Ministre nocturne


En attendant de trouver le temps d’un recueil des Chroniques et Mamalan-kira depuis 25 ans, que la procrastination me fait remettre indéfiniment à demain, je me promène dans mes archives pour en exhumer une Chronique au hasard. Celle-ci, en date du 24 novembre 1997, arborait encore son «Sans Complaisance» de cette époque de «belle intransigeance que suivront tant de concessions» (Michel Sardou). (Il y a 24 ans donc), j’avais rêvé que j’étais nommé ministre. L’annonce surprise passa à la télé, et j’en étais à demander à tout le monde: «Vous êtes sûr, mon nom était bien là, c’était bien de moi dont il s’agissait?». Toutes ces questions anxieuses et excitées qu’on se pose toujours (enfin, je suppose) dans ces moments-là. Et puis, sans transition, voilà que je me retrouvai au jardin d’Antanimena à rechercher mon soulier gauche. Et je me suis dit: «Quel drôle de ministre, vraiment, tu fais! Si les gens te voyaient». Mais, il y avait seulement ce chien que je ne connaissais pas, et un ancien condisciple reconverti en clodo. Toujours sans transition, me voilà chez moi, je ne sais plus où exactement. Avec un chat sur les épaules. Une jolie bête très affectueuse. Et la jolie bête très affectueuse, toutes griffes rentrées, me confia quelque chose sur l’oreiller. L’instant d’après, je me promenai dans la rue. Quelqu’un se mit à me tutoyer et j’eus envie de lui dire que j’étais ministre. Mais, finalement, je m’en abstins. Quelque part, ça me faisait chaud au cœur de savoir qu’il ne savait pas. Ce secret des dieux, ce fut mon premier rang protocolaire. On ne me laissa pourtant pas le temps de traduire mes Chroniques en arrêté ministériel ni mes Sans Complaisance en projet de décret. Au lever du jour, le Gouvernement de «Presque Songes» (J.-J. Rabearivelo) était déjà remanié. Je ne voulus pas croire à cette trahison du soleil. Je me mis en boule, comme j’ai appris des chats, et je me replongeai dans les bras de Morphée. D’autres auraient crié «Tsy hiala aho, ho’aho». Je me contentai de gagner une heure de répit. Une éternité virtuelle. Mais, déjà pourri par une seule nuit de pouvoir, je convoquai cette conférence de presse. Celle-ci même que vous avez sous les yeux.
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