur la lutte contre la cybercriminalité. La diffamation et l’injure ne sont passibles, selon ce projet de texte, que de peines d’amendes variant entre 1 million et 6 millions d’ariary. Mais le fait d’avoir écarté du projet de loi sur le code de la communication la disposition spécifiant l’abrogation de l’article 20 de la loi sur la lutte contre la cybercriminalité n’est ni plus ni moins qu’un moyen de faire peur aux citoyens et de semer la terreur dans le milieu des internautes. Il y a dans les dictionnaires et les lexiques de science politique une expression pour désigner l’État qui utilise la terreur sur sa propre population comme méthode de gouvernement. Mais dire de l’État aujourd’hui qu’il est un État terroriste risque bien d’être qualifié comme une diffamation, et donc passible de prison et d’amende, tel que prévu par l’actuelle loi sur la communication encore en vigueur, mais aussi par le fameux article 20. Alors, autant ne pas le dire. Mais comment alors qualifier un État qui n’hésite pas à menacer d’amende allant jusqu’à 6 millions d’ariary quiconque aura porté atteinte à la vie privée des personnes assumant des fonctions et un rôle politique sauf si les informations rendues publiques compromettent la morale publique et/ou constituent une menace pour la santé publique ?  Ne constituent même pas des exceptions les informations d’intérêt public parce que pouvant présumer d’une utilisation abusive des deniers publics, ou pouvant avoir un impact sur la manière de diriger un pays, tel l’état de santé du chef de l’État, pourtant motif clair d’empêchement … Révéler, indirectement, que la cadette du chef de l’État âgée de moins de dix ans vit à Paris en rapportant dans les médias le crochet parisien purement personnel, familial et privé fait à l’issue d’un voyage officiel : est-ce porter atteinte à sa vie privée ou pas ?  Parce que cette information ne compromet en rien la morale publique ni ne constitue une menace sur la santé publique. Et ces dessins de presse caricaturant une Première Dame passionnée de shopping portent-ils atteinte à la vie privée ou pas  ? Un hobby, une passion, tout cela ne relève-t-il pas de la vie privée ?  Quand bien même ce serait une addiction, ce n’est pas pour autant que la morale en serait compromise ou que la santé publique en serait menacée. Cela, évidemment, pourrait avoir un impact sur le mode de gestion d’un pays, mais dès l’adoption en l’état du projet de code de la communication, révéler tout cela, et en faire état seront
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