Les grands peuples du Sud profond


Près des Bara, toujours dans le Sud-ouest, se situe le pays des Mahafaly, entre la mer et les fleuves Onilahy et Menarandra. D’après Chapelier, leur nom qui se dit, au début du XIXe siècle, Antemahafale a une origine assez incertaine. En 1845, Guillain écrit : « Ce pays était jadis nommé Tsianaka (pas d’enfants ou de sujets, ou sans chef) lorsque plusieurs hommes blancs y arrivèrent… sous la conduite de l’un d’eux, dont le souvenir s’est perpétué sous le nom d’Andria­nalimbe. Cet homme parvint à faire reconnaître son autorité sur tout le pays qui fut alors appelé Mahafali (lieu sacré, respecté, fortuné) par allusion à l’heureuse destinée que leur promettait la venue du chef blanc. » Quarante ans plus tard, Alfred Grandidier, dans son Histoire de la Géographie, fait remarquer que le nom signifie aussi bien « rendre heureux » que « rendre tabou ». D’après lui, certains Malgaches disent que la province a été autrefois très riche en bétail et métaux provenant des nombreux navires naufragés et qu’en raison de cette abondance de biens, leurs ancêtres l’ont appelée Mahafaly, qui rend heureux. D’autres, au contraire, ajoute-t-il, racontent que quand les Maroseranana s’emparent du pays, leur chef Andriambe ou Andrianalimbe, tombant malade, vit dans une retraite absolue sur l’ordre de ses « ombiasy » (devins, tradipraticiens). Pour son peuple auquel il est « faly », il est défendu de l’approcher et de le voir. C’est pourquoi le pays est alors appelé Mahafaly ou tabou, ou encore « la cause de ce qu’on ne peut voir le chef ». En 1898, Berthier qui rapporte ces diverses interprétations, évite de conclure. En 1902, Jakobsen, en décrivant le culte d’Andriamaro, idole célèbre des Mahafaly, raconte que jadis, celui-ci a coutume de prendre des formes humaines et d’apparaître comme un homme parfaitement vivant. « Nul étranger ne pouvait alors s’aventurer dans le pays sans qu’il lui en coûtât la vie.» De là, sans doute, vient le nom de la région, le mot faly signifiant « interdit, inaccessible, inviolable ». Plus tard, l’idole aurait abandonné le pays à son propre sort. C’est pourquoi, les Français peuvent s’y installer. En 1903, le capitaine Vacher précise que le nom « qui rend heureux » est sûrement donné par un Maroseranana, Tsimanandy, qui conquiert la région appartenant à la reine karimbola Andrianjoa. En 1930, Julien déclare : « Le mot mahafaly, pris étymologiquement, signifie ceux-qui-usent-de-tabous, mais nous avons lieu de penser qu’à l’origine, l’expression purement bantoue mahafaly visait la richesse bovine du pays. » Et en 1951, le père Tastevin y voit également une origine africaine et le traduit par « les joyeux, les hommes contents d’eux-mêmes ». Raymond Decary signale aussi, qu’à une époque ancienne, le pays aurait porté le nom d’Ambondrombe, où il y a beaucoup de joncs. « L’affirmation viendrait à l’appui de la théorie du dessèchement progressif de l’Extrême-Sud de Madagascar. » Extrême-Sud qui, entre le Menarandra et le Mandrare, est peuplé d’Antandroy. Le vocable est emprunté à la nature épineuse de la végétation. Comme le décrit Raymond Decary, roy en dialecte local signifie épine, plus spécialement l’aiguillon de certaines mimosées épineuses. Les Antandroy sont donc « les gens (du pays) des épines ». L’auteur ajoute que cette étymologie est confirmée par l’aphorisme local : « Longo Tandroy sy raiketa » ou les Antandroy sont parents avec les raquettes (cactus épineux). Ce qui contredit le père Tastevin qui donne au mot une origine africaine avec comme sens « ceux qui ont de la tête, des êtres de bon sens ». Pour Decary, l’explication « épineuse » est plus exacte à tous points de vue, surtout si l’on songe que « les Antandroy forment la peuplade la plus primitive de Madagascar ». Toutefois, le nom même des Antandroy est assez récent. Flacourt en parle sous le nom d’Ampâtres. Le mot Antandroy paraît pour la première fois dans le livre de Drury. À la suite d’un naufrage du côté du Cap Sainte-Marie, le voyageur anglais est réduit en esclavage par un roi de la contrée. C’est en 1729 qu’il fait le récit de sa captivité.
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