Justice - Les magistrats reconnaissent un déficit de communication


La communication, un art que toute entité publique doit nécessairement maîtriser en ces temps hyper-connectés et hyper-digitalisés. Une compétence qui fait sérieusement défaut à la Justice comme le reconnaissent les magistrats. Insuffisance, lenteur, tergiversation, inertie. Des mots qui découlent du constat fait durant à l’issue du symposium des magistrats, au Centre de conférence internationale (CCI), Ivato. Un constat accablant au sujet du déficit de communication de la Justice, vis-à-vis du public. Les magistrats ont clôturé leurs deux jours de symposium, hier, en début de soirée. Un rendez-vous durant lesquels, il était en principe question de cogiter sur le thème: «La magistrature malgache face aux attentes des usagers de la Justice». Cinq commissions équivalentes à cinq sous-thématiques. La commission numéro 4 a discuté sur «les magistrats et société médiatisée». Une problématique pour le monde judiciaire et particulièrement, pour la magistrature à entendre la synthèse des travaux de commission. «La communication est très insuffisante». C’est avec ces mots que la rapporteure des travaux de la commission numéro 4 attaque la rubrique «communication publique». Un fait criant. Une faille énorme, également, en ces temps où l’immédiateté de l’information est devenue la règle, avec l’essor des réseaux sociaux et l’accessibilité des nouvelles technologies. «Tandis que nous tergiversons, ce sont les autres, comme les Officiers de police judiciaire (OPJ), ou les simples citoyens qui communiquent les informations avant nous», ajoute la rapporteure. Parmi les soucis soulevés comme cause de ce manque criant de communication, est de ne pas savoir à qui se référer auprès du ministère de la Justice et de quelle manière le faire avant de communiquer sur une affaire. Comme il a été rappelé, cependant, la communication publique de la Justice est régie par un arrêté ministériel. Ce texte en vigueur depuis quelques années prévoit que ce soit le procureur général ou le procureur de la République qui sont chargés de communiquer à la presse sur les affaires publiques. Bien qu’il y ait cet arrêté ministériel, pourtant, rares sont les responsables du ministère public qui se prêtent au jeu de la communication publique. Souvent, une forte pression de l’opinion publique, ou une instruction ministérielle est nécessaire avant qu’un procureur se décide à s’exprimer sur une affaire. Hormis une poignée de juridiction, ou entité judiciaire, les journalistes se retrouvent souvent devant une porte close. Un équilibre à trouver La presse a, entre autres, été pointée du doigt dans les travaux de commission des magistrats. Une reproche repris par François Rakotozafy, ministre de la Justice, durant une brève interview en marge de la cérémonie de clôture du symposium. Les journalistes s'empressent de publier des informations «incomplètes voire fausses», sur des affaires judiciaires. À l’ère de l’immédiateté de l’information, les magistrats reconnaissent que, dans la plupart des cas, la Justice est dépassée par les événements. Aussi, le refus de certains responsables de parquet de communiquer, ou d'obliger les journalistes à passer par une multitude de procédures, ou attendre des heures ou le lendemain avant d’obtenir une interview est incongrue. Avec le retard des explications officielles du ministère public, la presse traditionnelle se retrouve aussi étouffée par les polémiques et commentaires sur les réseaux sociaux. Considérer les aptitudes en communication comme critère de désignation d’un procureur a, ainsi, été suggéré par la commission numéro 4. La synthèse orale des résolutions du symposium d’Ivato souligne, d’autant plus que «l’obligation de réserve ne saurait alors entraver l’impératif de communiquer, lequel est la clé pour éviter le lynchage via les réseaux sociaux, des magistrats». La magistrature a, par ailleurs, profité du symposium pour faire des propositions contre ce qu’ils qualifient de «lynchage médiatique». Une levée de bouclier contre les virulentes critiques de l’opinion publique à l'encontre des décisions judiciaires et dans certains cas, notamment sur les réseaux sociaux, des reproches dirigés directement contre des magistrats, a été faite. Ces situations découlent, dans la plupart des cas, d’une appréhension sur l’impartialité de la Justice, ou un sentiment d’injustice face à une décision judiciaire. Outre un engagement pour intensifier la lutte contre la corruption, le manque de communication est toujours constaté comme une des raisons de ces «lynchages médiatiques». Aussi, dans la commission numéro 4, il a été suggéré que «par respect des usagers de la Justice, il est nécessaire d’expliquer les décisions prises et de les informer de leurs droits s’ils ne sont pas satisfaits». Les magistrats ayant débattu au sein de cette commission numéro 4 concèdent que l’incompréhension des raisons d’une décision judiciaire renforce l’absence de confiance envers la Justice. Il s’agit également d’une question de redevabilité de la Justice en tant que service public, surtout que les tribunaux rendent leur verdict au nom du peuple malgache. La magistrature le reconnaît, il est pratiquement impossible de baliser les publications sur les réseaux sociaux. S’il est suggéré d’édifier un texte pour définir le caractère des affaires sensibles sur lesquelles il faut communiquer, les faits récents indiquent que c’est l’intérêt que leur porte le public qui en est le principal baromètre. Il s’avère nécessaire aussi de trouver une solution à la question du secret de l’instruction et des délibérations. Face à certaines situations, se réfugier derrière ce principe ne suffit pas. Trouver un équilibre entre les règles judiciaires et la soif d’information du public s’impose.
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