Recherche «Made in Madagascar»


Cuba est le pays qui produit le plus grand pourcentage de médecins par habitants au monde. Immunologie moléculaire, histothérapie placentaire, ingénierie cellulaire et transplantation d’organes, ingénierie génétique, neurosciences: Cuba a fait de la médecine et de la recherche médicale et pharmaceutique son label d’excellence. À la fin des années 1980, Cuba avait investi le domaine de la recherche pharmaceuti­que et de la biotechnologie, produisant l’Interferon Alfa 2b (1986), le CIMAvax-EGF (2011) ou l’HeberprotP (2016). BioCubaPharma, créé en 2013, va produire le premier vaccin anti-Covid 19 de toute l’Amérique latine. Une excellence en santé publique, médecine clinique, ingénierie génétique et biotechnologique qui épargne aux dirigeants cubains l’insulte d’une évacuation sanitaire pour impéritie locale (cf. «Cuba Salva», Chronique VANF des 4, 6 et 7 juillet 2020). L’Égoïsme des nations Alors que les États-Unis en étaient à 37% de vaccination de sa population et le Royaume-Uni à 45%, l’Europe stagnait à 13% se plaignant de l’insuffisance de doses disponibles pour ses populations alors que, paradoxalement (ou naïvement), l’Europe avait exporté 43 millions de doses (contre 68 millions distribuées aux Européens). L’Union Européenne, qui comptait 448 millions d’Européens à janvier 2020, veut disposer de 2 à 3 milliards de doses de vaccins d’ici la fin 2021. Pour l’instant, BioNTech est capable de produire 750 millions de doses par an sur son site de Marbourg, au Nord de Francfort (l’une des plus importantes au monde pour la fabrication de vaccins ARNm) avec l’ambition de livrer deux milliards de doses du vaccin Pfizer/BioNTech en 2021. Quant au Moderna à destination de l’Europe, il est fabriqué par Lonza à Viège, en Suisse. Il était temps parce que, depuis la mi-mars 2021, le nouveau Président américain Joe Biden, considérant les stocks de vaccins AstraZeneca produits aux États-Unis comme des réserves stratégiques, refuse leur exportation avant que l’ensemble de la population américaine soit vaccinée. Pour alimenter le mécanisme solidaire Covax, l’OMS espère disposer de deux milliards de doses d’ici la fin 2021. On demeure loin d’une vaccination universelle à l’échelle des huit milliards d’humains, d’autant que la recrudescence des cas de Covid sur son territoire a contraint l’Inde à se réserver un quota prévu pour le Covax, afin de privilégier 300 millions de vaccinations nationales jusqu’à juillet 2021. «La pharmacie du monde» Le SII (Serum Institute of India), le plus grand fabriquant mondial de vaccins en volume (jusqu’à 50 millions de doses par mois), avait conclu un accord de sous-licence avec AstraZeneca en juin 2020, pour produire un milliard de doses de vaccins à destination des pays à faibles revenus. Pour le premier semestre 2021, 300 millions de doses devraient profiter à 145 pays via la plate-forme Covax. En novembre 2020, un autre accord de licence était noué entre le SII et Fiocruz, l’organisme public brésilien de recherche, pour la production de 100 millions de doses. Déjà, en août 2020, le Serum Institute of India s’engageait avec l’Alliance pour les vaccins (Gavi) pour produire jusqu’à 100 millions de doses de deux vaccins potentiels, l’un développé par AstraZeneca et l’autre par la société de biotechnologie américaine Novavax. Connaître les termes de l’accord est finalement moins important que de savoir comment arriver à semblable accord. «Gouvernance sanitaire mondiale», «softpower des vaccins»: Les appels à la générosité, pour faire de chaque vaccin «un bien public mondial», se heurteront longtemps encore à la logique marchande (pour ne pas utiliser le bien grand mot de «capitalisme» qui supposerait son pendant peu glamour de «socialisme») et à l’égoïsme des États, sinon des nations. La diplomatie des vaccins L’Inde s’est assignée une «Mission Maitri», ou vaccin de l’ami tié, dans une app roche «Neighbourhood first»: en quatre mois, l’île