Témoignage - Des agents de santé sont démotivés


La prise en charge des patients qui développent la forme grave de la Covid-19 épuise des agents de santé. Plusieurs avouent être démotivés. Sitraka (ndlr: nom d’emprunt) a repris son service dans un hôpital de prise en charge des cas graves de la Covid-19 à Antananarivo, hier matin, après quatre jours de repos. C’est avec le moral à zéro que cette paramédicale bénévole commence sa longue journée. « En 24 heures de garde, je ne pourrais dormir qu’une heure de temps. Il y a beaucoup de travail. Tout ça, je le fais sans rémunération. Depuis le début de cette épidémie, je n’ai reçu de prime qu’une seule fois. C’est très démotivant, vu que d’autres agents de santé qui ne s’occupent même pas des patients atteints par la Covid-19 en bénéficient », témoigne cette jeune femme. Cela fait cinq mois qu’elle travaille dans ce centre de prise en charge des patients infectés par le coronavirus. Pour le moment, elle n’a pas abandonné son poste, mais l’idée l’effleurerait. Certains de ses collègues auraient déjà désisté, d’autres sombreraient dans la dépression. « Entre plusieurs massages cardiaques par jour, plusieurs patients en état grave à surveiller, des décès à chaque tour de garde, quelques minutes de sommeil en 24 heures, et aucune motivation ni rémunération, on est découragés», lance Michaël (nom d’emprunt), interne en 7ème année qui travaille dans un hôpital de prise en charge du coronavirus de la capitale. Lui non plus ne cache pas sa démotivation. « La dernière fois où j’ai travaillé, nous avions effectué des massages cardiaques, sept fois de suite, sur deux patients. Nos efforts ont été vains. Ils ont succombé », enchaîne-t-il, déçu. Michaël ne reprendra service que vendredi. L’idée de revenir au boulot, ne l’enchante plus du tout. Mais il sera présent à l’hôpital, à son prochain tour de garde. « Etre un médecin est une vocation. Notre mission est de sauver des vies et on fait de notre mieux, même si cela peut nous coûter la vie», lance-t-il. Un directeur d’hôpital affirme la baisse de la qualité des soins. Il constaterait, même, des légères fautes d’inattention. « Nos agents sont vraiment fatigués, après plusieurs mois d’épidémie », indique-t-il. Soutiens Des psychologues travaillent dans les hôpitaux qui sont en première ligne dans la prise en charge des patients atteints par la Covid-19 pour apporter des soutiens psychologiques aux agents de santé, « en souffrance ». « Ils sont fatigués, aussi bien physiquement que moralement. C’est très palpable extérieurement, et leur comportement agressif, le problème de départage de tâches, entre autres, ne font que le confirmer », indique Mihaja Rabenoro, psychologue-clinicienne. A part le fait de se sentir dépassés par le coronavirus, qui est une nouvelle maladie, ces agents de santé se soucient de la santé de leur famille. « Beaucoup craignent d’apporter le virus chez eux », renchérit cette psychologue. Pour elle, l’Etat devrait soutenir ces agents de santé, aussi bien les fonctionnaires que les bénévoles. « Il faut voir leur vie sur tout le plan. Leurs besoins sont-ils satisfaits ? Il faut faire en sorte, aussi, qu’il n’y a plus de rupture d’équipements de protection individuelle », exhorte-t-elle.
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