L’opinion française s’émeut du problème malgache


Les Notes poursuivent, à partir de ce jour, les séries d’articles qui essaient d’expliquer les raisons de la chute de la monarchie d’Antananarivo, des mouvements nationalistes, des insurrections et la répression souvent sanglante qui s’ensuit, comme en 1947… Ce dernier soulèvement est l’un des évènements qui aboutissent, après une décade de crises internes- tant Outre-mer que dans la Métropole-, analysent les auteurs de l’ Histoire de Mada­gascar destinée aux lycéens des classes Terminales (1967). Comme ils l’expliquent, la guerre d’Indochine se prolonge jusqu’en juillet 1954. La République démocratique du Viêt-Nam acquiert ainsi son indépendance, de même le Laos, le Cambodge et le Viêt-Nam du Sud. En mars 1956, les crises marocaines et tunisiennes se terminent, après cinq années de troubles graves, par l’indépendance du Maroc et de la Tunisie. Et depuis 1954, la guerre d’Algérie se déroule au cœur du Maghreb. En France, « les ministères se succèdent, l’opinion publique s’émeut ». En 1956, un an après la Conférence afro-asiatique de Bandoeng, la Loi-cadre Defferre ouvre aux Territoires d’Outremer le chemin de l’autonomie. À Madagascar, « de longues années d’incertitudes et de deuil succèdent à la rébellion ». En 1953, l’espoir renaît cependant, le nationalisme s’affirme de nouveau. Le refus de transférer en France les parlementaires malgaches et leur procès, provoque, en effet, de graves débats à l’Assemblée nationale. Après la sentence, de nombreux journaux dénoncent des vices de procédures. Et malgré la confirmation du verdict, en juillet 1949, par la Cour de cassation, l’Assemblée de l’Union française, appuyant le Comité de solidarité (Fifanampiana) de Madagascar, obtient le transfert en Corse des condamnés à mort. « L’opinion française n’ignore plus les divers aspects du problème malgache. » Un lourd malaise règne alors dans les communautés, un climat moral douloureux dans lequel les hommes de bonne volonté se recueillent dans l’attente de l’apaisement, soulignent les auteurs de l’ouvrage d’Histoire. Au cours de cette période, les Églises s’efforcent d’empêcher le cheminement de la haine et de vaincre le désarroi, décrivent les mêmes auteurs. La dissolution du Mouvement démocratique de la rénovation malgache, MDRM, est décrétée au lendemain de l’insurrection. Les autres partis, comme le Parti des déshérités de Madagascar, Padesm, perdent leur influence dans le contexte de la crise de conscience générale. La disparition du MDRM, l’internement de ses chefs, ne marquent pas pourtant la fin du nationalisme malgache. Mais, font remarquer les mêmes auteurs, l’histoire des peuples et des nations montre que l’évolution vers la liberté est irréversible. La politique d’assimilation est définitivement révolue dans l’esprit des Malgaches après 1947. « L’irréparable est accompli, l’autonomie, ny fahaleovantena, apparait au plus grand nombre comme la seule voie possible. » De plus en plus nombreux, des Européens acceptent l’idée de cette évolution. En fait, cette période douloureuse est marquée par une prise de conscience plus réaliste des problèmes de la Grande île. Dans les régions périphériques en particulier, les populations sensibilisées par les évènements, s’intéressent davantage aux propos des gens instruits, instituteurs, médecins… « L’unité est en marche. » Toujours d’après les auteurs du livre d’histoire de 1967, ce courant d’idée se matérialise en décembre 1953, dans le Communiqué des Vicaires et Préfets apostoliques de Mada­gascar à tous les fidèles. Se prononçant sur le problème de l’Indépendance et pour répondre à « ceux qui se posent la question de la légitimité de leur désir », le communiqué conclut à « la légitimité de l’aspiration à l’indépendance comme aussi de tout effort pour y parvenir ». C’est également la position du clergé protestant. Depuis l’initiation du Comité de Madagascar en 1951, un mouvement profond se développe en faveur de l’amnistie des condamnés politiques, « mouvement qui trouve en France une audience de plus en plus grande ». Le 8 juillet 1959, lors de la première session outre mer du Conseil exécutif de la communauté, le général Charles de Gaulle prononce à Mahamasina, un discours dans lequel il évoque l’amnistie qui sera réglée « dans l’atmosphère nouvelle et dans celle de la Communauté toute entière ».
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