La colonisation, une doctrine à des fins économiques


Si les Français croient, en décembre 1897, que l’ancien Royaume de Madagascar est définitivement reconquis, de graves révoltes prouvent très vite le contraire. L’année 1898 est marquée par la recrudescence des activités d’Ingereza dans le Menabe et de ses alliés Bemazava dans le Sambirano. Puis, l’Ankaizina se révolte à son tour. « Les guérillas, grâce à l’appui de miliciens malgaches qui avaient rejoint les insurgés, ne furent vaincues qu’au début de 1899 dans le Nord-est, et l’année suivante seulement (avril 1900) dans le Menabe » (Histoire de Madagascar pour les élèves de Terminale, 1967). Dès 1897, l’occupation d’Ihosy, d’Ivohibe, de Ranohira parait stabiliser les Bara du Nord. La résistance des Bara-Be, des Bara Iantsantsa et surtout, celle de leurs alliés, les Tanala de l’Ikongo, se prolonge toute l’année. Le chef tanala, Andriampanoha, résiste jusqu’en 1901, le Bara Inapaka se fait tuer, les armes à la main, en 1905. Le commandant Lyautey, promu commandant supérieur du Sud par le gouverneur général Gallieni en 1900, s’installe à Fianarantsoa. L’unité du commandement à un échelon aussi élevé est indispensable à l’achèvement de la conquête, soulignent les auteurs de l’ouvrage d’histoire. La configuration du pays et la forêt du Sud-est rendent, en effet, la résistance plus facile. « Il ne fallut pas moins de deux années au remarquable officier qu’était Lyautey pour mener à bien cette mission. » Plus qu’ailleurs, la méthode de progression lente préconisée par Gallieni est mise en œuvre dans cette région. Les Andrabe et les Tanala sont poursuivis dans la forêt et leur reddition marque « momentanément » l’arrêt de la résistance dans le Sud-Est. Parallèlement, les pasteurs étant tributaires d’une nature peu généreuse, l’occupation des points d’eau les oblige à accepter une sorte de protectorat. La personnalité des chefs, les relations et les engagements de personnes sont « plus efficaces que les manifestations de puissance ». L’insurrection de 1904 est le dernier sursaut de la résistance nationaliste. Les abus de la colonisation provoquent une révolte qui éclate, presque simultanément, à Amparihy, Midongy, dans l’Anosy, à Begogo d’où elle gagne les Bara d’Ivohibe et les Tanala d’Ikongo. « Le sacrifice du Caporal Kotavy, la plus grande figure de l’insurrection, ne fut pas inutile. » Au cours de la dernière année de proconsulat de Joseph Gallieni, notamment, cette révolte incite les colons et l’Administration à respecter plus fidèlement les directives de la « Pacification ». Madagascar entre alors dans l’ère de la colonisation proprement dite avec l’organisation du système. D’après les auteurs de l’ouvrage d’Histoire de 1967, les principes de la colonisation découlent d’une véritable doctrine, dont les fins sont essentiellement économiques. Comme le pense Gallieni, « les colonies françaises sont faites pour les colons français », un principe communément admis à son époque en Europe. Ce qui explique les mesures prises dès 1897, en matière de commerce. Ainsi l’élimination de la concurrence internationale s’obtient par un protectionnisme qui frappe les produits étrangers de droits de douane. En revanche, les produits français pénètrent en franchise. Ce qui pénalise les consommateurs locaux. Les étoffes américaines, moins chères que les françaises avant 1896, ne se vendent pratiquement plus sur le marché malgache. « Cette renaissance du Pacte colonial, entraine une montée générale des prix pour les produits fabriqués, importés exclusivement de la Métropole. » À l’intérieur, les commerçants français et les compagnies françaises contrôlent le commerce, telles la Compagnie Lyonnaise en 1897, ou la Compagnie Marseillaise en 1898. Les autorités françaises déclarent à Gallieni que la Colonie doit se suffire à elle-même. Pour le gouverneur général, « c’est une situation de pauvreté ». Elle rappelle singulièrement, celle de Rainilaiarivony après 1885 : la suppression des droits de douane pour les produits français, alors que l’équipement du pays demande des capitaux et des efforts considérables, oblige à pratiquer une politique fiscale particulièrement lourde. Avec la libération des esclaves, le 6 août 1896, et l’abolition de la féodalité décidée l’année suivante, l’égalité des Malgaches s’établit, une égalité qui s’installe dans le contexte de la situation coloniale. « Les Malgaches sont des sujets français, mais non des citoyens (…) ils n’ont aucun droit politique. » Et cette sujétion des Malgaches comporte des obligations qui différencient le sujet, c’est-à-dire les colonisés, des citoyens.
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