Maurice (mais également le Sri Lanka, les Maldives, les Seychelles, le Bhoutan, le Népal, le Bangladesh, la Birmanie) a successivement reçu 100 000 doses d’AstraZeneca/Covishield de la part du gouvernement indien; 100 000 autres doses de Covishield auprès du Serum Institute of India; et 200 000 doses de CovaxIn fournies par le Bharat Biotech India. Face à «la pharmacie du monde», surnom de l’Inde qui produit 20% des médicaments mondiaux non brevetés et un quart de la production mondiale de vaccins, il y a donc la promesse chinoise de deux milliards de doses de Sinovac par an: à l’île Maurice, la Chine a renchéri en faisant don de 100 000 doses de Sinovac en attendant une deuxième livraison courant avril 2021. Par leur disponibilité, leur moindre coût et la non-nécessité d’une chaîne de froid complexe, les vaccins indiens, chinois et russes, peuvent faire partie d’une nouvelle stratégie de «diplomatie sanitaire», mais y en aura-t-il jamais assez pour chaque pays qui vivrait d’aumône vaccinale face aux crises épidémiologiques auquel notre mode de vie et de surexploitation de la Nature nous expose? Le modèle R&D de Cuba Autant que, sur ce «grand échiquier» pharmacomédical, Madagascar sache à quoi s’en tenir, maintenant et pour les décennies à venir qui menacent d’être encore plus sanitairement incertaines. Faute d’une capacité immédiate en R&D (Recherche et Développement), un organisme comme PharmaGasy devrait se projeter dans la recherche de partenariats. Sans préjudice de la mise en place parallèle des préalables pour cette «souveraineté nationale» en matière médicamenteuse ou vaccinale. Si les exemples israélien ou indien semblent hors de portée, le modèle cubain paraît beaucoup plus à notre échelle. «Soberna», pour souveraineté, l’un des quatre candidats-vaccins développés par Finlay Vaccine Institute avec le Centre for Molecular Immunology et le Chemical and Biomolecular Synthesis Laboratory de l’Université de La Havane, est entré dans la phase 3 de ses essais cliniques le 4 mars 2021. Malgré un embargo des États-Unis depuis 1962, l’île communiste, qui avait choisi de fonder son développement sur la Santé et l’Éducation, a réussi à développer le premier vaccin contre le Covid-19 de toute l’Amérique latine. En mars 2016, Barack Obama effectuait à La Havane une visite historique, la première d’un Président américain depuis près de 90 ans. Loin des caméras, cette démarche permit la finalisation d’un accord entre l’Institut américain Roswell Park contre le cancer avec le Centre d’Immunologie Moléculaire de Cuba pour développer le vaccin Cimavax contre le cancer du poumon et continuer les essais cliniques aux États-Unis (cf. «Cuba Salva», Chronique VANF, 06.07.2020). Après l’annonce de la reprise des relations diplomatiques entre Cuba et les États-Unis, le Président français François Hollande devenait le premier Chef d’État occidental à se rendre à Cuba, en mai 2015. Les décideurs de la biotech Abivax firent partie de sa délégation: en résulta un accord avec l’Institut Finlay de La Havane, qui accorda à Abivax des droits pour commercialiser trois vaccins - contre la fièvre typhoïde, le méningocoque et la leptospirose - en Asie et en Amérique latine. L’Institut Finlay, biotech cubain dédié à la recherche et la production de vaccins, avait créé le premier et seul vaccin efficace contre le méningocoque des groupes B et C (VA-MENGOC-BC). En 2013, le gouvernement cubain avait regroupé 38 sociétés de biotechnologie au sein de BioCubaPharma. La phase 3 des essais cliniques de «Soberna 2» vont mobiliser 44.000 volontaires de 19 à 80 ans et durer trois mois après la première injection. Cuba compte fabriquer deux millions de doses mensuelles sur chacun des deux sites de production, avec l’objectif à terme de 5 à 10 millions de doses par mois pour réussir à vacciner en six mois les onze millions de Cubains. Cette chaîne de souveraineté vaccinale comprend trois étapes: formulation (cette étape de