Les coolies, ascendants de la communauté chinoise de Madagascar


Quatre vaines tentatives ratées de migration de la main-d’œuvre chinoise, une dernière expérience en 1901 dans le cadre des chantiers du chemin de fer et d’autres projets de travaux publics. Ces deux essais préconisent l’emploi « pour moitié d’ouvriers étrangers, pour un quart d’ouvriers malgaches appartenant à des régions autres que celles où s’exécutent les travaux, et le dernier quart des prestataires utilisés dans leur région d’origine » (Léon M. S. Slawecki, L’origine et la croissance de la communauté chinoise à Madagascar, Bulletin de Mada­gascar, mai 1969). Mais « la suppression de la prestation est encore venue compliquer le problème », indique le colonel Roques, directeur des Travaux publics. Sous forte pression des colons, Gallieni est contre l’usage de la main-d’œuvre locale sur les chantiers du chemin de fer. Et à la demande générale, le ministre français des Colonies envoie en 1900, une mission en Extrême-Orient pour étudier, entre autres, la question de la main-d’œuvre. Elle rentre ravie et signe un projet de contrat avec un entrepreneur français dans le port de Fou-Tcheou, dans la province de Fou-Kien, pour l’envoi de 1000 coolies pour une période de trois ans. Sur ces 1 000 ouvriers, seuls 764 débarquent, le 27 juin 1901. L’administration coloniale espère qu’ils seront employés par des colons et des sociétés privées, mais il y a « une abstention… qui s’explique par la majoration sensible du prix de revient des coolies résultant des clauses nouvelles stipulées à Fou-Tcheou ». Ainsi, sur les coolies arrivés, seuls 319 travaillent en fait dans les chantiers de la ligne ferroviaire, le reste étant embauché soit par les Travaux publics soit par le service de l’Agriculture: 200 dans la région de Fianarantsoa, 100 à Toamasina (route d’Ivoloina), 50 à Mahajanga, 19 à Ambositra, 36 du côté d’Ambanja, 20 à Betafo et 22 dans l’Agriculture. Une fois encore, l’échec est total et les coolies sont rapatriés en avril 1902. Gallieni commente : « Ces hommes provenaient de la partie la moins saine et la moins laborieuse de la population de Fo-Khien ; forts de leur contrat d’engagement et sachant bien qu’on ne pouvait les contraindre au travail, ils étaient venus à Madagascar avec la ferme intention de travailler le moins possible ; ainsi animés d’un très mauvais esprit, ils se montrèrent paresseux, querelleurs, indisciplinés, d’un maniement difficile, parfois même dangereux pour leurs employeurs qui ne purent leur faire produire aucun résultat utile. » Il admet cependant que, comparés aux autres groupes de travailleurs, Hindous, Somaliens…, « on trouve que les coolies chinois ont été les plus éprouvés… La situation sanitaire ne fut pas meilleure. Sur 112 hommes, il en est mort en huit mois 33 (29,4%) et le dernier jour, 25 restaient encore en traitement à l’hôpital » (Rapport sur la main-d’œuvre chinoise à Madagascar, Revue de Madagascar, 2e trimestre, 1904). Léon Slawecki fait remarquer que de nombreux auteurs sont d’accord sur un fait de l’origine coolie des Chinois de Mada­gascar. Pour Baron, « ils sont pour la plupart arrivés dans l’ile comme coolies pour la construction de la ligne de chemin de fer… Ceux qui ne moururent pas de fièvres, ne tardèrent pas à quitter les chantiers pour aller ouvrir des boutiques dans la brousse ». Guérin reconnait les difficultés des différents essais, mais souligne que parmi les derniers coolies, certains « quittent les chantiers du chemin de fer et tentent leur chance dans la brousse où ils se livrent au petit commerce. Les déserteurs continuent malgré les mesures prises par le gouvernement, formulées dans une circulaire du 30 septembre 1901, tendant à interdire l’emploi des déserteurs et à favoriser leur retour sur les chantiers. Cette seconde expérience échoue et en 1902, le rapatriement des travailleurs est effectué à l’exception de ceux qui se sont installés dans la brousse ». Bardonnet trouve qu’en 1896-1897, « il est probable qu’un certain nombre de coolies ont abandonné les chantiers de travail pour faire du commerce ». Des coolies de 1901, « un nombre important d’entre eux avaient déserté en cours de contrat, les chantiers de chemin de fer, soit pour se placer individuellement chez d’autres employeurs, soit le plus souvent pour tenter leur chance en brousse dans le petit commerce de détail ». Enfin, Donque souligne : « Cependant, les déserteurs des deux campagnes successives s’étaient éparpillés dans la zone côtière orientale, ouvrant de minuscules commerces dans la brousse, et ils constitueront un noyau initial au Chinois de Madagascar… » Texte : Pela Ravalitera - Photo : Internet
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