Tendances - La grande bataille du fast-food


La restauration rapide constitue un marché de niches, avec une marge de progression constante. Servie sur un plateau d’argent par une population composée en majorité de jeunes obnubilés par le rêve américain, elle a su s’adapter aux saveurs locales jusqu’à, parfois, n’avoir plus rien à envier des standards occidentaux du fast-food. Quick, Kendyworld, Burger King… À contrario, et aussi paradoxal que cela puisse paraître, ce sont les grosses enseignes planétaires qui peinent aujourd’hui à s’implanter dans la Grande île ! PAYS jeune aspirant à un avenir meilleur, Madagascar devient un terreau prometteur en termes de restauration rapide. En témoigne de cet engouement latent l’ouverture d’une multitude d’enseignes de fast-food à travers l’île. Du simple snack mobile à la pizzéria ayant pignon sur rue, il s’agit un business local plutôt florissant où le client ne fait jamais défaut. En familles ou entre amis, beaucoup adorent passer de bons moments ensemble autour de la bonne bouffe, scellée en deux temps, trois mouvements, sous des emballages reflets d’un concept marketing bien senti. Dans un pays où la moyenne d’âge des habitants se situe aux alentours de 19 ans (contre 40 ans en Europe), commander un burger, c’est, en quelque sorte, comme s’attabler avec le rêve américain dans un décor au néon de série TV. Cela peut paraître incongru de consommer du superflu dans un pays qui, chaque année dans le Sud, connaît encore la famine qui sévit aujourd’hui même. Mais il s’agit d’un phénomène à la mode, il est difficile de s’en échapper. Avec les incontournables selfies à partager sur les réseaux sociaux. Certes, le pays est connu pour la variété de ses arts culinaires, avec ses traditionnels « ravitoto sy henakisoa » (feuilles de manioc pilées et viande de porc) et autres romazava (pot-au-feu aux brèdes), mais le type de consommation signant aussi un style de vie, c’est vers la pizza et le poulet-frites que le nouveau goût urbain semble pencher. Avec d’autres variantes comme le tacos, le kebab. Les « composés » et autres soupes déclinées à tous les ingrédients (œufs, légumes, pieds de bœufs, poulet… ) ne sont pas en reste. Pour les petites bourses, ici le ratio quantité/prix trouve son compte. Signes d'intérêt Le marché malgache offre un tel potentiel d’expansion que de grandes enseignes internationales commencent à montrer un appétit plus ou moins glouton. Dès les années 2000, de grosses firmes comme Quick (208 millions de consommateurs dans le monde) et Kendyworld ont commencé à tâter le terrain et à envoyer leurs experts et émissaires à calculettes avant de se rétracter. Sans doute refroidies par l’instabilité sociale et politique. Et l’incertitude sur le pouvoir d’achat fragile et précaire des Malgaches. Quick, qui se pose comme le rival auto ­proclamé « européen » de la chaîne américaine Mac Donald's, envisage de se poser à Madagascar dès 2004, avec l’objectif d’ouvrir deux restaurants dans la capitale pour 2006. Il a été alors évoqué un investissement d’un million d’euros qui aurait dû générer deux cent emplois. Mais le projet n’a pas abouti à quelque chose de concret. C’est l’année dernière que le géant américain KFC a décidé de s’implanter dans le quartier chic de Tana Water Front d’Ankorondrano, serti par des grands magasins, des boutiques de luxe et des banques. Le succès est tel que KFC a déjà ouvert son second restaurant. Retour sur investissement Pou raccompagner en amont cet essor assez surprenant de la restauration rapide, des structures de financements spécialisées existent. Par exemple, en décembre 2018, Miarakap, la Société d’investissement à impact dédiée au financement et à l’accompagnement des petites et moyennes entreprises, est même allé jusqu’à injecter un financement de 400 millions d’ariary (99 000 euros) dans le capital de Chicky, une chaîne qui fait déjà tourner trois restaurants en trois ans d’existence. « Si nous entrons dans le capital de Chicky, nous avons la certitude d’obtenir un retour sur investissement. Le marché existe et demeure en expansion jusqu’à maintenant», confie Emmanuel Cotsoyannis, directeur général de Miarakap. En une décennie, d’autres chaînes se sont déployées dans la capitale et dans les provinces. Ainsi calqués sur le modèle de La Gastronomie Pizza, par exemple, Extra Pizza, Pizza Mania, Presto Pizza et Crêpe H&H quadrillent le terrain. S’il est quasi impossible d’obtenir des chiffres précis sur leurs activités (chiffres d’affaires, impôts sur le bénéfice, IRSA), tout porte à croire que tout baigne dans l’huile. La reprise après le confinement à l’approche des fêtes de fin d’année leur permettra de rattraper le temps perdu dans la lutte contre la pandémie du coronavirus. Mais dans ce marché devenu très concurrentiel, il est acquis qu’il y a encore à boire et à manger pour tout le monde. Clientèle jeune, budget réduit Les jeunes Malgaches « de la bonne société », allons-nous dire, sont accros aux pizzas, sandwiches, hamburgers, tacos, frites, qui donnent la sensation et l’illusion de vivre les réalités du rêve américain. Mais tels qu’ils sont, en général, avec leur budget, collégiens, lycéens et étudiants ne mènent pas large. Selon les responsables de restaurants et points de vente que nous avons consultés, ils consomment en moyenne entre 20 000 a et 35 000 ariary par commande. Étant entendu qu’une pizza ou un hamburger se vend à partir de 12 000 ariary . « Mais ce n’est pas tous les jours. S’offrir une pizza est un événement toujours un peu spécial, lié à la fête. C’est cher, mais en se cotisant, ça reste accessible », confie ce groupe d’étudiants en train de se partager une Margherita à la terrasse d’un snack d’Ankatso. Entre la pizza à 12 000 ariary et le bon vieux «vary sy laoka»,plat de riz, de papa à 4 000 ariary , le changement d’attitude, de siècle et de mœurs, saute aux yeux. Le fast-food, parfois appelé « junk-food » (malbouffe), est souvent critiqué par les professionnels de la santé. À Madagascar, où l’obésité ne fait pas encore figure de « mal du siècle », les amateurs de restauration rapide mettent en avant le plaisir gustatif et le côté « in » de leurs affinités favorites. Et ce ne sont pas les restaurateurs qui vont les contredire, affirmant avec conviction et détermination qu’ils utilisent des produits bio, sans hormones de croissance ni produits chimiques ajoutés. Comment peut-on les juger sur pièces ?
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