Parti-pris de lecture


Le jardin d’Antaninarenina avait accueilli la 15e «Foire du Livre», la première semaine de ce mois de mai (29 avril au 4 mai). L’esplanade de la stèle de l’indépendance (pourquoi d’ailleurs, la stèle de Madagascar passe derrière le buste du premier Président de la République sinon en un excès de courtisanisme qui n’a rien de républicain) semble bien étroite pour un évènement dédié au Livre et ç’aurait été une occasion pour la Culture Majuscule de réinvestir tout ou partie de l’escalier qui descend vers Analakely et la librairie Antso, voire plus loin l’Espace Rarihasina. Il y a une trentaine d’années, époque de mon «SN» (service national), je me souviens «investir» mon pécule de 12.000 FMG dans l’achat de livres d’occasion dont l’escalier dit Lambert était alors la foire permanente. Aujourd’hui, ce qui y subsiste de «culturel» sont ces cadavres de machines à écrire dont certaines peuvent intéresser les collectionneurs ou les nostalgiques. Prediff, Éditions Jeunes Malgaches, CMPL, éditions Ambozontany-Analamahitsy, Librairie Mixte, éditions Tsipika-Jurid’ika, librairie Mille Feuilles : sans ces acteurs-là, l’édition malgache serait encore exclusivement centrée sur la Bible et la relecture évangélique. Une approche plus...proche du zèle missionnaire du 19ème siècle que de ma «certaine idée» du 21ème siècle. Cette «certaine idée», mais sans doute l’est-elle uniquement de l’acculturé que je suis, on pouvait la rencontrer au 39ème salon du Livre, à Paris. Évènement culturel majeur (160.000 visiteurs nous annonce-t-on), dont l’Europe était cette année l’invitée, mais qui a vu la participation de 50 pays. Signe de la visibilité internationale de ce salon, les Émirats arabes d’Abu Dhabi y étaient présents via un stand du Ministère de la Culture et du Tourisme. Que cela soit dit : il n’y a pas que du sable et du pétrole à Abu Dhabi. Pour la 40e édition de 2020 (20-23 mars), l’invitation d’honneur a déjà été lancée à l’Inde. Il y avait 450 stands à Paris, mais, mon parti-pris culturel et patrimonial m’arrête très arbitrairement chez trois d’entre eux. Les Éditions 303 : «maison d’édition dédiée à la culture, les éditions 303 publient des ouvrages consacrés au patrimoine et à la création contemporaine. Avec plus de 250 titres, son catalogue contribue à la connaissance des Pays de la Loire. Les éditions 303 éditent depuis plus de trente ans la revue trimestrielle culturelle : “303 arts, recherches, créations”, à la fois magazine, livre d’art et publication scientifique». Les éditions «À propos» : «font le pari de publier des ouvrages dans le domaine de l’art, de l’histoire de l’art et du patrimoine en faisant la part belle à l’illustration et à la photographie (...) Le livre n’est pas pensé comme un catalogue d’images, mais offre un texte au service de l’oeuvre, à la fois accessible et exigeant, pour dire l’essentiel simplement (...) Le souhait de la maison, son ambition même : aiguiser la curiosité, parce que la curiosité est le plus beau des défauts. Et peut-être amener le lecteur non spécialiste à d’autres lectures, d’autres recherches». La revue et les «Éditions Caractères» ont publié les oeuvres de quelques-uns des plus importants poètes de notre temps (...) Caractères inscrit à ce jour 9 Prix Nobel à son catalogue. Depuis 1949, les Éditions Caractères s’efforcent de défendre les valeurs culturelles de l’humanité menacées par les périls de la violence, du profit et de l’ignorance. Mention spéciale à «Paulhan Claire Éditions» qui édite les «Cahiers de la Société des Lecteurs de Jean Paulhan». Cet auteur est une célébrité méconnue d’un genre littéraire particulier à l’Imerina, les Hainteny. En juin 1991, l’Alliance française de Madagascar, avec les éditions Foi et Justice, avait re-publié le recueil bilingue des «Hain-Teny» traduits par Jean Paulhan en 1913. Envoyé par le Ministère de l’Instruction publique, Jean Paulhan (1884-1968) arrive à Madagascar en janvier 1908, à 24 ans. Préférant la compagnie des Malgaches à celle de ses élèves français ou de ses collègues, dès juin 1909, il obtenait son brevet de malgache, ayant par ailleurs appris les Hainteny par la stricte oralité. Guère apprécié par l’administration coloniale, Jean Paulhan quittera Madagascar dès 1910, pour ne plus avoir l’occasion d’y revenir, mais il enseignera le malgache aux «Langues O’» ou apprendra la conduite automobile aux soldats malgaches mobilisés par la guerre de 14-18. En 1912, il avait déposé à La Sorbonne deux sujets de thèse de doctorat sur les Hainteny, mais il ne soutiendra jamais sa thèse. Élu à l’Académie française en 1963, il disparaît cinq ans plus tard.
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