Les sourds, not your business ?


Deux jours avant la tenue du premier débat entre les deux candidats pour le second tour à la présidentielle, un appel a été lancé aux organisations de la société civile, aux partenaires techniques et financiers, aux observateurs nationaux et internationaux, aux médias et à tous les citoyens. C’était un cri d’indignation, de tristesse, d’appel à l’action pour le respect des droits des personnes sourdes. Que dis-je ? Le respect des droits de l’Homme. Nous avons très allègrement fêté le 10 décembre la Journée internationale des droits de l’Homme, les 70è anniversaires de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme mais cela me laisse personnellement très perplexe. En vue de l'élection qui se tiendra le 19 décembre 2018, la CENI organise un débat télévisé entre les deux candidats du 2é tour les 9 et 16 décembre 2018. Une élection qui se veut être inclusive devrait permettre à chaque citoyen d'y participer pleinement et ce, dès la période de campagne électorale.  Madagascar a ratifié le Pacte international des droits civils et politiques, signataire de la Convention Internationale sur les Droits des Personnes Handicapées (article 9 sur l'accessibilité  des lieux publics et accès à l'information) et dit respecter tous les droits humains notamment ceux des personnes vivant avec  un handicap. Dans cette optique, la Fédération des Sourds à Madagascar a fait une requête pour qu'il y ait une traduction en langue des signes (intégrale) dudit débat entre les candidats.  Un lobbying a été fait auprès des membres de la Cellule de Veille, organisateur de l'évènement. Des plaidoyers ont également été entamés auprès de la CENI. Seulement, les réponses que la Fédération a obtenues ne sont pas satisfaisantes et ne respectent pas les droits. En effet, les responsables ont répondu que la traduction en langue des signes ne serait possible que pour la rediffusion (et non pendant le direct). Pourtant, les ressources ne manquent pas (ressources humaines = les traducteurs). De plus, la réalisation de cette traduction n'exigeait pas de moyens techniques spécifiques exceptionnels par rapport à tout ce qui a été fait jusqu’à maintenant. En ce qui concerna la logistique, la traduction peut se faire dans le studio du journal télévisé qui, par conséquent, ne sera pas sur le même plateau que les candidats. En acceptant que la traduction en langue des signes ne se fera que pendant la rediffusion, serait un exemple de plus, de trop, que nous ne nous soucions guère, voire pas du tout, des personnes en situation de handicap en les pénalisant de 24h d’attente. Les personnes en situation de handicap ont le droit d'obtenir des informations en temps réel surtout pour un tel évènement national. Seulement, rien n’a été fait. Le 9 décembre au soir, des hommes et des femmes ont été laissés derrière alors que beaucoup parlent de « left no one behind ». Pourtant, il n’y a aucune raison valable pour que cette traduction ne se fasse pas. Ils ne veulent pas de notre charité, ils exigent le respect strict de leurs droits car ils sont des êtres humains, comme nous. Not your business ? Ce n’est pas vos oignons ?  Je ne trouve pas les mots pour exprimer ma colère, mon dégout face à tous ces responsables de tous bords qui délaissent l’application de tels droits et qui pourtant se félicitent entre eux le 10 décembre. « Fermer les yeux devant les drames, c'est être aussi complice. Ce ne sont pas seulement les auteurs des violences qui sont responsables de leurs crimes mais aussi ceux qui choisissent de tourner le regard » Dr Mukwege – Prix Nobel de la paix 2018. Un autre débat se tiendra le 16 décembre, nous exigeons plus que des emails de bonne réception de notre doléance, des excuses diplomatiquement correctes mais qui ne sont pas humainement recevables.
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