Le « Général Masiaka » lance le programme « Pacification »


De septembre 1896 à mai 1905 le général Joseph Gallieni, devenu gouverneur général de Madagascar, exerce, « tel un proconsul de l’antique Rome », tous les pouvoirs. Les cinq premiers mois- octobre 1896 à février 1897- revêtent une importance capitale. Durant cette période, Gallieni s’installe dans son commandement. En effet, décidé à conquérir la Grande ile, il commence par le Royaume dont l’existence lui paraît constituer un obstacle à la colonisation. Son premier acte est d’exécuter Rainandriamampandry, le 15 octobre 1896. D’après les auteurs du livre d’Histoire destiné aux lycéens de Terminale, un tel geste contre ce général remarquable et ministre de Ranavalona III, est destiné à frapper l’aristocratie et surtout le peuple « qui éprouvait pour ce patriote une véritable vénération ». Le prince Ratsimamanga, oncle de la reine, est condamné par le même conseil de guerre et également exécuté. Bref, « toutes les personnes suspectées de complicité avec les Menalamba, dans l’entourage de la Reine, sont éloignées d’elle et exilées ». Ces évènements plongent les Malgaches dans une douloureuse stupeur. Les Menalamba ne désarment pourtant pas et persistent dans la résistance. Le 28 février 1897, un arrêté abolit la royauté et Ranavalona III prend le chemin de l’exil qui la conduit à La Réunion, d’où elle partira pour Alger. « L’exécution de Rainandria­mampandry et le départ de Ranavalona déconcertent les Menalamba qui luttent pour la restauration de la Tradition. » Le Parlement français ratifie ces deux décisions qui sont contraires aux instructions du ministre Lebon, mais approuvées par les partisans de la colonisation. Pour les Malgaches que sa brutalité terrorise, Joseph Gallieni est plus que jamais le « Général Masiaka », c’est-à-dire le « Général Méchant » capable de tout détruire. L’« Ancien Régime » disparait totalement lorsque la féodalité est abolie le 17 avril. Une décision qui enlève aux nobles leurs privilèges traditionnels. Mais selon les mêmes auteurs, l’abolition de l’esclavage, proclamée à l’insu de Gallieni par le résident Laroche, six mois plus tôt, revêt socialement une importance beaucoup plus grande. Enfin, « la suppression du Fandroana remplacé par la Fête nationale du 14 juillet, mettait en évidence le caractère étranger de cette révolution coloniale ». Après s’être ainsi imposé, le gouverneur général s’apprête à conquérir le royaume. « La brutalité initiale cède la place à une méthode plus souple qu’il a employée avec succès au Soudan et au Tonkin. » Capable d’agir avec sang-froid, avec une « cruauté calculée », il présente à ses subordonnés un programme d’opérations, dont le mot-clé est « Pacification ». Il s’agit pour eux de « progresser lentement, d’éviter de détruire, de réorganiser, de regagner la confiance des populations par une administration équitable ». Ainsi, petit à petit, par des actions concertées, ils parviennent à occuper et à contrôler tout le pays. Comme le gouverneur général, chaque officier ou sous-officier, à l’échelon de son commandement, détient tous les pouvoirs et n’a de compte à rendre qu’à son supérieur. Conquête et administration sont alors synonymes. En commençant par la reconquête de l’Imerina qui se déroule de février à juin 1897. Toujours d’après les mêmes auteurs, la stratégie est partout la même. Les troupes françaises cernent les régions insurgées, coupent les communications entre les chefs, puis pratiquent la politique de clémence préconisée par le Général. Elles obtiennent ainsi la reddition des Menalamba. Par la suite, l’occupation des points stratégiques et surtout le retour à la vie normale, après tant de malheurs, affermissent la paix dans les campagnes. Puis c’est la reconquête des provinces qui se réalise de juin à décembre 1897. L’expédition du Menabe qui succède à l’occupation de Betafo avec la soumission de Rainibetsimisaraka, est marquée par la prise de Miandrivazo, dans le Betsiriry, et par le massacre du roi Toera et de ses fidèles à Ambiky. « Cette opération, non conforme à la pacification, provoqua l’insurrection du Menabe septentrional où le frère de Toera, Ingereza, allait lutter jusqu’en 1900. » Le Nord et le Nord-ouest sont aussi le théâtre d’une série d’actions militaires sérieuses qui partent de Maroantsetra à l’Est, de Marovoay au Sud-ouest, et d’Analalava au Nord-ouest. Mandritsara, Befandriana, Mampikony sont l’enjeu de véritables batailles. En novembre, l’occupation parait totale. Le Betsileo et le Nord-Antankarana n’opposent pratiquement pas de résistance. De même, affaibli par la révolution sociale récente, le Sud-est est resté calme. En décembre 1897, l’ancien royaume semble définitivement reconquis. Mais de graves révoltes montrent très vite le contraire.
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