production de la substance active est la plus complexe), remplissage, conditionnement. De réservoir de bétail humain et de zébus sur pieds au XVIIIème siècle, «grenier» de l’Océan Indien ruiné par 60 ans d’errements politico-économiques, Madagascar prendrait une belle revanche en devenant l’usine à vaccins des îles de l’Océan Indien. Si PharmaGasy doit porter une vision, ce serait celle-là. Pharmagasy et remèdes traditionnels améliorés PharmaGasy renierait sa singularité malgache si elle ne développait pas la recherche dédiée aux RTA (remèdes traditionnels améliorés). Les substances naturelles produites par les végétaux, les animaux ou les microbes, sont à l’origine de 70% des molécules biologiquement actives utilisées en pharmacie. Et Madagascar, si elle n’est pas «la pharmacie du monde» ni «l’usine du monde», dispose d’une biodiversité exceptionnelle qui, si elle est sauvegardée et valorisée maintenant (cf. «Alerte biodiversité: faites le 512», Chronique VANF, 30.04.2020), lui permettrait de prétendre être «le Gondwana botanique du monde». Grâce à l’expérience de l’IMRA (Institut malgache de recherches appliquées), on ne partirait pas d’une feuille blanche. «Rendre justice à l’IMRA» (cf. Chronique VANF, 27.04.2020), c’est dérouler un Vidal très national: MADÉCASSOL (cicatrisant contre l’ulcère gastro-intestinal et l’ulcère externe); MADEGLUCYL (extrait du «Rotra» dit Eugenia jambolana, premier RTA mondial entièrement naturel pour le traitement de diabète de type II); MADETOXYL (antitoxique et antiallérgique indiqué pour les atteintes hépatiques, les intoxications médicamenteuses, les intoxications éthylliques, les manifestations allergiques, associant Vahombe, Centella asiatica/Talapetraka et Cinnamomum madagascariensis/Ravintsara); MADETUSSYL (traitement de la grippe, toux, des affections broncho-pulmonaires, bronchites, rhumes, coqueluches, asthmes); MADETONYL (antiasthé­- nique physique, intellectuel et sexuel, indiqué dans la sénescence de la ménopause, la conva­- lescence des maladies infectieuses et parasitaires); ODY FERY (pommade cicatrisante contre les brûlures, toutes les plaies traumatiques et opéra­toires, ulcères chroniques et variqueux, crevasses des seins, coup de soleil, escarres, vitiligo, psoriasis): ce cicatrisant, reprenant l’association Talapetraka et Ravintsara, a démontré une efficacité similaire au Madécassol, avec un profil de tolérance identique mais un coût de traitement moindre. Et c’est le coeur de la mission IMRA: de la bio-prospec­tion pour développer une médecine traditionnelle répon­- dant aux normes de qualité, adapter les protocoles en Recherche & Développement des pays du Nord aux paramètres d’un pays du Sud afin de garder les produits à la portée des popula­tions locales. Voilà une haute mission propre à conjurer une schizophrénie d’État prompte à interdire un remède («Ed1») auquel des milliers de volontaires ont cru spontanément, participant en quelque sorte à sa phase d’essai d’innocuité. Face à l’urgence sanitaire, il faut déjà combler la pénurie des médicaments pharmaceutiques et juguler un marché noir où ils sont revendus au prix fort. Mais, il doit également y avoir, de la part des tradipraticiens, un effort de transparence parce que le «mystère» tient davantage de la magie à laquelle on ne saurait abandonner la santé publique. Ce 12 avril 2021, Sanofi annonçait investir 400 millions d’euros sur cinq ans pour la création, à Singapour, d’un centre spécialisé dans la produc­tion de vaccins en partenariat avec le «Singapore Economic Development Board» pour fournir la région Asie. Transposons à Madagascar: le catalo­gue des savoirs traditionnels, normalisé par la R&D scientifique, elle-même associée au secteur économique, la démarche étant relayée par une diplomatie du Soft Power, imprimant aux yeux du monde une image nouvelle de l’exception malgache: une multidisciplinarité transversale au service du Made in Madagascar.
Plus récente Plus ancienne