Droit d’inventaire dans les traditions


Après l’hiver, le printemps. Dans notre hémisphère australe, ce sera le 23 septembre. Mais, une première pluie fine a annoncé la moitié humide de la saison. Malheureusement, cette période de l’année est également celle des «doro-tanety» qui transforment le vert-jaune de nos paysages en couleur de suie. Les auteurs multi-récidivistes de ces crimes environnementaux sont sans doute les derniers, sinon les seuls, à ignorer les conséquences catastrophiques de leur stupidité obtuse sur les pluies à venir. Je suis fasciné par la longue histoire de la langue malgache, séparée de l’indo­nésien commun (INC, comme disent les linguistes) depuis 1500 ans, mais qui continue de présenter des similitudes phonétiques, lexicales et grammaticales, avec les idiomes d’Asie du Sud-Est. J’avais été presque ému de reconnaître parmi les aborigènes austronésiens, dont plusieurs portraits sont exposés au Musée national de l’île chinoise de Taïwan, le portrait de ma grand-mère, à 9000 km où elle n’avait jamais mis les pieds. Et j’attends le moment de pouvoir lire in situ les inscriptions bilingues, dans un vieux malais et une langue apparentée au malgache, sur des stèles érigées par un souverain de Sriwijaya en l’an 683. Un héritage cependant que nos ancêtres auraient pu abandonner derrière eux, en quittant Kalimantan (Bornéo) et bientôt la Sumatra des Raminia, est cette funeste tradition du «tavy», la culture sur brûlis. En octobre 2015, les épaisses fumées provenant justement de Sumatra et Kalimantan s’étaient répandues jusqu’en Malaisie et à Singapour où les écoles durent être fermées tandis qu’en Indonésie même le trafic aérien fut fortement perturbé. La culture sur brûlis, mais à une échelle extraordinaire, fut à l’origine de ce phéno­mène, comme déjà en 1997. Les noms d’Andriandravindravina (le lointain ancêtre des princesses vazimba qui enfantèrent la dynastie andriana en Imerina) et d’Andriamandazoala (l’ancêtre Zafiraminia de la dynastie régnante en Sakalava Menabe) sont étymologiquement évocateurs d’une grande forêt originelle pillée sans rémission ni relâche de généra­tion en génération. Les ancêtres, tout «un peuple à la poursuite de la forêt» finalement, pensaient qu’on ne viendrait jamais à bout de cette grande forêt de l’Est. Mais, à force de culture sur brûlis, à force de charbonnage, à force d’imposants madriers et de vulgaires bois ronds, le «Ala Atsinanana» ne sera bientôt plus que légende.
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