Chronique de VANF - Le prétexte Ambositra


Ambositra, Ambohibositra, Vinany. Au XIXème siècle, la monarchie merina y bannissait en exil les personnalités encombrantes. Ce fut le cas de Ravoninahitriniarivo, le Ministre des Affaires étrangères et chef de la délégation qui s’était rendue à Londres, Washington et Berlin en 1882-1883. Accusés de complot, Rajoelina, le propre fils du Premier Ministre Rainilaiarivony, et ses complices le Dr. Rajaonah (qui revenait d’Édimbourg) et Ralaikizo furent également assignés à résidence à Ambositra en 1893. Mais, Ambositra ne fut pas qu’un bagne pour VIP. Cette ville de l’Amoron’i Mania peut être racontée sous l’angle de deux institutions, loin des clichés sur l’artisanat qui font la réputation de la région. Pas cliché donc, mais carte postale. Celle des vieilles photos de la ville montrant la belle cathédrale que rien (encore) n’occulte en vis-à-vis et qu’aucun appendice malencontreux ne vient (encore) défigurer. Malheureusement, sur la photo, s’invitera bientôt une architecture sans âme que le permis de construire a oublié d’interdire. Touchons alors mot de ces Jésuites auxquels nous devons la cathédrale d’Ambositra. C’est le 21 juin 1876 que le R.P. Gaston de Batz (1836-1883) arrivait à Ambositra, rejoint le 2 novembre 1877 par le frère coadjuteur Martin Brutail. Ces deux Jésuites furent les fondateurs de la mission d’Ambositra, les autres congrégations catholiques n’arrivant qu’avec la colonisation française : Soeurs de Saint Joseph de Cluny (1898), Frères des Écoles chrétiennes (1900), Bénédictines (1934). Les Jésuites furent obligés d’évacuer Ambositra le 21 juin 1883, suite à la déclaration de guerre contre la France. Gaston de Batz et Martin Brutail mourront de la fièvre à Mananjary, les 28 et 27 juillet 1883. À la fin du conflit, après signature du traité de protectorat du 17 décembre 1885, le R.P. Morisson put regagner Ambositra où il arrivera le 6 juillet 1886 accompagné par Jacques Berthieu, lequel y travaillera jusqu’en 1891. Affecté ensuite dans le Nord de l’Imerina, Jacques Berthieu y sera assassiné par les Menalamba le 8 juin 1896. Déclaré martyr et béatifié en 1965, il fut canonisé par le Pape Jean-Paul II en 2012. Quant aux dépouilles de de Batz et Brutail, elles furent solennellement ensevelies à Antananarivo le 16 août 1886 en présence de cinq protestants, malgré la rivalité féroce entre les Jésuites et la LMS. Les missionnaires de la LMS (London Missionary Society) avaient devancé les Jésuites à Ambositra. À partir de 1873, Thomas Brockway y fut le premier missionnaire résident de la LMS. Il n’en partira qu’après la conquête française. Après des années de dévouement missionnaire, son épouse mourut pendant le voyage de retour, à l’escale du Cap, le 5 juillet 1896. La LMS britannique dut laisser la place à la MPF (Mission protestante française) confiée à Benjamin Escande qui arriva à Antananarivo le 26 septembre 1896. Recevant un soutien financier de la LMS, la MPF avait pour mission le sauvetage du travail des missionnaires britanniques et du protestantisme malgache. Cette mission allait très mal commencer puisque Benjamin Escande et son collègue Paul Minault, en route pour Ambositra, furent assassinés par les «Fahavalo» le 21 mai 1897 à Ambatondradama, près de Faratsiho. Le nom de Benjamin Escande sera donné à l’école d’Ambositra qui revendique la filiation avec le temple-école organisé dès 1861par les officiers de la garnison merina dans le quartier d’Ambohibary. À Antananarivo, le nom de Paul Minault fut associé à une autre école de la MPF que dirigera André Chazel. C’est Léopold Galland, arrivé en 1897, qui fut le premier directeur de l’école Benjamin Escande d’Ambositra, en septembre 1900. Josefa Andrianaivoravelona faisait office de directeur, mais n’ayant ni le baccalauréat ni la nationalité française, il ne pouvait l’être à titre officiel. Le pasteur Razafimahefa Rainy, un des trois premiers pasteurs (avec Rabary et Rasoamiaramanana) que la LMS, se préparant à composer avec l’administration française, avait envoyé étudier en France en décembre 1896. Il terminera sa carrière pastorale à Ambositra et laissera son nom au centre de formation professionnelle rattaché au lycée technique de la FJKM Manarintsoa. Pour la petite histoire dans la grande histoire du Christianisme à Madagascar, les ardoises de la toiture du temple d’Anatirova à Antananarivo provenaient de la région d’Ambositra. Construit à partir du 29 juillet 1869, ce temple sera ouvert au culte le 8 avril 1880 et il devait servir de siège à l’église d’État que le Premier Ministre Rainilaiarivony avait cherché à organiser sur le modèle de l’Église anglicane britannique.
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